Un blog censuré ?

Quand un géant du luxe s’en prend à un critique indépendant, fut-ce indirectement, il est légitime de parler de tentative d’intimidation, voire de tentative de censure.

Un ami très cher, Octavian Coifan du blog 1000fragrances, a reçu hier de la part de l’hébergeur de son blog l’ordre de retirer un post sur le parfum Idylle de Guerlain, sous peine de se faire supprimer son compte. On n’a aucune difficulté à imaginer de qui vient le coup.

D’autres blogs français avaient publié le visuel d’Idylle, repris au site de l'hebdomadaire Stratégies. Ils ont été priés de le retirer, de même d’ailleurs que Stratégies. Donc, manifestement, quelqu’un, au service juridique du groupe en question, sait se servir des emails. Les bloggeurs en question ont obtempéré.

Pourquoi n’avoir pas pris contact de la même façon avec Octavian, dont l’adresse électronique est affichée sur son blog ? Pourquoi avoir employé des tactiques aussi détournées ? C’est pour le moins maladroit : d’une part, c’est très mal vu du point de vue des relations publiques et d’autre part, parce qu’il était évident qu’une telle démarche ne serait pas passée sous silence. On peut toujours jouer les gros bras avec les petits bloggeurs, qui n’ont pas les moyens d’engager des démarches juridiques, mais faire taire la blogosphère ? On peut toujours essayer…

Pourquoi pensé-je à la loi Hadopi, qui sous couvert de protéger les droits d’auteur des artistes (vivant moi-même de droits d’auteur, croyez que je suis sensible à la question) ?

Parce qu’il s’agit encore et toujours de contrôler internet et la libre circulation de ce qui s’y trimballe, alors que c’est impossible. Cette indépendance de pensée, voilà ce qui est insupportable aux grands groupes qui promeuvent leurs produits à coups de millions, et qui semblent trembler qu’une simple recherche Google fasse apparaître des opinions qu’eux, ou la presse qui se fait leur relais (on ne badine pas avec les annonceurs), n’auraient pas émises.

Oui, cela ressemble furieusement à une tentative de censure, qui plus est sur l’un des blogs parfums les plus anciens, les plus lus et les plus respectés.

Je crains que cette démarche ne soit la première salve d’attaques beaucoup plus systématiques. J’espère que non, et que les groupes de luxe comprendront qu’on ne peut pas faire taire la critique, qu’il faut savoir l’entendre autant que les éloges, et que les blogs ainsi que leurs lecteurs peuvent leur être beaucoup plus utiles que nocifs, justement parce que ces éloges sont crédibles.

J’espère aussi m’être trompée sur cette affaire, et voir ce pataquès résolu sans qu’Octavian en souffre plus qu’il n’en a déjà souffert, et sans qu’il se sente contraint de mutiler son blog en retirant tous les posts concernant Guerlain. Que j’ai d’ailleurs téléchargés : je vous invite à en faire autant.

Je tiens par ailleurs à préciser ceci : lundi 22 juin, Sylvaine Delacourte de Guerlain a réuni, de sa propre initiative et non de celle de Guerlain, plusieurs bloggeurs parisiens et quelques amoureux du parfum pour découvrir de nouvelles matières premières et quelques anciens Guerlain.

Comme Sylvaine m’a gentiment conviée à inviter qui je souhaitais, j’en ai profité pour réunir la blogosphère parfumée parisienne pour la première fois. La rencontre, grâce à Sylvaine, à sa générosité et à ses talents d’hôtesse, a été appréciée de tous.

Comme Sylvaine l’a précisé elle-même dans les commentaires du blog d’Octavian, elle n’était absolument pas au courant des démarches visant 1000fragrances. Le fait qu’Octavian soit gratifié d’un courrier comminatoire de son hébergeur le lendemain même n’en a été que plus choquant pour tous les protagonistes, elle la première – après Octavian, bien entendu.

Rectificatif ajouté le 25 juin à 11:00: J'ai retiré le rectificatif ajouté hier, car il contenait des spéculations fondées sur des informations erronées. Je reviendrai sur cette affaire une seule et dernière fois dans un post ultérieur, une fois que j'aurai rassemblé des informations exactes, et que je serai à même de rédiger à tête froide, plutôt que de façon passionnelle.