Songes d'Annick Goutal: Chair Caniculaire

J’ai toujours pensé que les parfums d’Annick Goutal, inspirés par sa vie, pouvaient être classés en « parfums de maman » opulents et romantiques (Passion, Grand Amour, L’Heure Exquise), « parfums de papa » virils et prononcés ((Duel, Sables, Eau du Fier…) et « parfums des filles » (Eau de Camille, Eau de Charlotte, Petite Chérie…), les hespéridés (Eau d’Hadrien, Eau du Sud…) jouant le rôle de senteurs partagées par toute la famille…

Songes appartient bien évidemment à la catégorie des parfums de maman. Le genre de maman ravissante qui est toujours follement amoureuse de son mari, marche en oscillant paresseusement des hanches, nage toute nue et fait la sieste à deux dans un hamac pendant que la nounou occupe les gamines… Et avec Songes, maman est en vacances. Son cocktail salicylé de tiaré, ylang-ylang, frangipanier et vanille évoque irrésistiblement l’été et le monoï.

Songes est un parfum ample, charnel, je dirais même charnu, presque huileux à force d’être crémeux, mais il se fond dans la peau en douceur : ici, les fleurs blanches oublient de jouer les divas pour paresser au soleil. Le jasmin fruité est en évidence dans les notes de tête, avec, très brièvement, une note un peu « cheveu brûlé » que je perçois parfois dans certains floraux blancs (d’autres personnes parlent de relents caoutchouteux qui, eux, sont très certainement des facettes de l’essence de jasmin), mais il s’estompe assez rapidement sur ma peau. La tubéreuse ne fait pas partie de la pyramide officielle et pourtant, il me semble en déceler des relents verts-camphrés. Mais c’est le cocktail de fleurs tropicales qui domine d’un bout à l’autre, soustendu d’un courant plus sombre de vétiver et d’encens qui coupe leur côté sucré. Le parfum finit par se lover dans sa base de santal rosé, d’ambre et de vanille, pour exhaler une odeur de peau chauffée au soleil…

À l’époque du lancement de Songes, mon fiancé l’avait immédiatement abhorré, Dieu sait pourquoi , et les échantillons avaient regagné leur tiroir. Depuis, le fiancé a dégagé, et mon histoire d’amour avec Manoumalia – qui pourrait être la petite sœur plus sauvage de Songes, avec ses fleurs tropicales soulignées de vétiver – m’a donné l’idée de les ressortir. Une fois les échantillons épuisés, je me suis offert l’eau de toilette et la crème pour le corps (excellente). Mais curieusement, dans mon souvenir, Songes était beaucoup plus fort et plus jasminé... Est-ce ma tolérance aux floraux opulents qui s’est accrue, ou quelqu’un d’entre vous s’est-il fait la même remarque ?

Image: Stanko Abadzic, Nu féminin à la fenêtre (2007)