Plus j’explore la série Mystery of Musk, plus j’ai l’impression que le musc en question n’a servi que de prétexte aux parfumeurs pour laisser parler l’animal qui est en eux… Sensual Embrace de JoAnne Bassett est dans ce cas de figure. Musqué ? Pas des masses. Mais animal ? Passez-moi le zoo de Vincennes.
Le débouché médicinal s’évapore en quelques secondes pour céder à des notes miellées évoquant le genêt – autrement dit, du miel et du tabac – mais c’est sans doute parce que JoAnne a carrément mis une note tabac. Je sens aussi un autre animal du règne végétal, la fleur de camomille, avec ses relents un peu « écurie » de pré sous la canicule, mais comme elle ne fait pas partie des notes listées, ce pourrait être un effet de l’accord tabac-huile de rose-labdanum. Mais la vraie star du spectacle est un jasmin sambac, qualifié de « vintage » (ça se garde combien de temps, au fait, ces trucs-là ?) qui rejoue un accord à la Joy avec la rose tout en traînant un cortège d’indoles pas franchement jeune fille, renforcé par une fleur d’oranger qui mériterait qu’on lui dispense quelques leçons de bienséance, et d’une tubéreuse curieusement timide, qui ne se laisse deviner que par le soupçon mentholé conféré aux facettes vertes du jasmin sambac et de la rose. Le santal (également « vintage ») arrive en fin de course, lacté, fumé, délicieux…
Sensual Embrace porte bien son nom, mais malgré son accord rose-jasmin classique, l’étreinte en question est un peu brouillonne – plutôt de l’ordre de la galipette sur canapé avec service à thé fracassé. Dommage, d’ailleurs, que ça se termine si rapidement : deux heures sur peau, et puis tchao, sans prendre mon numéro de téléphone.
Le peu que j’ai entrevu d’Anya McCoy dans les lieux virtuels où nous nous croisons me laisse deviner une personnalité forte, généreuse et résolue, capable de s’attaquer aux sujets les plus épineux (comme l’IFRA) comme aux matières premières les plus inusitées et rétives (elle en produit d’ailleurs certaines). Il est d’autant plus frustrant pour moi de buter sur Kewdra, le parfum qu’elle a composé pour The Mystery of Musk. Je ne connais ni la fleur de pandanus (très utilisée dans la cuisine indienne), ni le boronia comme matières premières de parfumerie. Je suis donc obligée de déduire leur apport dans le parfum après avoir recherché leurs caractéristiques olfactives sur internet. La fleur de pandanus, y apprends-je, a des effets miel et jacinthe, ce qui explique pourquoi, en sentant Kewdra, après une impression initiale assez umami de livèche (l’herbe « bouillon Maggi »), je sens du genêt (l’effet miel) et une huile de rose verte (la rose et la jacinthe se chevauchent sur la carte olfactive). Quant au boronia, il appartient comme la violette à la famille des fleurs à forte teneur en ionones : banco, Kewdra sent en effet les ionones à plein nez. Anya mentionne aussi un « gardénia vert »: c’est peut-être cet effet assez fleur d’oranger qui perce l’odeur suave et miellée, un peu grasse, de la cire d’abeille ?
Une note verte persiste tout au long de développement floral de Kewdra, tirant vers une note aigrelette de pomme granny qui annonce l'ambrette, flanquée de son complice ès musc botanique, l’angélique.
Après une phase initiale expansive, Kewdra a tendance à s'affaisser, et je suis au regret de constater que pour moi, ses différents éléments n’ont jamais pu assumer une forme cohérente. La parfumerie naturelle n’est peut-être tout simplement pas quelque chose qui me branche, bien que j’aie pris plaisir à découvrir certains des parfums que j’ai reçus...
Voici donc la question que je me, et vous pose : dois-je continuer à les passer en revue à mon rythme ? Ou pensez-vous que dans ces conditions, il vaut mieux que je laisse tomber pour me consacrer à des parfums dont le style m’est plus aisément déchiffrable ?
J’attends votre avis...
Hum... je crois que la réponse se trouve dans votre question, ou plutot dans le fait que vous vous la posiez.
RépondreSupprimerJe dirais: laissez tomber ET continuez à votre rythme ;)
alizarine
Alizarine, d'une certaine manière, c'est tout le problème quand on aborde les compositions de parfumeurs artisanaux, qui sont souvent présents sur Facebook, directement actifs sur le Web, et dont le petit commerce est très sensible à ce qui peut s'y publier puisque leur clientèle est soit locale, soit sur internet. On se prend de considérations sentimentales tout à fait extra-parfumesques.
RépondreSupprimerQuand on y ajoute le fait qu'on s'est engagé à parler d'une douzaine de compos, alors que normalement, je choisis mes sujets au hasard de mes inspirations...
