Il y a cinq ans, le cinquième jour du cinquième mois,
je publiais mon premier billet sur Grain de Musc (pour le lire, cliquez ici). Je
l’ignorais à l’époque, mais le 5 mai est une date hautement symbolique dans l’histoire
du parfum : « Je lance ma collection le 5 mai,
cinquième mois de l'année, laissons-lui le numéro qu'il porte et ce numéro 5
lui portera chance », aurait dit Chanel en choisissant le nom de son N°5…
Curieusement, c’est justement Chanel N°5 qui avait inspiré
ce premier billet. Ou plutôt, une mouillette trempée un mois auparavant dans un
flacon de N°5 vieux de quarante ans, qui embaumait toujours le musc… ce qui m’a
dicté, à la dernière minute, le nom du blog. C'est aussi par Chanel que j’ai
commencé à écrire sur le parfum avant même le blog, puisque mon tout premier
article sur ce sujet, une commande du magazine d’art contemporain Particules, portait sur Les Exclusifs et
la façon dont ils fractalisaient les codes olfactifs et narratifs de Chanel. Le
premier parfumeur que j’ai rencontré, suite à cet article, était Jacques Polge.
De ce petit grain de musc planté il y a cinq ans, bien des choses ont germé. Le parfum, par-delà sa forme olfactive, génère à la fois de l’écriture
et de la communauté... Aujourd'hui, l'exposition N°5 Culture Chanel ouvre ses portes au Palais de Tokyo à Paris, et il se trouve son commissaire Jean-Louis Froment, l'a justement pensée autour d'une communauté : la communauté d’artistes que Gabrielle Chanel a
tissée autour d’elle; la façon dont elle a tissé ce qu’ils lui ont inspiré, en
même temps que les fils de sa propre vie, dans sa création la plus
emblématique.
Parmi ces fils, le souvenir du grand amour perdu de Chanel, Boy Capel. Selon Jean-Louis Froment, si Chanel a créé un parfum, c’était pour évoquer cette absence, puisque ce pouvoir d’évocation appartient à la nature même du parfum. Je lui ai répondu qu'aussi bien, le parfum était la mémoire future de ce qu’on vivait maintenant. Il m’a promis de reprendre cette phrase.
Parmi ces fils, le souvenir du grand amour perdu de Chanel, Boy Capel. Selon Jean-Louis Froment, si Chanel a créé un parfum, c’était pour évoquer cette absence, puisque ce pouvoir d’évocation appartient à la nature même du parfum. Je lui ai répondu qu'aussi bien, le parfum était la mémoire future de ce qu’on vivait maintenant. Il m’a promis de reprendre cette phrase.
Et parce que, comme les objets culturels les plus chargés – comme le parfum aussi, seule forme de parure à pénétrer jusqu’à l’intérieur de notre corps – Chanel N°5 peut aussi se tisser jusqu’au cœur d’une vie, ma visite de cette exposition a rassemblé plusieurs fils de la mienne. Le Palais de Tokyo a été co-fondé par Jérôme Sens et Nicolas Bourriaud, qui est un vieil ami. Nicolas est le créateur de la théorie de l’esthétique relationnelle, qui me semble beaucoup plus opérationnelle pour penser le parfum que la corrélation hasardeuse de tel ou tel parfum à des mouvements de l’histoire de l’art. Ce terme, Nicolas l’a introduit en 1996 dans le catalogue de l’exposition Traffic, dont il était co-commissaire avec Jérôme, au CAPC de Bordeaux. Lequel a été fondé, et était dirigé à l’époque, par un certain… Jean-Louis Froment. Tout se tient.
Ce fameux numéro 5 fait aussi partie de mon histoire à un autre titre, puisque c'est l'essai n°5 de Séville à l'aube qui l'a fait basculer vers ce qu'il est devenu au final, et que c'est en insistant pour que Bertrand Duchaufour le re-sente que je suis devenue pour lui une partenaire de création... L'esprit de Coco veillait-il sur moi ? En parfum, tôt ou tard, on ne résiste pas à la pensée magique.
Je reviendrai à l’exposition N°5 Culture Chanel dans le billet suivant.
