dimanche 20 juillet 2008

Mon coup de foudre gourmand : Safran Troublant de L'Artisan Parfumeur


Safran, confiture de roses, vanille, santal… Un mélange gourmand aux accents persans ou indiens que, mis à part le santal, on aimerait sans doute mieux faire fondre sur la langue que vaporiser dans son décolleté.
Pourtant, le Safran Troublant de L’Artisan Parfumeur ne met pas tant l’eau à la bouche, qu’il suscite une sensation presque féline de confort lorsqu’on le respire…

Dois-je le dire ? C’était un coup de foudre : l’une des rarissimes occasions où j’ai brisé ma propre règle de trois (trois tests sur peau avant d’acheter). Il faut dire que l’ambiance, dans la grande boutique de L’Artisan Parfumeur près du Louvre, s’y prêtait. J’y avais donné rendez-vous à mon amie K., complice de la plupart de mes virées parfumées, pour sentir les compositions d’Olivia Giacobetti. Celle-ci vient de relancer quelques références de sa ligne, IUNX, dans la boutique de l’hôtel Costes, et je voulais retracer un peu son itinéraire créatif avant de me lancer dans une analyse plus poussée d’Éther, L’Eau Blanche et Splash Forte (on y revient très bientôt).

Comme Dzing, L’Été en douce (ex-Extrait de Songes), Passage d’Enfer et Fou d’Absinthe, entre autres, Safran Troublant faisait partie du programme de révisions. Je ne m’attendais pas à ce que mon guide soit la charmante, chaleureuse et enthousiaste Stéphanie Bakouche. Récemment recrutée par L’Artisan pour assurer les formations – celles du personnel mais aussi celles régulièrement offertes au public – Stéphanie, diplômée de l’ISIPCA, est aussi le talentueux auteur d’Invasion Barbare, l’une des deux références masculines des Parfums MDCI, une lavande infusée d’épices qui redéfinit le genre « fougère »… Sentir en compagnie d’une parfumeuse qui adore la gamme qu’elle vend : irrésistible.

Afin de ne pas saturer l’air de la boutique d’une cacophonie de senteurs, les parfums de L’Artisan sont proposés dans de petits verres dépolis abritant des mousselines déjà imprégnées. J’avais déjà plongé le nez à plusieurs reprises dans celui de Safran Troublant, un peu étonnée d’en être aussi séduite – je n’aime pas spécialement la rose ou les odeurs trop gustatives.

Safran Troublant évite cependant de tomber dans le loukhoum – Olivia Giacobetti est moralement incapable de lourdeur. Mais contrairement à d’autres compositions du même auteur, éthérées, vaporeuses, presque immatérielles (En Passant de Frédéric Malle, L’Été en douce de L’Artisan, tous les IUNX), celle-ci possède une densité crémeuse, presque lactée (qui rappelle à K. le lait chaud infusé de safran qu’on boit en Suède à Noël).

Safran Troublant s’ouvre sur le bouquet presque poivré, cuiré et médicinal de la note vedette, qui coupe l’opulence de la rose – non pas une rose en pétales, mais en confiture, cuite, mijotée. Les notes lactées, un peu brûlées du santal et de la vanille, adoucissent l’acidité de la rose et l’amertume du safran tout en faisant écho à l’arrondi de son odeur de foin.

Des siècles de tradition indienne, persane et moyen-orientale fondent cet accord parfait entre la rose et le safran, qu’on retrouve également dans Agent Provocateur, Gourmandises de Keiko Mecheri ou Rose Kashmirie de Rosine. Accord gourmand, certes, mais ici allégé et, semblerait-il, aphrodisiaque -- la collection dans laquelle Safran Troublant avait été initialement présenté, Les Épices de la passion (qui comprend aussi Poivre Piquant et Piment Brûlant de Bertrand Duchaufour), est d’ailleurs inspirée d’élixirs amoureux. Je n’ai pas encore testé ces effets…

Malgré un développement assez peu complexe, Safran Troublant développe un sillage ample et conserve une bonne ténacité sur environ six heures. Les connotations trop alimentaires relevées par certaines commentatrices, par exemple sur Makeup Alley (paëlla, risotto, restaurant indien…) ne me frappent pas spécialement. J’ai juste envie de m’en envelopper et de me rouler en boule, le nez plongé dans son odeur crémeuse, veloutée, caressante…

Un peu de lecture pour prolonger le plaisir : Le Safran, l’or de vos plats, Prix Guerlain 2008 aux Journées du Livre et du Vin de Saumur.

Une recette de mousse de yaourt au safran et à la rose, concoctée par Victoria du blog Bois de Jasmin. Et une autre de gâteau au safran composée par Michelle Krell Kydd, bloggeuse de Glass Petal Smoke. Irrésistibles...

Image : Les cueilleuses de safran, fresque minoenne de Santorini, courtesy www.mlahanas.de.