C'est vrai, c'est lourd.
Denyse,
RépondreSupprimerIl est intéressant de découvrir ces créations, de connaître leur existence et la démarche qui les sous-tend. Cependant peu d’entre nous les ont senties ou les sentiront. Et puis ça m’a l’air d’être un pensum pour vous… Alors parlez-nous des parfums qui vous branchent, de ceux qui nous sont (ou nous seront bientôt !) familiers et autour desquels nous pouvons discuter, et faites-vous plaisir !
Rafaèle, je crois avoir déjà entamé une réflexion, quelque partielle qu'elle ait été, sur cette démarche. Mais en effet, ce sont des devoirs de vacances, et j'ai passé l'âge, d'autant que j'écris un livre en même temps!
RépondreSupprimerMa chère Denyse,
RépondreSupprimerFranchement je ne me vois guère te dicter une décision qui semble d'ailleurs partiellement prise... Ce n'est pas faire insulte à ton talent de t'avouer que je n'ai strictement rien retenu des précédents posts sur le sujet (à part que j'avais été intrigué par le parfum pour lequel tu as fait un tirage au sort juste par curiosité de savoir ce que çà pouvait sentir, le "çà" relevant de l'altérité). En effet, les lecteurs qui comme moi n'ont jamais eu accès à ces produits manquent de références tant au niveau des matières que du "style".
La chronique des parfums Honoré des Prés s'inscrivait dans une toute autre logique : Vamp à NYC est une tubéreuse moderne d'abord avant d'être certifiée Ecocert.
J'aimerais rencontrer physiquement cette parfumerie artisanale et après peut-être aurais-je envie de pousser l'investigation plus loin...
Pour le moment, je dois reconnaître que je suis davantage dans l'attente de tes prochains articles (je l'espère) sur Boxeuses, le prochain Duchaufour pour l'Artisan, la prochaine rose de Goutal, les nouvelles Heures de Cartier... à moins que tu ne veuilles nous conduire à la redécouverte d'un classique....
Thierry, les prochaines chroniques sur les sorties attendues viendront, c'est certain (même si je me tâte encore sur la date de publication: c'est toujours un peu embêtant d'être trop en amont des sorties).
RépondreSupprimerPour ce qui est de cette parfumerie naturelle et artisanale, c'est en effet, finalement, une opération réservée aux "happy few" (bloggers, autres parfumeurs) ayant reçu des échantillons, même si cela procure une plus grand visibilité à ces micro-entreprises.
Cela étant, je reste contente d'avoir fait tirer au sort Graines de Paradis, qui est mon préféré du lot, en fin de compte...
J'aurai plaisir à ce que tu me le fasses découvrir, un jour, peut-être...
RépondreSupprimerThierry, mais si, mais si.
RépondreSupprimerdenyse, je ne dirais qu'une chose.. se forcer n'est pas bon..fais ce qui te fait plaisir..c'est en partageant ce plaisir que tu...nous feras plaisir :)
RépondreSupprimerVéro, mes parents en savent quelque chose, qui ont passé plus d'une décennie à essayer de me faire manger des tas de trucs que je refusais obstinément! Mais bon, je suis une grande fille prête à toutes les expériences, maintenant...
RépondreSupprimerOn vous sentait un peu forcée et peu convaincue, donc convaincante, ces derniers temps. Même donner une visibilité à ce genre d'entreprise et les soutenir de temps en temps, oui pourquoi pas? Là il me semble que ça traînait en longueur.
RépondreSupprimerMais on se réjouit déjà et surtout de vous lire pour les sorties annoncées par Thierry. Ça oui!
vh
VH, ça trainait surtout en longueur parce que je m'étais mise en tête de rédiger des avis aussi détaillés sur chacun de ces parfums que sur ceux que je traite d'habitude, par correction. M'enfin, je n'ai pas parlé que de ça!
RépondreSupprimerJ'étais assez contente de ma petite histoire sur le parfum mystère, mais enfin, ça n'a pas soulevé les foules!
Bon, allons droit au but: ce sont vos seuls textes que je n'ai pas lus jusqu'au bout.
RépondreSupprimerRestez libre.
Lala.
Lala, ben oui, je sais que ça ne passionne pas côté français, où ce genre de parfumerie indépendante est bien moins développée et très peu diffusée. Faudra pas me pousser encore beaucoup pour que je laisse tomber...
RépondreSupprimerHeu...vous la sentez, là, la tape amicale dans le dos ? Qui vous pousse légèrement à refaire ce que vous aimez faire ? Non ? Allez, là, vous la sentez, non ? Et vlan ! Là, vous ne pouvez pas dire que vous n'avez rien senti !
RépondreSupprimer;)
Lala
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