Entretemps, pour fêter le 5ème anniversaire de Grain de Musc, j’aimerais
proposer un tirage au sort : un exemplaire de Parfums, une histoire intime, avec un échantillon de Séville à l’aube.
Pour participer, laissez un commentaire au sujet du
billet de Grain de Musc qui vous a le plus frappé(e). Je rassemblerai ceux qui
sont évoqués dans un billet ultérieur, avec les liens, histoire de faire une
petite « anthologie ».Les entrées seront closes dimanche 12 mai à minuit,
heure de Paris. J’annoncerai le/la gagnant(e) lundi 13 mai.
Merci de m’avoir accompagnée au cours de ces cinq
années.
Illustration: Jaspers Johns, Figure 5 (1955)
Tout d'abord longue vie à votre très beau site, on y perçoit beaucoup d'inspiration, de connaissance et de secrets aussi... Le billet qui m'a sans doute le plus marqué est celui où vous mentionnez Lilas Mauve d'Annick Menardo : " petit " parfum, évocation simple et quasi parfaite de ce lilas au matin. Lilas Mauve me plaît infiniment et à l'heure où on évoque beaucoup les parfums de niche, celui-ci, apparemment modeste se trouvait ici même, mis en lumière par votre plume. Voilà !
RépondreSupprimerBien à vous,
Merci Dominique. Ce Lilas, peut-être y aurais-je porté moins d'attention si le nom d'Annick Menardo n'y avait pas été rattaché, même si je suis cliente chez Yves Rocher... Et puis cette note, au fond, elle est "niche"!
RépondreSupprimerUn très bon anniversaire à vous et longue et belle vie à votre superbe blog !
RépondreSupprimerAh vous parlez à mon coeur, le 5 est vraiment mon chiffre fétiche...
Le billet qui m'a le plus frappée ? oh il y en a qui m'ont infiniment plu, certains qui m'ont presque "grisée" et c'était délicieux, d'autres aussi qui étaient passionnants, pleins à craquer d'informations. Et pourtant si je pense à un texte qui m'a vraiment frappée, dont je garde même encore en tête les illustrations photos tant d'années après, c'est d'évidence celui-ci : "Le mariage de Nuit de Tubéreuse et de Fantastic Man (histoire vraie)", une adorable histoire pleine de charme(s). Et tiens, ce petit billet date du 10ème mois de 2010 ;)
alizarine
Bonjour Denyse ! Quelle immense joie de pouvoir vous retrouver "en français"! Mon anglais laisse à désirer, j'ai fait de gros efforts pour lire vos billets en Anglais, ce qui n'est pas toujours évident pour moi, n'étant pas très familière du vocabulaire olfactif dans la langue d'Albion...
RépondreSupprimerQuoiqu'il en soit, mon billet préféré est "Violettes violentes, une autre facette du printemps..." C'est la synthèse de ce qui me touche personnellement: Atys de Lully qui fut pour moi un choc esthétique, visuel et musical, et la violette, ma fleur préférée en parfum, avec sa robe velours et dont l'odeur est pour moi tout sauf mièvre, comme le démontrent Violet blonde de Tom Ford, Dans tes bras, édition du parfum Frédéric Malle et Bois de violette, qui fut mon deuxième Serge Lutens. Autant de "correspondances" qui m'amène, tout naturellement au poème de Baudelaire "les parfums, les couleurs et les sons se répondent". Je ne résiste pas au plaisir de citer la dernière strophe, en hommage au cinquième anniversaire de Grain de Musc :
"Et d'autres, corrompus, riches et triomphants,
Ayant l'expansion des choses infinies,
Comme l'ambre, le musc, le benjoin et l'encens
Qui chantent le transport de l'esprit et des sens."
Très longue vie à Grain de Musc
Alizarine, j'arrive à peine à croire que ce mariage remonte à près de trois ans. C'était en effet une histoire hors du commun!
RépondreSupprimerMerci Ambre Rouge. Je suis ravie que Violettes Violentes vous ait touchée, d'autant qu'Atys a été ma plus grande émotion à l'opéra. Désolée par la phase en anglais, si vous avez compris mon dernier billet, entre la maladie de quelqu'un de très proche et une charge de travail effarante après mon déplacement de trois semaines, je n'ai plus été capable de suivre pendant un moment.
