Jeudi dernier, le buzz du cocktail d’ouverture de la nouvelle boutique Guerlain du Marais (sur laquelle je reviendrai plus tard) ne portait pas tant sur le nouvel Idylle (au demeurant bien reçu), le dernier Miyaké ou la collection exclusive de Cartier, que sur la Maison Francis Kurkdjian, qui avait organisé la veille une journée de presse. C’était d’ailleurs la première question à jaillir aux lèvres des gens qu’on saluait : « Alors, qu’en pensez-vous ? » Puis une pause. Puis : « Ah, c’est exactement ce que je me disais. »
Et alors, ce que j’en pense ?
La boutique : ravissante, lumineuse, reprenant en écho les couleurs de Paris – crème du calcaire, gris des toits en zinc, dorures du dôme des Invalides ou du pont Alexandre III. Une vitrine animée reprend un panorama naïf-stylisé de Paris vu des toits ; la bande-son de Béatrice Ardisson chante Paname.
Dans ce décor dont la présentation des produits reprend les tons, un concept : le parfum comme expérience totale pour toute la famille au fil de la journée, avec deux eaux de parfum déclinées pour elle lui lui, A Peace of Me (APOM) et Lumière Noire, et trois senteurs à partager, Cologne du Matin, Cologne du Soir et Aqua Universalis. Toutes ces fragrances sont également déclinées pour la maison en bougies, parfums d’ambiance et papier d’Arménie qui en reprennent les notes dominantes. De petits bracelets de cuir à fermoir magnétique en argent en sont imprégnés, à la manière des gants d’antan (on voit déjà l’idée cadeau). M. K. n’oublie pas les enfants : il leur propose du savon parfumé pour faire des bulles, aux parfums d’herbe, de menthe ou de poire.
Mais le véritable coup d’éclat conceptuel, comme l’a très bien argumenté Octavian Coifan dans son post, c’est le lancement d’une lessive liquide parfumée à l’Aqua Universalis. Pour la première fois de l’histoire, un parfumeur signe un produit fonctionnel. S’agit-il d’un jeu sur les rapports incestueux entre les odeurs de lessive et les parfums « propres » (donc lessiviels) tellement en vogue ? Le résultat devrait enthousiasmer les Américains, de plus en plus souvent contraints de ne pas porter de produits parfumés sur leurs lieux de travail : « Mais non, ce n’est pas mon eau de toilette qui sent, ce sont mes vêtements ! »
Bien vu : le parfum comme expérience totale, du matin au soir et des serviettes aux draps en passant par les pulls, femmes, hommes et enfants d’un foyer peuvent baigner dans des sillages complémentaires. Ce n’est pas par hasard que cette marque s’appelle « Maison ».
D’ailleurs, la plupart des personnes avec lesquelles j’ai discuté des parfums de la Maison Francis Kurkdjian ont été frappés par leur caractère familier : manifestement, le parfumeur a surtout retravaillé des idées déjà développées auparavant, autour de deux matériaux fétiches, la rose et la fleur d’oranger. La première est au cœur de la Rose Barbare de Guerlain, de deux premiers Juliette Has a Gun, de Manakara d’Indult et de la Rose de Siwa de MDCI. La seconde domine Le Mâle et Fleur du Mâle de Jean-Paul Gaultier, l’Iris Nobile d’Acqua di Parma et For Her de Narciso Rodriguez. Ce qui ne représente néanmoins qu’un petit quart des plus de quarante parfums signés par Francis Kurkdjian. De plus, la rose et la fleur d’oranger font partie depuis des siècles de l’arsenal des parfumeurs. Enfin, on ne peut pas reprocher à un artiste d’avoir de la suite dans les idées…
L’impression qui se dégage de la collection, c’est que Francis Kurkdjian ne s’est pas lâché, qu’il ne s’est pas servi de sa liberté pour réaliser ses rêves les plus fous de parfumeurs, mais plutôt qu’il a repris ses meilleures idées sous le bras pour les affiner jusqu’à ce qu’elles expriment exactement ce qu’il voulait en faire en premier lieu, ou ce qu’il sait en faire aujourd’hui. Cela étant, par rapport aux parfums signés pour d’autres maisons, ceux qu’il propose chez lui – à l’exception d’Aqua Universalis, fraîche jusqu’au crissement – sont plus saturées : truffées de matériaux riches et de trilles romantiques.
Je reviendrai plus tard sur ces parfums, que je préfère tester plus longtemps (et individuellement) sur peau. En attendant, je vous engage vivement, si vous êtes à Paris, à passer rue d’Alger où Donatienne vous réservera un accueil absolument charmant. Et à consulter, si ce n’est déjà fait, les impressions de 1000fragrances, en cliquant ici, ici et ici.
j'ai vraiment hâte de tester tout ça, je viens a paris du 26 au 27, et c'est sur ma liste de priorité avec back to black de kilian
RépondreSupprimerVéro, ton nez ne va pas chômer. Il y a aussi les nouveaux Van Cleef aux Galeries Lafayette (testers planqués, il faut les demander), et le nouvel Artisan sera peut-être dispo... En tous cas, les FK valent la peine d'être découverts, le lieu aussi -- et côté idées-cadeaux, ça devrait cartonner.
RépondreSupprimerDenyse, qu'est-ce que tu penses des VCleef? Je les ai sentis le weekend dernier mais rien ne m'a accroche. Je sais que Octavien les trouve reussis, mais a mon nez ils etaient un peu fades.
RépondreSupprimerTara, je les ai juste sentis sur testers - à part le Gardénia que j'ai -- et je les trouve très jolis; l'iris est carrément beau. J'espère pouvoir en reparler bientôt. Trop de nouveautés!
RépondreSupprimerPour ce qui est de la fadeur, vus tes goûts pour les épices, l'encens, etc., ça ne m'étonne pas que tu aies eu cette impression. Je dirais plutôt délicats. La cologne devrait te plaire: très Buxton.
Je vais les re-tester, comme tu dis, mon nez est tellement habitue aux bois/encens/oud et compagnie que ces parfums-la me paraissent fades.
RépondreSupprimerTara: eh bien oui, c'est ça quand on passe aux drogues (olfactives) dures. Mais si tu n'as rien contre les roses, teste aussi les Lumière Noire pour femme et pour homme de FK quand Luckyscent les recevra. Ils sont riches et amples.
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