Les présidents de la SFP: Patrick Saint-Yves (président actuel), Jean Kerléo, Norbert Bijaoui, Francis Thibaudeau, Sylvie Jourdet, Raymond Chaillan |
« Parfumeur, ton nom est personne »,
proclamait jadis Yuri Gutsatz (fondateur du Jardin Retrouvé).
Aujourd’hui, alors que la Société Française des
Parfumeurs – la plus importante organisation du genre au monde, qui compte plus
de 700 membres – vient de célébrer son 70ème anniversaire, les nez
ne sont plus planqués dans leurs labos. Sous la double impulsion de quelqu’un
comme Frédéric Malle, qui le premier a inscrit le nom des auteurs de ses
parfums sur les flacons, et de la culture parfum en ligne, qui a mis en avant
une version olfactive de la politique des auteurs en repérant les parfumeurs à
forte signature, l’industrie ne se prive guère de pousser les nez sous les
spots pour faire de la promo, et leur présence médiatique n’a jamais été aussi
forte.
Il ne s’agit pas pour autant d’un nouvel âge d’or, et
le fait de troquer l’étiquette « parfumeur » contre celle d’« artiste
olfactif » dans un geste qui tient à la fois de la pensée magique et de l’opération
marketing ne résout pas les problèmes bien plus concrets qui affectent la
profession. Notamment les suivants :
1/ Aucun diplôme officiel de parfumeur n’existe, celui
dispensé par l’ISIPCA étant en « formulation et évaluation ».
2/ Bien que l’apprentissage de la profession soit
aussi ardu et long, et que son exercice requiert des compétences aussi élevées
que, par exemple, la médecine ou le droit, aucun ordre professionnel n’existe
pour la valider.
3/ Du coup, tout le monde et sa sœur peut s’autoproclamer
parfumeur, voire « maître parfumeur » (il s’agit là d’un titre
essentiellement honorifique conféré dans certaines sociétés de composition). C’est
ainsi que certains propriétaires de marques de niche peuvent se prétendre les
auteurs des produits qu’ils commercialisent. Dans des cas que l’on espère
nombreux, il existe une réelle collaboration créative entre le propriétaire ou
directeur artistique et le ou les parfumeurs. Mais plus souvent qu'on ne croit, les jus sont tout
simplement achetés en « prêt-à-commercialiser » dans les sociétés de
composition.
4/ Les formules de
parfum ne sont pas reconnues en tant qu’œuvres de l’esprit, la jurisprudence les considérant comme le résultat d’un savoir-faire,
ce qui d’une part empêche leur protection contre les contre-types et
contrefaçons, et d’autre part prive les parfumeurs d’un statut équivalent à
celui des artistes, auteurs, compositeurs ou créateurs de logiciels
indépendants. On peut se gargariser du mot « art » à s’en assécher la
bouche, mais lorsqu’un créateur n’a ni droits d’auteur, ni droit moral sur son œuvre,
le terme reste purement symbolique.
5/ L'industrie ne s'est jamais mobilisée
pour défendre sa palette contre le massacre des réglementations. L’IFRA n’est
pas forcément le pire ennemi dans cette histoire : c’est au
niveau européen que les réglementations ont force de loi, et les nouvelles
directives pourraient causer de véritables carnages.
Pour toutes ces raisons, la SFP a suscité la création
du Cercle International des
parfumeurs-créateurs, dont les membres fondateurs sont Raymond Chaillan et
Maurice Maurin (tous deux anciens présidents de la SFP), Patricia de Nicolaï
(présidente de l’Osmothèque), François Robert (fils de Guy Robert, Quintessence
Fragrances), Dominique Ropion (IFF), Maurice Roucel (Symrise), Christopher
Sheldrake (Chanel) et Thierry Wasser (Guerlain).
Cette fondation a été annoncée par Raymond Chaillan
dans un discours cosigné par Maurice Maurin au gala du 70ème
anniversaire de la SFP, le 27 septembre dernier à Paris.
