Premières bouffées des nouvelles Heures de Parfum de Cartier par Mathilde Laurent

La Diaphane, La Fougueuse, La Défendue… Ce pourraient être des noms de frégates, ou encore de ces mouches qu’on baptisait différemment au 18^ème siècle selon l’endroit du visage qu’elles ornaient. Ce sont, bien sûr, ceux des nouvelles Heures de Parfum de Mathilde Laurent pour Cartier, qui seront lancées en novembre et qui étaient présentées aujourd’hui parmi les ors et les diamants de la nouvelle collection du grand joaillier. Je donnerai un avis plus informé lorsque j’aurai pu vivre avec elles plus longuement. Jusqu’ici, je n’en ai testé que deux sur peau et j’y retrouve ce style à la fois instinctif, généreux et subtil que j’aurais tant aimé voir chez, disons, au hasard… Guerlain ? Et qui a, fort heureusement pour nos nez, trouvé chez Cartier l’espace où s’exprimer.

L’Heure Fougueuse est l’une de ces compositions qui miroitent selon l’angle d’où l’on se situe pour les observer. Mathilde Laurent y a utilisé comme dans La Treizième Heure l’un de ses matériaux préférés, le maté, qu’elle considère comme la nouvelle mousse de chêne. Marié à un matériau proche de l’hédione, le Karismal et aux effets citrus de l’accord magnolia, c’est donc un thé. Mais lorsqu’elle dégage des bouffées de foin et d’un cuir chaud, salé, musqué, L’Heure Fougueuse est aussi un cuir. L’intention de Mathilde était d’ailleurs de travailler un nouvel accord animal, et plus précisément un accord cheval, qui oscille en fait entre la robe d’alezan et la présence humaine. Depuis deux jours, je n’arrête pas de me retourner pour repérer celui ou celle dont la peau sent si bon – la peau, pas le parfum. C’est moi : la Centaure.

L’Heure Défendue est ce que Mathilde appelle « un oriental noir », où elle traite l’absolue de cacao comme une note non-gourmande. « Je voulais l’utiliser comme un vrai ingrédient de parfumerie, lui donner le même statut que la vanille », explique-t-elle. Ce mariage chocolat-patchouli coule de source, puisqu’on le retrouve dans Angel et Bornéo 1834, mais là où le premier le noie dans l’éthyl maltol et que le second joue plutôt un chocolat au lait paradoxalement sec et poudreux, L’Heure Défendue vire au noir teinté de rose (la note plutôt que la couleur) avant de se fondre dans la chaleur du Cashmeran – « un matériau dans lequel je pourrais me noyer », dixit Mathilde.

L’Heure Diaphane est le floral qui manquait à la collection, un accord rose-pivoine-litchi opalin dans une envolée d’aubépines. Je ne l’ai pas porté et à vrai dire, il était trop délicat pour ne pas succomber aux assauts conjugués du cuir, du chocolat et du patchouli. Il est ravissant, mais il devra attendre. J’ai rendez-vous avec l’amant de Lady Chatterley. Ou serait-ce avec celui de Lady Godiva?

P.S. Mon amie anglaise Nicola me glissait l’autre soir qu’elle avait hâte que Cartier complète sa collection des Heures pour qu'ils songent à les sortir en coffrets de miniatures. Je trouve que Cartier devrait proposer ses Heures en mignonnettes comme Hermès le fait pour les Hermessence, ou en atomiseurs rechargeables comme chez By Kilian, afin que nous puissions nous offrir ces parfums magnifiques, mais hors de prix pour la plupart des amoureux du parfum, dans leurs conditionnements d’origine plutôt que d’avoir recours aux décantages. Que ceux qui sont pour lèvent la main.

Illustration: Spectacle du cirque équestre Zingaro.