RépondreSupprimerBon anniversaire Grain de Musc !!
RépondreSupprimerJe crois bien que j'ai lu tout tes billets... (bon, pas en anglais en entier hein mais bon)
Merci en tout cas, tu connais toute l'estime que j'ai pour ce que tu écris ;)
J'avais beaucoup aimé ta réflexion sur M/Mink à l'issu des Fifis en article.
Et j'avoue trouvé toujours très pertinent les néologismes de perfumistas du genre "bois qui piquent", "faux de colognes", "iFrags" etc.
Encore bon anniversaire :D !
(et je publie ce message 5minutes avant minuit ;) )
Jicky / Alexis
Bon anniversaire Grain de Musc! Tu n'as pas pris une ride. :-).
RépondreSupprimerJe n'arrive pas à trouver le billet sur Serge Lutens qui m'a le plus marqué... Il y avait une phrase de lui qui parlait de piquer une tête et de t'entrainer avec lui jusq'au fond... Il faut que je fouille davantage les archives...
Jicky, c'est moi, "bois qui piquent"? Je sais que je l'ai trouvé, mais je ne sais plus si je l'ai inventé ou attrapé au vol... iFrags et faux de cologne, en tous cas, je copyright-e!
RépondreSupprimerMerci en tous cas, et t'inquiète, le minuit en question, c'est la semaine prochaine...
Tara, je me rappelle, c'était une interview de Lutens, je l'interrogeais sur les vogues et les vagues...
RépondreSupprimerJe me place d'emblée hors concours car je préfère laisser quelqu'un d'autre en profiter, mais oui, 5 essais peuent suffire pour faire de belles choses. N°5 et Seville à l'Aube tendent à prouver qu'il n'est pas necessaire de revendiquer 5000 essais pour voir la vie plus belle en parfums !
RépondreSupprimerJe confirme penser que le néoligisme "bois qui piquent" vient bien d'un de tes articles, et je me souviens avoir découvert Les Nez et bien d'autres parfums grace à tes écrits et tes illustrations.
Personnellement et tu le sais, je t'envie d'être passée "de l'autre coté", et je ne peux que t'encourager à continuer car c'est mérité, et te souhaiter bonne chance pour tout !
Merci Thierry, pour tes voeux et la confirmation au sujet du bois qui pique... Ma bête noire avec le di-hydro!
RépondreSupprimerPour les 5 essais, en fait, tu le verras dans le livre, il s'agit plutôt de la mod N°5 que j'ai remise en jeu au cours du développement parce que même si elle avait été écartée, elle racontait quelque chose qui manquait aux mods ultérieures. Il y a dû, pour Séville à l'aube, y en avoir environ 130 sur un an et demi, parce qu'on s'est donné le temps de la réflexion. Une grande part sont des ajustements. En effet, 5000 mods, ça ne veut rien dire à part que les responsables du développement ont dû solliciter tous les parfumeurs de tous les labos et changer d'avis mille fois!
Bon anniversaire Grain de Musc !
RépondreSupprimerJ'ai lu votre post intéressant pour longtemps, je vous remercie pour votre travail formidable. Parmi les interviews et les articles dont je me souviens avec le plus de plaisir sont les deux parties de l'entrevue avec B. Duchaufour.
Longue vie à GdM!
Grazie, Marco Pietro. Je garde également un excellent souvenir de cet entretien avec Bertrand!
RépondreSupprimerBon Anniversaire GDM!
RépondreSupprimerParmi les articles favoris (il y en a beaucoup : les interviews, les voyages derrière les coulisses du métier, les scoops, les réflexions…) je n’ai aucune hésitation à choisir, même si a vrai dire il ne s’agit pas d’un article mais d’une série : "la corruption des fleurs blanches"... Ce sont des articles que j'ai lus et relus, en anglais et en français, pour être sure que rien m’échappait, parce qu’ils me parlaient des parfums qui me parlent.