Avec la permission de la SFP, je reproduis ici ce
discours in-extenso.
DISCOURS DE RAYMOND CHAILLAN AU 70ème
ANNIVERSAIRE DE LA SFP
« Les premiers statuts des Parfumeurs grassois ont
été enregistrés en 1724. Les garants en étaient des syndics et députés élus par
l'assemblée générale de la ville. Pour appartenir au corps des syndics il
fallait avoir au moins 10 ans d'apprentissage. L'aspirant devait se
présenter devant au moins quatre maîtres qui l'interrogeaient et
ordonnaient l'exécution d'un chef d'œuvre. Les industriels grassois ont
perpétué cette pratique, tout au moins dans l'esprit, jusqu'à la mondialisation
de la parfumerie et l'émergence des sociétés internationales de matières
premières d'abord, de création ensuite. Il y avait à Grasse 50 usines en1850, 30
en 1940. Il y en a moins de 5 actuellement.
Ce retour dans le passé nous montre, si cela était
nécessaire, que le métier de parfumeur est long à apprendre. A-t-on jamais
achevé d'en découvrir les arcanes? Il nous montre aussi que si la présentation
d'un chef d'œuvre était exigée, c'était bien parce qu'on avait une haute idée
de ce métier et une grande considération pour ceux qui l'exerçaient. Sans pour
autant parler d'ART. Les institutions productrices se chargeaient de
l'enseignement et de la reconnaissance.
Les médecins, les avocats, les architectes, les
artisans, sont inscrits dans un ordre ou une association qui leur confèrent une
légitimité. Nous les parfumeurs ne sommes nulle part. Et les parfums ne sont
pas « des œuvres de l’esprit ». Tout au plus le résultat d'un savoir
faire! Voilà ce qu’on nous a dit.
Nous avions étudié la possibilité de créer un Ordre. Trop
long, trop compliqué, un peu pompeux et trop aléatoire. Les membres fondateurs - Raymond Chaillan (pardon pour l'ordre
alphabétique), Maurice Maurin, Patricia de Nicolaï, François Robert, Dominique
Ropion, Maurice Roucel, Christopher Sheldrake, Thierry Wasser - sont arrivés au choix du CERCLE INTERNATIONAL
DES PARFUMEURS-CREATEURS, avec un léger regret pour Compositeurs de Parfums,
plus difficile à protéger au plan juridique.
Pour parvenir au stade avancé où nous sommes, nous
avons adressé à tous les parfumeurs de France inscrits à la SFP un mail leur
demandant leur avis sur le projet. Nous avons reçu 80 % de réponses dont 100%
positives et souvent enthousiastes. Forts de cette légitimité, de cette assise,
nous avons pu avancer dans notre réflexion et constituer un Comité des Sages. Il
n'y a jamais rien eu d'occulte, de secret, de caché. Pas une histoire entre
copains ! Rassurez-vous, personne ne sera oublié ! Prochaine réunion fin
octobre.
Ce Comité des Sages réunit 29 parfumeurs, femmes et
hommes, et notre Président Patrick Saint Yves. Notre souci dans le choix - il fallait bien coopter- a été de le rendre le plus équitable possible,
à la fois géographiquement dans les Sociétés et dans les différentes
spécialités de notre métier. Il n'y a pas les parfumeurs sur le pont et ceux
dans la cale du bateau ! Et puis il y a eu "je t'aime un peu, beaucoup
et à la folie" Nous avions besoin de passion et d'eau très chaude à notre
moulin! L'assemblée constituante de ce Comité s'est tenue le 13 Juin au
Ministère de la Culture.
