Malgré sa silhouette délicate
de cavalier (qu’il est), Marc-Antoine Corticchiato crée une parfumerie plutôt
macho (après tout, l’homme est Corse), puissante, émotionnelle, chargée de
matières premières saturées qui donne à ses potions de la mâche. Avec Musc Tonkin, nouvel extrait réalisé en édition limité
pour Parfum d’Empire, il s’attaque à la fragrance fétiche de l’impératrice
Joséphine (selon la légende maintes fois répétée, les murs de La Malmaison en
étaient encore imprégnés de longues années après sa mort)…
Musc Tonkin, comme son
nom l’indique, est une réinvention du mythique matériau d’origine animale
éliminé de la palette des parfumeurs pour des raisons de prix mais surtout pour
la protection de l’espèce (ce qui n’empêche pas les Chinois de massacrer les
chevrotins pour fabriquer des aphrodisiaques). Cette interprétation risque de disputer
au célèbre Muscs Koublaï Khan sa couronne.
Cette fois, Parfum d’Empire
ne fournit aucune pyramide olfactive, partant du principe qu’énumérer les notes
distrairait de l’effet recherche. Difficile de comparer l’interprétation à l’original
(que je n’ai senti qu’à de rares occasions). De plus, la lecture qu’en fait MAC
est forcément personnelle – comme le serait celle de tout vrai parfumeur. Peu
importe, donc, qu’il s’agisse d’une reproduction fidèle, puisque de toute façon
peu de gens pourraient l’apprécier comme telle. Mais si l’on s’inspire de ce
qui qualifie le modèle – poudre, noix, cuir, fourrure, gras, sexe –, Musc
Tonkin réussit bel et bien à susciter l’apparition, via ses accords, de ce que
j’ai appelé au tout début de ce blog « le fantôme de la parfumerie ».
Une note perdue qui la hante, et qui suscitera autant de visions qu’il y a de
parfumeurs.
Il n’est bien entendu pas
entièrement impossible de déceler certains éléments, par exemple des notes
florales blanches et solaires ou des baumes qui viennent dompter les notes
animalisées ou cuirées tirant vers le noir d’encre. Certaines des versions initiales
étaient si fauves qu’elles auraient fait réfléchir à deux fois même l’amateur
le plus féru d’odeurs animales. La version finale, suave, poudrée, presque
cireuse-miellée avec une pincée de sel pour la sueur, dégage une odeur de
fourrure féline, si les grands chats se nourrissaient de fruits et de résines
confits… Élégamment indécent.
Maintenant, à vous :
quel est votre musc préféré ?
La photo ci-dessus a été réalisée par Fabrice Leseigneur, qui réalise
tous les visuels de Parfum d’Empire, pour l’exposition « Parfum d’Empire :
du sacré à la volupté » présentée à l’hôtel Lutetia à l’occasion des Rives
de la Beauté, pour le lancement de Musc Tonkin.
Bonjour Denyse,
RépondreSupprimerSans hésiter, le "musk" de Kiehl's. Pas très original, certes. Et on est loin de la niche. Ce qui me conduit à penser que je n'ai jamais vraiment réussi à dépasser l'aspect "non parfum" du musc. Je le porte quand je suis lasse de tous les autres. Aujourd'hui d'ailleurs, c'est amusant, je l'ai choisi comme on choisit une tenue sage pour un lundi après un week-end agité. Pourtant, il est loin d'être sage, ce musc. C'est donc un mystère: je le porte comme une odeur et pas comme un parfum. Il doit bien y avoir une explication chimique à cela. Et à vous lire, je loupe sans doute beaucoup, à m'obstiner à passer à côté des musc-parfums...
Narriman
Narriman, vous n'avez pas tort d'identifier le Kiehl's plutôt à une odeur qu'à un parfum, car selon le chimiste Philip Kraft, il est constitué à près de 93% de la seule Galaxolide. Il ne s'agit donc pas d'une composition très complexe et on peut dire que la porter peut correspondre à une remise au taquet du nez!
RépondreSupprimerEncore une fois très instructif. Et quel joli nom, la galaxolide ! Merci Denyse.
RépondreSupprimerNarriman
Ohlalala, les muscs... Je tiens beaucoup à mon Kiehl's, un musc confortable et doux, tendre pashmina fait parfum.
RépondreSupprimerMais dès que j'ai lu votre question finale, c'est à l'évidence vers MKK de Lutens que mon esprit a fusé. C'est un parfum extraordinaire et à tel point qu'il sort du registre muscs où l'on peut ranger celui de Goutal, de Réminiscence, voire M^re & musc . MKK a une personnalité, un caractère si fort et original, qu'il n'est pas "un" musc, et pourtant il n'est pas non plus Le Musc. Il est à part, royal.