Les grandes dames blanches, elles me touchent beaucoup. Et elles sont parfaites pour fêter les anniversaires, en plus !
Zazie, se souvenir de mes billets les plus anciens, quel compliment! Ça veut dire que même au début ça n'était pas trop nul... Je ne suis en tous cas pas pas mécontente du titre de la série, c'est presque un titre de roman...
RépondreSupprimerAh voilà, j'ai trouvé:
RépondreSupprimerJe m’en tiens à mon quant-à-soi. Les vagues ne concernent que ceux qui savent nager. Pour ma part, je coule à pic et vous emmène au fond.
C'est l'entretien avec S. Lutens du 1er juin 2010. J'ai adoré.
C'est un peu comme lorsque je lui ai demandé lequel de ses parfums il me recommanderait. Il a répondu: "Celui qui vous condamne". Même s'il a déjà dit cette phrase à d'autres personnes (je n'en sais rien, d'ailleurs), c'était une réponse parfaite.
RépondreSupprimerJoyeux 5ème anniversaire!
RépondreSupprimerUn billet me revient à la mémoire :
http://graindemusc.blogspot.fr/2008/07/mes-tops-du-vintage-ii-les-grands.html
C'est un sacré album souvenir, un blog. Nous le feuilletons ensemble.
Julien, merci! C'était un billet de la première année, ça. Ce que j'y explique, c'est un peu la raison pour laquelle je m'intéresse moins aux parfums plus anciens désormais...
RépondreSupprimerJ'espère que tu n'es pas déjà devenue une "veuve mitsouko".
RépondreSupprimerUn peu cigale, un peu fourmi. Voilà une passion qui invite, non à l'excès, mais à la parcimonie. Une passion vertueuse! :D (sauf pour le porte-monnaie)
Les grands classiques sont des compositions qui ont fait mouche. Je pense que les parfumeurs sont condamnés à les recréer, même involontairement. Même s'il s'agit d'épreuves non commercialisables. Ils constituent des figures achevées, des modèles.
Si on peut résumer la passion des parfums à un triptyque :
1° [curiosité] [présent] appétence aux odeurs, curiosité des sens, être plus vivant au présent,
2° [mouvement] [futur] rencontrer des gens passionnés, faire des échanges, tisser des liens,
3° [savoir] [passé] connaissance des classiques, savoir-faire pour assembler des parfums, pouvoir sentir les vintages.
Alors je crois que tu fais le plains de 2°, de 1°, sans être en reste de 3°.
So... what next?
Julien, du Mitsouko, j'en ai encore quelques flacons dans le frigo! Quant au "what next"... j'y réfléchis, c'est le moment de me poser la question à la veille de la sortie de mon livre en France, un an après sa publication en GB. Disons que plus on en sait, plus on sait qu'on ne sait presque rien... donc je vais essayer de continuer à apprendre!
RépondreSupprimerOn ne peut pas tout savoir d'avance, c'est la part d'aventure.
RépondreSupprimerAprès avoir anticiper ce qui peut arriver, il ne reste souvent qu'à faire les choses selon comment elles se présentent. C'est rarement plus compliquer que de poser un pas après l'autre.
Et de ne pas oublier de profiter du moment présent, et de toutes les petites opportunité.
Comme le temps, la vie ne sait aller que dans une direction : en avant!
Je trouve que tu te débrouilles très bien, et que tu peux être fier de toi.
Bises <3
Julien, les choses ne se sont pas trop mal passées jusqu'ici : j'ai accompli un certain nombre de choses que j'envisageais au moment de créer Grain de Musc. Comment quoi, parfois ça marche comme on veut!
RépondreSupprimerJe retarde pour souhaiter un bon cinquième anniversaire mais mieux vaut tard que jamais. J'aurais beaucoup de mal a dire quel post est mon préféré. Du coup, je vais tricher en disant ce que j'aime dans tous les billets : votre extraordinaire capacité a évoquer des fragrances avec des mots, ce qui me donne l'impression de sentir chaque post. Merci encore et longue vie a grain de musc !
RépondreSupprimerLucie, il n'est jamais trop tard pour dire des choses gentilles, merci!
RépondreSupprimer