Transition inespérée! Là même où au mois de janvier le
Ministre avait dans un très beau discours - avant de décorer quelques uns d'entre nous
de la médaille des Arts et Lettres-
appelé de ses vœux qu'à « l'instar de l'intelligence de la main
soit reconnue l'intelligence du Nez comme métier d'art... Car les
parfumeurs a-t-il dit sont des acteurs du patrimoine culturel français
qu'il faut soutenir pour que soient assurées et pérennisées la transmission de
leur savoir-faire ainsi que leur liberté de création. Qu'ils soient
indépendants, rattachés à des maisons de composition ou encore à des marques de
luxe, les parfumeurs ont une place à part entière dans le paysage culturel
français ».
Inutile de vous dire que cette première a donné une
grande force à notre projet alors même que les quotidiens, les hebdomadaires, la
Cité des Sciences, le CNRS, la Sorbonne, l'INRA parlent de parfum, d'odorat, sa
philosophie, de l'olfaction et de ses mécanismes… Intérêt soudain et incroyable
pour l'odorat réhabilité. Et du même coup pour les parfumeurs et leur singulier
métier.
Alors? Pourquoi puisque tout va bien ne pas rester
tranquilles? Si ceux qui font la parfumerie de niche, qui occupe une place
importante dans notre commerce, par la qualité de la recherche dans ses
produits et leurs parfums aussi, se contentaient d'être éditeurs, pourquoi
pas, la créativité resterait au bon endroit, mais ce n'est pas le cas, tous
s'approprient sans honte la création des parfums qu'ils achètent aux sociétés
spécialisées.
Définir, défendre ce métier difficile que l'on
galvaude, recueillir en son sein tous les vrais parfumeurs-créateurs, assurer
les relations avec les pôles d'enseignement, collaboration avec l’Osmothèque, les
institutions, Fédération, IFRA, Commission européenne, Presse, dire que ce
n’est plus possible de réduire toujours et encore notre palette des Naturels,
que la création est en danger, qu’elle atteint ses limites, que les voyants
sont au rouge et que c’est tout un pan de notre patrimoine français qui risque
de tomber, de disparaître, telles pourraient être les fonctions essentielles
de notre Cercle. C'est dans le cadre, sous l'égide de la SFP et de son
président qu'a été constitué le Comité des Sages. C'est au sein de la SFP que
devra rester le Cercle. Il y a toujours une forme juridique à trouver.
J'ai essayé d'être bref. Mais il faut bien que
certaines choses soient dites. Et puis on n'a pas tous les jours un auditoire
de cette qualité!
Notre vœu le plus cher étant bien sûr que notre
nouvelle Ministre de la Culture nous comprenne et nous aide dans notre
démarche, que nos chefs d'industrie aussi comprennent bien qu'elle a comme
seule ambition de défendre notre métier au sein des Sociétés qui nous emploient
et pour elles et leur rayonnement, leur dire la force que nous représentons
pour elles et la place que nous y occupons par notre savoir faire unique et non
partagé, contre l'éclosion sournoise et la génération spontanée d'opportuns
déguisés en parfumeurs qui en deux clics s'installent sur Internet comme Nez, totalement
inconnus des filières normales, s'appropriant une reconnaissance qu'ils ne
méritent pas, offrant des mélanges hasardeux à des consommateurs non avertis, usurpant
le titre de parfumeur auquel nous aimerions tant donner un sens.
Nous devons reconquérir notre Art de la composition,
de l’écriture avec la compréhension, l’assentiment, l’appui de toute
notre industrie dans sa totalité, depuis les producteurs jusqu’aux marques.
Ménager, préparer l’avenir.
L’ordre à la longue se met de lui-même autour des
choses. »
çà commence mal: pas beaucoup de référence au droit. Or, c'est bien par là qu'il faudra prendre le problème, en constituant un groupe de pression suffisamment influent pour conduire le législateur à instaurer une protection, et en n'hésitant pas à faire bouger les lignes d'une jurisprudence frileuse à la Cour de Cassation (mais qui évolue très favorablement devant les juges du fond).
RépondreSupprimerIl est plus que temps.
Narriman
Mon Dieu que ce discours a fait du bien ! Quel plaisir d'entendre enfin ce que tout le monde pense et ne dis jamais!
