Certes, le fait
que Le Labo donne le nom de la fleur à son jus n’entraîne pas forcément qu’elle
le domine. Fabrice Penot et Édouard Roschi font exprès d’escamoter la note-star
pour dérouter les attentes. Détournement du dispositif classique de la
parfumerie de niche, qui pallie au manque d’images en donnant à ses produits
des noms de notes identifiables (Le Labo, ça ne vous dit peut-être rien, mais « rose »
ou « vanille », si). Mais aussi, jeu un brin pervers sur le besoin
irrépressible de nommer ce qu’on sent ; de trouver la « bonne »
réponse en élève appliqué (« M’dame, m’dame, c’est de la bergamote, non ? »).
Comme, dans le cas des parfums Le Labo, le nez ne tombe pas forcément sur ce qu’il
attend, on en reste coi. Et c’est dans ce moment de silence qu’on se met à
sentir.
Bref. Qu’Ylang 49 soit un ylang ou pas, on s’en
tamponne les étamines. D’autant que malgré son accord fleurs tropicales – le dossier
de presse met en avant le pua noa noa
aux consonances assez malheureuses pour des oreilles françaises, plus habituées
au doux nom de tiaré –, on n’est pas dans l’ambiance du Moorea Plage
à Saint-Tropez. Sur la carte olfactive, Ylang
49 serait plutôt la cousine urbaine du Manoumalia de Sandrine Videault. Ou inversement, le Perles
de Mousse de Bertrand Duchaufour en plein trip Gauguin.
De ses fleurs
des Tropiques, le parfumeur Frank Voelk a accentué le salin plutôt que le
solaire (qui sont deux aspects des salicylates). Un effet difficile à faire
passer en odeurs, mais qu’on peut booster avec le vétiver (qu’on se rappelle le
Sel de Vétiver de Céline Ellena pour
The Different Company) ou la mousse de chêne, avec ses aspects iodés. C’est
là-dessus que Voekl a joué, pour entraîner ses vahinés dans les buissons, leur
arracher leurs paréos et les mouler dans un fourreau chypré. Évidemment, toute
cette chair florale fait péter les coutures, ça déferle jusqu’au fond benjoin
santal, qui booste le côté crémeux de l’accord ylang-tiaré. Le soupçon de sueur
fraîche que dégage le vétiver intensifie cet effet pétales broyés contre peau
échauffée.
Le dossier de
presse cite l’interprétation du "Clavier
bien tempéré" de Glenn Gould pour dire qu’une composition florale « peut
aller au-delà des fleurs, de la même façon qu’une fugue en ré mineur va bien
au-delà du ré. » Franchement, rien qu’à name-dropper Gould, les gars du
Labo m’auraient eue. On pourrait ajouter qu’un parfum intéressant réinvente les
notes qu’il aborde comme Gould réécrivait les partitions en les interprétant. C’est
le cas d’Ylang 49, qui non seulement
réinterprète la note de façon originale, mais étend la gamme du lascif
olfactif. Du moins, à en croire Monsieur, à qui ça a fait beaucoup d’effet.
Illustration: Ava Gardner dans The Little Hut de Mark Robson (1958)
En grande amatrice des fleurs blanches (je crois), vous avez réussi à me convaincre d'aller sentir cet Ylang Du Labo, marque qui n'a jamais tellement retenu mon attention: merci ! Cela me donnera l'occasion d'aller voir ce que peut être le "trip Gauguin" du si beau "Perle de Mousse".
RépondreSupprimerPour le Diptyque, je l'ai senti, et je l'ai trouvé franchement pas terrible, il est tout à fait générique, un peu comme leur "Eau rose" d'ailleurs. Il pourrait être un flanker d'été de bien des parfums mainstream (à mon humble avis)
William
très beau parfum que j'ai pu testé samedi dernier. Comme à l'accoutumé avec le Labo, le nom est assez trompeur mais c'est tant mieux. Parfum très ..sensuel et même si dans l'absolu les parfums n'ont pas sexe, je ne vois celui-ci que sur une femme!;) .
RépondreSupprimerAlexandre
William, parmi les autres Le Labo qui ont retenu mon attention: Patchouli 24 et Rose 31. Mais après cet Ylang, j'ai envie de tout re-tester!
RépondreSupprimerAlexandre, pour moi cet Ylang peut aussi être masculine à cause de la mousse et du vétiver. Mais pour le sexe des senteurs, le taquet est assez personnel!
RépondreSupprimerJ'adooooore Glen Gould (en bonne canadienne) et j'apprécie énormement Manoumalia, alors ce nouveau Le Labo a tout pour me plaire, il faut que j'appelle Barneys de suite. Quant à Mohéli, il sent super bon pendant 15 minutes et puis pouf, le temps de passer par la caisse, et puis pouf, parti sans laisser de trace. Hyper decevant.
RépondreSupprimeron est bien d'accord Denyse sauf que vous le dites beaucoup mieux et de façon plus approfondie que je n'aurais pu le faire.
RépondreSupprimerVous ne dites rien du Lys qui est sorti en même temps ,Pour ma part, je l'ai trouvé lourd, une sorte de version ratée de Songes. Vous savez que je n'ai aucune connaissance technique, donc ce n'est que par instinct que je dis ça. Votre impression, donc, sur le lys ?
D'autres parfums retiennent mon attention au Labo et j'y reretourne. On est à chaque fois pris à rebours par l'appellation qui vous emmène là où votre nez de vous emmène pas. Lutte de sphères neuronales là-haut. Un exclusif "baies roses" de je ne sais plus quelle ville a retenu aussi mon attention. Le Patchouli est fou par ses dosages de notes fumées au démarrage mais bizarrement tient beaucoup moins qu'on ne le supposerait). La Limette de San Francisco est top. La fraîcheur dans laquelle on a envie de se rouler sans besoin de hausser le col avec des ajouts compliqués. Je l'adore.Le labo devient un incontournable je trouve.
euh, j'ai oublié de signer mon commentaire, désolée.
RépondreSupprimerHélène
Tara, je viens sentir l'Ylang sur une peau de beau brun: pas du tout floral et très masculin vétiver... Intéressant! Quant à Gould... mon dieu!
RépondreSupprimerHélène, je suis également moins convaincue par le lys, mais il est vrai qu'à part Baiser Volé en extrait (que je n'ai pas), je n'ai pas encore trouvé une interprétation qui corresponde à mon lys mental. Cela dit, quand on reçoit deux échantillons et que l'un des deux vous scotche, on prête moins d'attention à l'autre.
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