D’abord
froide et fusante. Puis moelleuse. La troisième eau de Serge Lutens, Laine de Verre, traduit en odeurs les
sensations éveillées par les matériaux auxquels elle emprunte son nom.
Première bouffée comme une gorgée de Fanta, qu’on
inhale presqu’autant qu’on l’avale : les aldéhydes, servis quasi-crus,
effervescents, avec leurs relents de zeste d’agrumes pressés, de pressing et de
métal – dans le dossier de presse, Lutens évoque ce fil d’argent (La fille de Berlin), de fer (La Vierge de fer) et d’acier qui
traverse ses dernières créations.
« Laine
de verre c’est le métal qui,
physiquement, prend corps dans la senteur. Ce n’est pas sans raison que l’image
d’un guidon chromé, attaché à la barre de direction d’un vélo, sur laquelle
afin d’accélérer sa course, l’enfant se penche et ainsi, en rapproche le nez,
qui tout d’un coup m’a dépassé. » (En passant : lorsqu’on songe
aux livres de chevet de Serge Lutens, on pense volontiers à Baudelaire, mais
dans sa prose, j’entends plutôt Mallarmé.)
À ces aspérités, muscs et cashmeran opposent leur
flouté de laine. Mais comme le rappelle Lutens, la laine, ça peut gratter.
Incrustée d’éclats glacés, elle ne réconforte qu’à moitié. Laine de verre
isolant d’un danger, reprend-il, « une
eau rageuse, orageuse », « scène
de ménage entre mon féminin et mon masculin ». Il n’est pas interdit d’y
entendre le ménage dans les deux sens du terme : cette Laine de Verre, matériau d’usage
domestique, a aussi des relents de détergent mal luné.
Si, toujours selon Lutens, sa première eau éponyme
évoquait le propre, et la deuxième le frais, cette troisième serait « un affrontement avec sa moitié ». C’est
cette âpreté qui donne à Laine de Verre,
avec ses notes de synthèse assumées, son côté pointu (au sens où, en anglais,
on dirait cutting edge). Son
contre-nature qui, paradoxalement, pourrait évoquer après la plus synthétique
des boissons – disons, le Fanta – une eau minérale de montagne. Disons, un pull lavé dans de la
Volvic.
Sur certaines peaux, c’est le Seigneur de Verre
(les aldéhydes) qui prédomine. D’autres penchent plutôt du côté de la Dame de
Laine. Ce parfum pourrait aisément séduire à la fois les amateurs d’odeurs
propres et les aficionados d’anti-parfums comme les Escentric Molecules, les Odeurs de Comme des Garçons ou l’Antimatière d’Isabelle Doyen pour Les
Nez. S’il m’a un peu rebutée au départ, j’avoue que de façon perverse, aujourd’hui
il me plaît assez…
Laine de
Verre sera disponible dès le début de février au Palais-Royal, puis en mars
dans tous les points de vente de la marque.
Illustration
de Dugald Stewart Walker pour La Reine des Neiges de Hans Christian Andersen, trouvée ici.
J'aime bien les odeurs métalliques, ce parfum risque de me plaire...j'ai adoré la note orangée dans Orange Star de Andy Tauer. Peut-être qu'un échantillon sera disponible en décembre quand je commanderai ma bouteille de Vierge de Fer?
RépondreSupprimerRappelle-moi de t'en faire un échantillon pour mon voyage à Montréal!
RépondreSupprimerMerci! :-)
RépondreSupprimer