RépondreSupprimerUn peu de clarté, jetons au feu la langue de bois et les fariboles et ayons enfin les moyens de nos ambitions !
Voilà ce que représente pour moi le Cercle des Parfumeurs. Oui la route sera longue et tortueuse, mais je veux croire qu'avec cette initiative, nous arriverons enfin à de jours meilleurs, à une considération différente de la parfumerie. Moins de gaspillage peut-être, moins d'imposture et de déchets produit par cette industrie, contre elle-même, tout les ans, que ce soit dans le grand public ou dans la niche.
Moins d'hypocrisie, de cynisme et d'acceptation tacite et couarde du système.
Merci 1000 fois Denyse pour avoir retranscrit ce discours. Je m'en vas diffuser cela sur les réseaux! ;-)
Narriman, Raymond Chaillan n'est certes pas juriste, mais ces questions juridiques sont sûrement à l'ordre du jour. Malheureusement, vu le petit nombre de personnes qui se sont rendues à la conférence que la SFP a consacrée à ce sujet il y a quelques mois, la partie est loin d'être gagnée...
RépondreSupprimerJuliette, j'espère aussi que les parfumeurs arriveront à se fédérer pour faire bouger ceux qui peuvent vraiment faire bouger les choses, les patrons des marques et des grandes sociétés de composition. En tous cas, M. Chaillan est un excellent orateur!
RépondreSupprimerMouais...
RépondreSupprimerLe discours sur les nouveaux parfumeurs charlatans en ligne (cf :"l'éclosion sournoise et la génération spontanée d'opportuns déguisés en parfumeurs qui en deux clics s'installent sur Internet comme Nez, totalement inconnus des filières normales, s'appropriant une reconnaissance qu'ils ne méritent pas...")
me laisse quand même un arrière goût un rien mitigé. Parce que pour une bonne part, les parfumeurs artisans apparus récemment et qui ont utilisé internet comme moyen de se faire connaître (tout le monde n'a pas la force de frappe de LVMH !) sont bien des défenseurs de la belle parfumerie, des matières de qualité, des ingrédients rares et des compositions travaillées (je pense à les Nez, Andy Tauer, Vero Kern et consort).
Les parfumeurs installés et "officiels" ont-ils été si actifs pour défendre leur métier et leur patrimoine contre les diverses législations qui restreignent sa créativité ? Du moins tant qu'ils ne sont pas sentis mis en danger par ces nouveaux artisans, et titillés par l'engouement récent (et cité dans le discours) pour les odeurs ? Cette levée de bouclier ressemble quand même beaucoup à du corporatisme, ou alors c'est moi qui ai l'esprit mal tourné (?)...
Veneziana, je n'ai bien évidemment pas assisté à ces réunions, mais je ne pense pas que les indépendants autodidactes soient forcément leur premier souci par rapport aux numéros de passe-passe que certains propriétaires de marques réalisent en prétendant être les parfumeurs. Les petits artisans, nombreux surtout aux USA, ne pèsent vraiment pas assez lourd dans le marché, me semble-t-il, pour qu'on puisse s'imaginer qu'il s'agit d'une réaction corporatiste.
RépondreSupprimerJe précise aussi en passant que Vero Kern a fait 5ème sens et a bénéficié des conseils de Guy Robert, et que les auteurs des parfums pour Les Nez, Isabelle Doyen et Sandrine Videault, ont eu un cursus de formation tout à fait "classique". Ce ne sont donc pas forcément les exemples à mettre en avant dans le cas que vous évoquez.
Quant aux belles matières, c'est plutôt une question de budget, d'accès aux bons fournisseurs et d'un apprentissage très long de la véritable qualité, toutes choses qui ne sont pas nécessairement accessibles aux parfumeurs-artisans travaillant totalement hors-circuit classique. C'est dommage, mais c'est comme ça, et ça n'a rien à voir avec le talent ou l'intégrité des personnes en question.