13 commentaires:

  1. Encore une tres belle revue de parfum Carmencanada, merci! J 'irais le tester des que possible mais pour etre franche, je n 'ai jamais vraiment accroche avec les creations d ’Olivia Giacobetti, que je ne deteste pas du tout mais que je trouve generalement soporifiques et denuees de caractere. Hormis les parfums de Germaine Cellier je ne suis pas une grande fan des 'nez' feminins...l 'impression qu 'il leur manque le petit quelque chose qui fait toute la difference (this is the girl with something "extra" who tells you that! LOL)


    emmanuella

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  2. Je ne suis pas tout à fait sûre que les parfums de Giacobetti soient pour toi. Je viens tout juste moi-même de virer ma cutie là-dessus, et à étendre ma palette de goûts vers un autre type de composition, plus intravertie et minimaliste -- sans abandonner mes anciennes amours.
    Cellier, mon idole, c'est un monstre, un génie: elle transcende les genres.
    Mais il faudrait consacrer des pages entières à savoir s'il y a une vraie différence sexuelle en matière de composition de parfum. Ce n'est pas si sûr. Quelques-unes, comme Annick Ménardo, ont un "something extra" dans le cerveau! Ça me donne une idée de post, mais plus tard... faut réfléchir.

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  3. une delectation à lire cet article, j'ai acheté Safran troublant à sa sortie, quand il était vendu dans le trio avec Poivre piquant et Piment brûlant dans un coffret adorable. Safran a été le plus vite terminé, et dès que le flacon 50 ml est sorti à la vente, je me suis empressée bien sur. Je ne sens pas ces notes culinaires non plus .
    J'aime autant les créations complexes que les créations plus simples ou plus éthérées (qui n'en sont pas moins complexes je trouve).
    Il me semble avoir lu quelque part, il faudrait que je retrouve, que les nez féminins sont plus fins, voire plus subtils que les nez masculins...
    J'aime aussi le style de Cellier dans Bandit ou Jolie Madame, je n'ai jamais réussi à apprécier Vent vert :( mais il faudrait que je le sente à nouveau, c'est assez loin.
    Je viens de découvrir qu'elle avait participé à la fuite des heures de Balenciaga, que je possède en vintage. Je me demande à combien d'autres parfums elle a collaboré. J'avoue mon inculture à ce niveau. Je ne suis pas très au fait des nez, à part quelques informations glanées de ci de là.

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  4. après une petite recherche...

    femme: Son olfaction est plus fine : jusqu’à 100 fois, à certaines périodes du cycle.

    http://www.psycho-ressources.com/bibli/femmes-et-hommes.html

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  5. Véro, j'aime beaucoup ces Epices de la Passion. Je teste aujourd'hui Piment Brûlant aux notes lactées inattendues.
    Germaine Cellier n'a pas signé énormément de parfums : La Fuite des Heures/Fleeting Moment est une perle rare, vous avez de la chance! Et Vent Vert est un chef d'oeuvre, mais surtout pas comme il est aujourd'hui. Malheureusement, il devient de plus en plus difficile à trouver en vintage. Mais il faut adorer le galbanum...
    Je sais que Cellier a signé aussi une Eau d'herbes pour Hermès mais je ne l'ai jamais vue ni sentie. A part ça, elle a travaillé pour Elizabeth Arden dans les années 60 mais je n'ai pas les noms de ses créations. Elle a également composé un Balmain, Elysée 63.84, dont je n'ai hélas qu'un flacon très détérioré.

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  6. Véro, les femmes ont peut-être une olfaction plus fine, mais la question est de savoir qu'en faire! Comme je l'écrivais à Emmanuella, la distinction, si elle existe, entre l'approche masculine et féminine en parfumerie est un immense sujet de discussion (qu'on pourrait transposer en art, au cinéma, dans la mode, en cuisine...). Je serais bien incapable de trancher.

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  7. merci beaucoup pour ces renseignements, j'avoue ne mettre jamais interessée aux parfums Harden , quant aux nez féminins ou masculins, je suis bien d'accord avec vous, difficile de trancher, je pense personnellement que tout est question de sensibilité "artistique" .

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  8. Je crois me souvenir que Germaine Cellier est égalemen à l'origine de "Coeur Joie" de Nina Ricci (1947).

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  9. Mais oui, bien sûr, que je suis bête! J'ai dû refouler: j'ai acheté une eau de toilette de Coeur Joie qui a viré et j'en suis ulcérée...

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  10. Coeur Joie, j'avais beaucoup aimé il me semble, il y a plusieurs années à Paris, j'avais testé 3 extraits, Coeur Joie, Farouche et Fille d'Eve, les 3 m'avaient plus. J'ai simplement pu récupérer Farouche en edt ou edp ? je ne sais plus, il faut que je regarde le flacon ;)

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  11. Je n'ai senti Coeur Joie qu'une fois: c'est un très bel aldéhydé floral, avec, il me semble, de la violette et de la rose... En ce moment, la boutique Nina Ricci est en travaux, c'est le seul endroit où on le vende, dans des flacons en cristal de Baccarat hors de prix. Soupir...

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  12. ma mère en a des exemplaires authentiques chez elles, vintage mais scellés, du coup pas sentis.. humm mais ça donne envie...

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  13. Soph, s'ils sont en bonne condition, ça vaut la peine -- mon Coeur Joie a viré et... franchement, ça fend le coeur.

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