Bien qu’elle ait été inscrite au Parti Communiste italien et qu’elle étudié le mime, Miuccia Prada est un pur produit de la bourgeoisie de l’Italie du nord – tribu profondément tweed-mocassins – et, comme je l’ai déjà écrit, ses vêtements ont toujours un petit côté instit’, délibérément je-ne-m’habille-pas-pour-plaire-aux-hommes. De même, les parfums Prada, à l’exception d’un premier patchouli-orange charriant peut-être des réminiscences des 60s, affichent une attitude résolument non-décolletée. Toutes signées par Daniela Andrier, elles sont remarquablement cohérentes entre elles et avec la marque, et cette cohérence s’appuie sur l’odeur de savonnette qui est leur signature olfactive. Ces flacons élégants ne laissent échapper aucun sillage aguicheur : juste l’odeur de propre des bourgeoises aisées qui n’éprouvent nul besoin de pub érotique, et pour qui une débauche d’odeurs capiteuses serait déplacée non seulement parce qu’elle est vulgaire, mais parce qu’il s’agit de gaspillage.
À chacune de ces savonnettes Prada est ajoutée une odeur lavée de tout ce qui pourrait rappeler trop vivement la terre dont a surgi la plante évoquée ou le message sexuel exhalé par ses corolles. Dans Infusion de Tubéreuse, la fleur éponyme, hoquetant encore des bulles – jadis, on lavait avec du savon la bouche des enfants qui disaient des gros mots, et la tubéreuse en a quelques-uns à son répertoire – surgit après une bouffée étincelante mais éphémère de citrus. Mais son côté savonneux, elle a conservé un crémeux intensifié par un effet gardénia/bonbon à la banane qui confère au parfum une saveur sucrée sous les bulles.
La plus indomptable des fleurs de la palette des parfumeurs est matée, muselée, rompue aux bonnes manières : elle sirote un thé avec d’autres matrones milanaises tout en caressant du bout du doigt son pull à col roulé en cachemire. Jadis, elle rêvait, diva, de conquérir la Scala en chantant Mimi. Elle a opté pour le charme discret de la bourgeoisie.
et pourtant, la vue du village d'où viennent les Prada (et où ils ont encore une maison), une vue plongeante sur le lac de Côme, est tellement magnifique qu'elle aurait pu inspirer un parfum qui ait ce même côté radieux et resplendissant.
RépondreSupprimerpersonnellement je trouve très jolie la ligne de vêtements Miu Miu, pas vraiment à l'image que tu donnes de Muiccia Prada d'ailleurs.
en achetant "en passant" j'ai reçu Viccolo Fiori d'Etro, Magnolia Nobile d'Acqua di Parma et un troisième d'un parfumeur dont je n'ai jamais entendu parler. je suis curieuse de tester, je n'ai jamais rien senti de ces maisons!
Columbine, c'est ma fréquentation de la grande bourgeoisie italienne dans une autre vie qui m'y a fait penser -- mais le lac de Côme, quelle merveille en effet...
RépondreSupprimerJ'admire énormément Miuccia Prada, et justement, c'est ce petit côté légèrement ingrat, anti-Versace qu'elle donne à ses vêtements que je trouve intéressant. En règle générale, c'est un style que les femmes comprennent et adorent, mais qui laisse les hommes plus froids.
Je ne suis pas, par ailleurs, très versée ès parfums italiens. Je n'ai pas raffolé du magnolia et Etro reste à explorer...
Voilà, c'est une cologne à la tubéreuse, savonneuse à souhait qui rappelle par certains côtés White Linen. Je trouve que c'est un jus charmant, discret, qui permet de conserver modestement une citation de cette fleur que nous chérissons tant. Je la trouve idéale en plein été et rien n'empêche le soir venu, de mettre Beyond love ou Carnal Flower... Des infusions Prada, c'est celle où va ma préférence. Mais cela t'étonne t'il?
RépondreSupprimerRebecca, ça ne m'étonne pas, mais tu ne t'étonneras pas non plus que je consomme plutôt ma tubéreuse en overdose qu'en infusion. Tubéreuse, infusion, c'est pratiquement une aporie. Cependant, tu as raison, c'est un parfum agréable.