Enfin, il y a tant de questions à débattre, et il est vrai que le manque de solidarité dans cette industrie est à l'origine des problèmes actuels!
merci pour cet article, (ma parole vous avez enregistré tout le discours!) ça fait plaisir qu'enfin des personnes de la profession se réunissent pour défendre cette profession et, de fait la parfumerie.
RépondreSupprimerpetite question quand vous parlez des éventuels "carnages" à venir en raison des "prochaines directives", vous parlez bien de celles qu'on avait évoquée avec Jicky, en cette fin d'année, qui interdisait à nouveau ENCORE de nombreuses matières premières? (notamment la canelle et l'eugénol, raison pour laquelle on ne trouve plus l'eau lente de diptyque actuellement, par exemple? )
oups désolée pr les fautes d'orthographe
RépondreSupprimerSophie, on m'a fait parvenir le texte, je n'ai pas tout transcrit, juste traduit en anglais!
RépondreSupprimerPour les directives, en effet c'était à cela que je faisais allusion mais je n'ai pas encore eu le temps d'enquêter plus avant. J'entends juste le tamtam qui s'affole!
oui, donc faire des stocks quoi....
RépondreSupprimerje me demande ce que nous, blogueurs et autres passionnés de parfum, pourrions faire en plus de l'action de ce Cercle des parfumeurs créateurs, pour freiner ce carnage...
Sophie, je me pose bien évidemment la même question. Les seuls qui puissent réellement agir sont les grands patrons (LVMH, P&G, Unilever, etc) qui pourraient aller défendre le dossier à Bruxelles avec des arguments sonnants et trébuchants (nombre d'emplois créés, chiffres à l'export). Des politiques poids lourds, aussi. La grande presse commence à en parler (Libé Next, Elle, Le Monde...), ce qui pourrait tirer la sonnette d'alarme auprès du grand public. Mais dans le contexte actuel, qui va inonder Bruxelles de courriers pour la protection de L'Heure Bleue ou du N°5?
RépondreSupprimerP.S. à Veneziana: après discussion avec la SFP ce matin, petite précision. Il ne s'agit en aucun cas de se défendre contre les parfumeurs indépendants, la question est plutôt qu'il n'existe aucun statut juridique de parfumeur. D'autre part, les parfumeurs étant à même de défendre le parfum sous l'angle de la création et du patrimoine, leur voix doit se faire entendre à Bruxelles et pour cela, ils doivent pouvoir être représentés par une organisation fédératrice.
RépondreSupprimerDenyse, je ne peux qu'être d'accord avec vous, mais il reste vrai - et ce quel que soit le domaine d'activités - que les professionnels sous-estiment la réflexion juridique "en amont" et la cantonne au contentieux. Du moins dans notre culture française (c'est beaucoup moins vrai pour les anglo-saxons). Or, c'est bien le droit, et le seul droit, qui régit, dans nos sociétés, les rapports de force, qui est même - devrais-je dire - la résultante de rapports de force...Je suis toujours frappée de lire des mots comme protection, patrimoine, organisation, sans qu'il y ait de véritable référence au droit. Ceci dit, je prêche sans doute pour ma paroisse (mais je vous rassure, dans un (modeste) article récent, je reprochais aux juges de manquer de nez !).
RépondreSupprimerNarriman
PS: tout autre sujet: j'ai lu un article sur 50 shades. Ce n'est pas mon genre, et j'ai bien suivi la polémique...mais waouhhh, bravo d'avoir décroché la traduction. C'est le résultat d'années de travail et de compétence. Bravo et c'est tout.
Merci de ces précisions Denyse. Je me suis sans doute laissée emporter, mais je trouvais ce paragraphe sur les usurpateurs étonnamment sur la défensive. On est face à une réaction et non une action... Comme vous le dites, la situation actuelle découle du retard pris par les parfumeurs pour faire reconnaître leur savoir faire, ou leur art.
