À ce jour, sentez 4711, la branche
allemande de la famille (la française étant bien entendu celle de Roger &
Gallet). Ce n’est pas qu’un parfum ou même une famille olfactive : c’est
un fait culturel. Présent depuis si longtemps qu’il est pratiquement encodé
dans nos gènes. C’est l’odeur des ablutions matinales, capable de décaper
n’importe-quel miasme nocturne, imitée par un million de savonnettes et de
produits de toilette. La marque 4711, propriété de
Mülhens, a plusieurs fois changé de propriétaires depuis 1994 ; en 2006,
elle atterrissait dans l’escarcelle de Maurer & Wirtz, la société allemande
qui produit le presque aussi légendaire Tabac Original. Le nouveau
propriétaire, sachant qu’il détenait une pépite – voire un lambeau d’histoire –
l’a d’abord rendue, du moins de nom, à ses origines italiennes avec une ligne
de six Acqua Colonia (dont une composée par un nez allemand réputé). L’an
dernier, dans la mouvance des « faux-de-cologne », elle a lancé 4711
NouvEAU Cologne, créé par Vincent Schaller de Firmenich plutôt connu des
amateurs pour Oud 27, créé pour Le Labo.
L’eau de Cologne était jadis
utilisée comme un remède, et d’ailleurs, le site de 4711 revendique toujours
les effets bénéfiques de son Kölnisch
Wasser. Dans 4711 NouvEAU Cologne, l’ingrédient « médicinal » est
l’évodia, utilisée par la médecine traditionnelle chinoise pour
traiter les inflammations et les maux de tête, dont c’est la première
apparition en parfumerie. L’huile essentielle est extraite du fruit de l’Evodia daniellii, qu’on appelle aussi l’arbre
à miel car il est très prisé par les abeilles; il appartient à la famille
des rutacées comme les agrumes. Il doit son nom, qui provient d’euodia, « odeur agréable » en grec, au parfum de
ses fleurs.
L’évodia est un captif développé par
la branche R&D chinoise de Firmenich, qui explore la pharmacopée locale[i].
L’essence a des aspects camomille, sauge et petitgrain qui la tire plutôt vers
le vert herbacé, mais son avantage principal est de remplacer le tagète dont l’utilisation
est très réglementée, car elle ne contient pas le principe actif mis en cause,
la tagétone. Autre avantage : il s’agit d’un ingrédient familier aux
Chinois, tout comme d’ailleurs le yuzu et le litchi des notes de tête de 4711
NouvEAU Cologne… S’agirait-il donc d’un appel du nez vers ce marché naïf ?
Mais là où l’eau de Cologne imposait
de nouveaux codes olfactifs au monde occidental, son successeur se maintient
fermement en terrain familier avec un accord fruité-floral sur un fond boisé,
bien que les fleurs – le géranium et la pivoine – ne penchent pas vers le
féminin, ce qui sied à un produit potentiellement partagé. Un choix de notes un
peu déconcertant pour un produit qui souhaite donner une interprétation
actuelle de la fraîcheur. Sauf si l’on songe que le fruité-floral-boisé est
aujourd’hui ce que jadis étaient les hespéridés : une sorte de réglage
olfactif par défaut.
Cela dit, on peut voir la logique à
l’œuvre dans ce déplacement de la structure Cologne classique vers une autre
zone de la carte olfactive : le yuzu remplace le cocktail citron, orange
et bergamote ; le bourgeon de cassis, le géranium et l’évodia jouent le
rôle de la lavande et du romarin ; la fraîcheur verte rosée de la pivoine
et du litchi assume celui du néroli et de la rose. Une note de « bois qui
pique » et un effet légèrement métallique donnent bien une sensation
aérée, donc une certaine fraîcheur, à cette eau.
À €30 les 150 ml, 4711 NouvEAU Cologne est assez agréable, équilibré et pimpant pour offrir un bien meilleur rapport qualité-prix qu’un certain nombre de parfums vendus le double. Et très sincèrement, je préférais de beaucoup sentir ça le matin que de me faire Axer les narines.
À €30 les 150 ml, 4711 NouvEAU Cologne est assez agréable, équilibré et pimpant pour offrir un bien meilleur rapport qualité-prix qu’un certain nombre de parfums vendus le double. Et très sincèrement, je préférais de beaucoup sentir ça le matin que de me faire Axer les narines.
[i]
L’an dernier, au Trends Lab de Firmenich, c’était la périploque de Chine, autre ingrédient de la médecine
traditionnelle aux facettes mimosa, concombre et feuille de violette, qui avait
inspiré une création de Daphné Bugey.
Très intéressant et généreux article; j'aime ces infos nouvelles & me rends curieuse de sentir cette nouvelle création. Merci, V
RépondreSupprimerViolaine, lorsque vous le sentirez revenez donner vos impressions!
RépondreSupprimerDo you know what are the key components of a narrative? Have a look at our community guide!
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