Quant à ce Musc Tonkin de Parfums d'Empire... comment dire ? Je crois qu'il sera fait ainsi, aussi royal que MKK, forcément... et d'ailleurs depuis qqs mois où je sais qu'il existe(ra), je bous de l'enfin sentir !
Alizarine.
Narriman, les muscs synthétiques ont souvent des noms de princesses intergalactiques: Nirvanolide, Serenolide, Velvione...
RépondreSupprimerAlizarine, MKK est bien évidemment une composition beaucoup plus complexe qu'une simple overdose de musc synthétique (comme d'ailleurs Musc Nomade et Mûre et Musc). Musc Tonkin est également un parfum en même temps que la réinvention d'une matière première déjà très facettée.
RépondreSupprimerSans hésiter, Musc Nomade, il m'accompagne lorsque j'ai besoin de calme, le soir pour dormir et il est doux comme une caresse.
RépondreSupprimerNaty, je suis d'accord, Musc Nomade a quelque chose d'à la fois limpide et caressant...
RépondreSupprimerBonjour Denyse!
RépondreSupprimerEh bien si c'était un parfum au musc pour moi, je crois que je tricherais un peu en choisissant Musc Ravageur .. mais même s'il comporte des muscs, il n'en contient pas forcément beaucoup plus que d'autres parfums musqués qui ne le revendiquent pas..
Mais si je devais vraiment énoncer mon musc préféré, c'est un musc que je ne porterais en fait pas moi-même, mais cela ne m'empêche pas (au contraire) de le préférer : For Her de Rodriguez me semble être clairement une ode au musc quant à lui ..
Sinon je me demandais, pourquoi "machos" les parfum d'Empire ?
LucasDries, For Her, excellent choix! Curieusement, pendant environ deux ans j'étais in-ca-pa-ble d'y sentir le musc. Anosmie totale. Puis, tout d'un coup, oui. Léger remaniement du type de musc employé? Ou est-ce moi qui tout d'un coup me suis dé-anosmisée?
RépondreSupprimerQuant à "macho", je n'entends pas le mot en tant que critique: il veut dire mâle en espagnol, et je trouve que dans leur saturation, leur puissance, presque leur héroïsme, il y a quelque chose de vraiment mâle dans les parfums de MAC (ce qui ne veut évidemment pas dire qu'ils sont "masculins").
<Bonjour Denyse,
RépondreSupprimeravez vous pu découvrir le Musc Intense de Patricia de Nicolaï ?
Votre avis me sera précieux bien sur
Anne
Anne, j'ai teste le Musc Intense de Patricia de Nicolaï juste une journée pour l'instant. Vraiment très très différent de Musc Tonkin! Très poudré-rétro à mon nez. Pas forcément celui que je préfère dans les créations récentes de la maison, mais il est vrai que ce registre-là n'est pas tellement le mien.
RépondreSupprimermerci denyse demain je vais aller découvrir la collection Jardin Noir de Tom Ford il parait que les jus sont magnifiques
RépondreSupprimerJe ne les ai sentis qu'une fois sur mouillette, sans être renversée. Mais évidemment il ne faut pas juger dans ces circonstances expéditives!
RépondreSupprimerDenyse,
RépondreSupprimeren effet rien de renversant du déjà senti en tout cas. en revanche gros coup de oeur pour Bottega veneta !
A vite
Anne
Bonjour Denise,
RépondreSupprimerPour moi MKK de Lutens est le musc le plus animal, le plus "sale" que j'ai senti à ce jour. Je l'adore et aujourd'hui encore il m'enveloppe de sa fourrure animale. Musc tonkin, lui ressemble beaucoup mais je le trouve moins décadent, plus raffiné, plus frais que MKK. Je lui trouve même un petit côté chypre de grande dame. C'est comme si l'on avait mélangé chypre palatin (sans le côté sucre glace) avec MKK. Qu'en pensez-vous?
Anne, pardon de revenir si tard vers vous. J'ai re-senti l'Ombre de Hyacinth, et bien que le nom franglais m'énerve, en fait j'aime beaucoup le jus.
RépondreSupprimerMiroulette, j'ai souvent fait l'expérience, avec des groupes d'étudiantes, des différences de perception de MKK. Bestial pour les unes, tout doux pour les autres. Je pense que Musc Tonkin partage quelques notes avec Chypre Palatin, sans être un chypre pour autant (bien qu'il comporte des notes florales, de la mousse et du patchouli). Le rapprochement est en effet judicieux.
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