RépondreSupprimerNarriman, je suis certaine que cette réflexion juridique est en cours, mais à la SFP, on me précise que si elle n'a pas été plus longuement abordée dans ce discours, c'est parce que rien n'est encore bien défini.
RépondreSupprimerPour ce qui est de ma traduction... disons qu'entre celle de 2 tomes de cette trilogie et les droits étrangers de mon propre livre, j'aurai peut-être de quoi souffler pour songer au suivant!
Veneziana, ce n'est pas la première fois que j'entends Raymond Chaillan intervenir en public et le moins qu'on puisse dire, c'est qu'il a du tempérament et ne pratique pas la langue de bois. Et je devine, je crois, l'identité de deux ou trois personnes en France qui ont pu l'énerver, ainsi que plusieurs de ses confrères.
RépondreSupprimerTiens comme c'est drôle, c'est EXACTEMENT les même revendications que les photographes professionnels – lesquels voient leur gâteau grignoté un peu plus chaque année par des hordes d'amateurs équipés de reflex numériques... Amateurs qui cassent les prix, proposent leur photos sur Internet (rendez-vous compte : sur Internet !), inondent littéralement le marché. France, belle France, berceau de la Photographie, de la Parfumerie, de la Viticulture, etc. Qu'es-tu devenue ?
RépondreSupprimerBen ouais les gars, faut vous réveiller. On est à l'heure des réseaux, là, de la mondialisation, du partage, des carrefours de savoirs-faire, d'un tas de choses nouvelles, qui bousculent les habitudes. Les Lumières c'est fini. Je sais que c'est un peu dur à avaler (moi-même j'ai mis du temps), mais c'est ainsi, c'est là où on va. Où le monde va.
La parfumerie en France a toujours été un secret d'Etat. Ecoles ultra sélectives, formations privées onéreuses, matières parfumantes impossibles à acquérir si l'on est pas "du sérail". Pour celui qui veut s'y essayer sans avoir suivi la "Filière" à grands frais, il y a blocage.
Donc, au bout d'un certain temps ça finit par agacer. Surtout quand les gens s'intéressent de plus en plus à l'olfaction, aux odeurs – et pas qu'aux parfums. Il faut dire, et ce n'est pas anodin, que désormais TOUT sent la fragrance. De la lessive au PQ, en passant par l'habitacle de votre nouvelle voiture, avec sièges "cuir" à l'isobutyle quinoléine. Le parfum est partout.
Dilemme : on prône l'expérience, la rareté, les 10 ou 15 ans d'apprentissage nécessaire, etc. Alors qu'on parfume tout, partout.
C'est oublier qu'en deux cents ans le monde a changé !
La France est bien le seul pays où ce protectionnisme est aussi fort. Voyez les USA par exemple : Il n'y a pas une ville où il n'existe pas au moins une fois l'an une sorte de "salon des parfumeurs" (parfumeurs ultra-niche s'entend) ; il y a des forums sur la création de parfum, des groupes de discussions sur internet (en anglais), des cours en lignes (en anglais), un tas de choses (en anglais of course). La parfumerie devient une sorte de "way of life". Cela créé des synergies, des amitiés, un tas de choses.
En France, les "blogs à parfum" sont à 95% des blogs critiques de parfums. On discute sur ce qui vient de sortir, c'est tout. Reste quelques "blogs de fille" où l'on parle savonnettes, bougies, et création de crème maison. Mais de véritable plate-forme de discussion autour de la création de fragrance, il n'y a rien, ou alors c'est moribond. Sans compter que pour acquérir des matières de synthèse ou naturelles, il faille passer par la Hollande, les USA, l'Allemagne... C'est incroyable.
Je doute que cette cette haine du "parfumeur du dimanche" (pour faire court), versus les "Vrais Parfumeurs A.O.C" soit la bonne stratégie. Si ces derniers font d'excellents parfums, inimitables et supérieurs en tout, ils ne devraient rien craindre de ces hordes d' "inconnus" venus de l'Internet...