RépondreSupprimerJe ne sais si tu l'as senti, mais l'infusion de vétiver est encore plus "lavée" et d'une telle fugacité...
RépondreSupprimerPointancor, comme dirait Zazie...
RépondreSupprimerBonjour,
RépondreSupprimerHé bien, tout ce que je lis sur les infusions de Prada me laisse rêveuse, car je ne perçois pas du tout les choses comme vous.
C'est vrai que je suis à la base une bougeoise, mais "dégénérée" : je ne vis pas dans le monde de la bourgeoisie. Et je ne suis pas particulièrement collet-monté ni adepte de l'odeur de savonnette.
Ce que m'inspirent ces senteurs - que j'adore et porte, tubéreuse et iris - c'est plutôt la subtilité que la savonnette, un côté ultra féminin - ne vous froissez pas - pour celles qui n'ont pas à prouver cette féminité, qui n'ont pas envie de tatouer leur présence dans un lieu. Ceci dit, j'ai la quarantaine sexy, et je n'aurais peut-être pas porté ces parfums à 20 ans.
Pas de jugement de valeur, juste une façon d'être différente.
Quant à la fugacité : une semaine après avoir légèrement aspergé une veste, infusion d'iris émet encore ses effluves charmantes, facilement captées par mon nez !!
Prasline
Prasline, mais pourquoi me froisserais-je? Les parfums peuvent inspirer différentes histoires, chacun a sa façon de s'identifier à telle note, tel effet, tel accord... On peut avoir différents registres olfactifs selon le type de femme qu'on est d'humeur à incarner ce jour-là, ou un seul: pas de règles là-dessus, ce serait un comble lorsqu'il s'agit de plaisir!
RépondreSupprimerMais si l'on joue la tubéreuse, on y va, on ne la bride pas, d'autres notes se prêtent beaucoup mieux à la féminité subtile, comme l'iris, justement...
Hé bien j'ai adopté cette tubéreuse-là.
RépondreSupprimerJe ne suis pas du tout une pro en parfums, mais la première fois que j'ai senti cette infusion-là, ça m'a vraiment fait penser à "Jardin de Bagatelle", mais en plus rond, à la fois plus léger et plus souriant que le parfum de Guerlain, c'est en tout cas ce que ça m'inspire. Est-ce la tubéreuse que l'on retrouve ? je l'ai supposé. Chez celle de Guerlain, il y a du "j'aime" mélangé à "j'aime pas", et pour celle de Prada, c'est "j'aime" sans réserves !
Prasline, je dirais dans ce cas-là que vous n'aimez pas particulièrement la tubéreuse mais les notes florales blanches assez douces, peut-être plutôt les effets muguet qui sont présents dans le Prada... Les Jardins de Bagatelle, beau parfum au demeurant, est un bulldozer comme on en faisait dans les 80s, et Dieu sait que sa force de frappe en a fait reculer plus d'une! C'était mon cas: je n'ai aimé la tubéreuse que lorsque je l'ai découverte traitée par Serge Lutens. Excessive, baroque, mais pas du tout 80s!
RépondreSupprimerEn effet, j'aime les notes florales plutôt légères, muguet oui, mimosa, lilas, gardénia, freesia, seringa... iris, etc.
RépondreSupprimerJ'ai une question, peut-être saurez-vous y répondre : je ne trouve pas ce qu'est la dynamone, à part le fait que ça entre dans la composition de cette infusion ! Je ne trouve même pas sur le net d'où ça sort. Le savez-vous ?
Et merci pour votre blog, il est passionnant.
J'ai trouvé de nombreuses références en tapant le nom dans Google, pourtant... Ce serait une molécule synthétique reproduisant l'odeur ambrée du ciste labdanum, mais j'avoue ne jamais l'avoir rencontrée en personne... Presque toutes les références portent d'ailleurs sur l'Infusion de Tubéreuse (en se contentant de répéter le dossier de presse) ce qui laisserait entendre que la molécule en question n'est pas très utilisée ou du moins, jamais nommée.
RépondreSupprimerMerci, j'avais vu en effet les nombreuses références à cette infusion de tubéreuse en contenant. Mais bon, apparemment difficile de trouver plus de précisions que synthétique et rare !!
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