Cela dit, je trouve légitime qu'ils cherchent à se voir rendre ce qui revient à César. Et qu'ils ne restent pas dans l'ombre d'un donneur d'ordre ayant lui, pignon sur rue. Tout comme les réalisateurs de films qui s'approprient impunément la notion "d'auteur", au détriment du... scénariste ! (Grosse guerre en France, ça aussi...)
La guerre est partout. Le monde est cruel.
NLR, j'entends. Et la profession a énormément péché du côté d'une pédagogie accessible à un public plus large. Il faut dire aussi que cet intérêt passionné n'est réellement né que depuis très peu d'années, suite aux forums et aux blogs. Comme les anglophones ont une longueur d'avance dans la culture internet, et se sont retrouvés "délocalisés" par rapport aux centres de l'industrie du parfum (Paris/New York), ils se sont bricolé un circuit parallèle. Y a-t-il un marché pour des écoles de parfumerie destinées aux "amateurs", aux passionnés, à ceux qui voudraient faire le grand saut? Je ne sais pas.
RépondreSupprimerCela étant, je pense que pour les "professionnels de la profession", les "parfumeurs du dimanche", comme vous les appelez, ils s'en b....ent jusqu'à s'en disloquer le poignet. Leur problème est plus concret: "parfumeur" n'est pas une profession. Elle n'a ni diplôme, ni enregistrement à la chambre des métiers. Dans l'usine à gaz que sont tous les interlocuteurs de l'industrie du parfum, leur voix n'est pas forcément entendue pour parler de ce qui les concerne au premier titre: la créativité, la protection de leur palette. Voilà des chantiers sur lesquels ils ont trop tardé à agir. Et pour lesquels, si j'ai bien compris, ils souhaitent se fédérer par-delà leurs sociétés, leurs clients, etc.
Le parallèle avec les photographes vaut ce qu'il vaut: n'importe-quel crétin armé d'un iPhone peut choper un scoop. Mettez n'importe quel crétin (voire un être doué d'une sensibilité exquise) en face de 3000 matières premières et ce n'est pas le prochain N°5 qui en sortira. Ça n'est sans doute pas le but, et cette parfumerie indépendante à l'américaine relève de d'autres critères esthétiques (voire thérapeutiques, idéologiques, etc. lorsqu'il s'agit de parfumerie naturelle).
Mais il s'agit là d'un autre débat, et de préoccupations qui ne m'ont pas semblé prioritaires pour le Cercle bien que ce soient celles qui aient le plus fait réagir les internautes.
Il y a, je pense, un marché pour ceux dont ce n'est pas le métier principal. Parfumeur est un métier d'apprentissage long, certes, un de ces métiers où l'on "apprend toujours", mais qui peut se faire sans forcément passer par Versailles :-) (Et heureusement !) Un exemple : Andy Tauer, qui propose des choses très jolies. Six ans qu'il s'y est mis ; au début s'était un hobbie ; il s'est fait un peu aider, je crois par Vero Kern pour l'utilisation des produits de synthèse (elle, ayant passé par 5ème Sens comme vous le précisez – et encore chez 5ème sens, il y a module et module...). Autodicacte, avec le feu sacré, ça a l'air de marcher aussi, dirait-on.
RépondreSupprimerMais il est vrai qu'en France, un des pays les plus scolaires du monde, "auto-didacte" n'est pas très bien vu. Ça sème le doute. D'ailleurs Tauer vend principalement sur le marché anglo-saxon et l'Italie, très peu en France.
Autre problème aussi, pour les parfumeurs de métier, ce sont les tests et l'IFRA : là où ils ne peuvent pas toujours faire ce qu'ils aimeraient, des amateurs (comme aux USA) utilisent de la mousse de chêne à foison, des produits "interdits", pour des résultats olfactifs parfois très intéressant, presque "anciens"... On est dans une situation de parfumerie à deux vitesses. L'une "pro" mais bridée, et l'autre non pro, mais qui fait à peu près ce qu'elle veut (dans son coin). En tout cas il y a de quoi s'amuser...
Quant au mythe des 3000 matières premières, peu de parfumeurs en maîtrisent les arcanes (ce ne serait pas possible d'ailleurs) ; ils finissent par en utiliser qu'une petite partie, en fonction de leur secteur. J-C. Ellena dit que "déjà deux cents c'est énorme, les possibilités sont infinies"... Après c'est sûr qu'il faut bien les choisir et les doser... :-) On peut faire une fragrance très intéressante avec cinq matières seulement, aussi étrange que ça puisse paraître. Et faire un jus totalement raté avec plus de cinquante (par exemple, le "parfum" de Lady Gaga, une sorte de sirop sans relief – mais avec un budget com titanesque...). En fait il n' y a pas de chemin tracé ; seuls les pas font le chemin.
NLR, tous les parfumeurs-créateurs n'ont pas fait ISIPCA, mais tous sont passés par un apprentissage en interne dans une grande maison ou par une profession connexe, également dans une grande maison (plusieurs chimistes ont sauté le pas). Côtoyer des parfumeurs d'expérience est certainement le moyen de ne pas avoir à réapprendre à partir de zéro. C'est pourquoi j'admire beaucoup le travail de quelqu'un comme Ayala Moriel qui parvient à des compositions séduisantes et équilibrées après un parcours d'autodidacte (qu'elle a cependant étoffé par la suite lors de stages à Grasse).
RépondreSupprimerAndy Tauer a en effet un grand succès, notamment parce qu'il a très bien su gérer sa communication via son propre blog et ses interactions avec les blogueurs anglophones: c'était le seul parfumeur directement accessible à une certaine époque. Puis Luca Turin l'a adoubé, et comme il était le pape de la critique de parfum -- position méritée à la fois par son rôle de pionnier et son maniement époustouflant de la métaphore -- ça a décollé.
Si Tauer a moins de succès en France je crois que c'est aussi dû à la fermeture du marché à la parfumerie de niche: il y a, quoi, une quarantaine de parfumeries indépendantes sur le territoire? Y compris celles qui stockent les grandes marques et ne peuvent s'ouvrir faute de place aux marques alternatives. Alors qu'en Italie ce sont 400 parfumeries indépendantes qui peuvent se permettre d'avoir des offres variées. C'est bien pourquoi les deux grands salons de la parfumerie de niche ont lieu en Italie. Je dis tout ceci indépendamment de mon avis sur la parfumerie d'Andy Tauer.
J'ai dit 3000 MP, je sais très bien que l'essentiel des parfums du marché ont recours à une palette nettement plus restreinte. Celle d'Ellena l'est délibérément: il sait pourquoi il écarte ce qu'il écarte -- c'est l'élégance du refus.
Cinquante lignes, c'est assez long pour une formule, mais en fait ça ne veut pas dire grand chose. On peut aligner 50 synthétiques et parvenir à un résultat moins facetté qu'une formule de 20 lignes, voire de dix, qui comporte des produits naturels...
N'empêche que je réitère: il suffit de se trouver avec un smartphone au bon endroit au bon moment pour faire une photo qui sera diffusé sur toute la planète. Lâchez n'importe-qui, même un amateur passionné et fin connaisseur, dans la palette concise d'Ellena, et ce qu'il pourra en tirer sera une meilleure appréciation de ce que c'est que le travail de parfumeur -- ce qui est déjà énorme. D'où, en effet, l'intérêt de formations destinées aux aficionados. Et là, je suis d'accord avec vous, il serait étonnant qu'elles se développent d'abord en France.
Ravi d'avoir discuté avec vous Carmen Canada, c'est toujours intéressant. (Et j'attends de pouvoir lire votre livre, en français). A la prochaine.
RépondreSupprimerEnfin un peu d'action de la part des parfumeurs! Vivement que ça marche pour enrayer les dégâts de l'IFRA et lEU.
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