Unanimes,
les parfumeurs : leurs clients (les marques) leur demandent des produits
de plus en plus puissants. Entre le pschitt et l’assouplissant, désormais
micro-encapsulé pour délivrer quatre fois plus de sent-bon sur plusieurs heures
(voire semaines), c’est la course aux armements. Et puis le client (celui de
Sephora, cette fois), il veut en avoir pour son argent, se repeindre avec dès
potron-minet et sentir toute la journée.
Lorsque
je me suis plainte à un nez ami de ces hurlements olfactifs qui transforment en
cacophonie toute incursion dans les transports en commun, il m’a gentiment
reproché mon snobisme : ce sont les « goûts populaires ».
Snobisme, j’assume. Pour autant, ai-je tort de me soucier de cette surenchère et de ce qu'elle traduit ?
Ces
selfie-sticks olfactifs, destinés à augmenter le rayon du moi-moi-moi, me rappellent ce
propos du philosophe Slavoj Žižek sur le retour de la vulgarité publique :
« le problème relève de ce que Georg
Wilhelm Friedrich Hegel appelait Sittlichkeit : les mœurs, cette épaisse toile de fond de
règles (tacites) de la vie sociale, la substance éthique dense et impénétrable
qui nous dit ce que nous pouvons faire ou ne pas faire. Aujourd’hui, ces règles
sont en train de se désintégrer. »
Les
parfums qui ont été conçus pour avoir
le rayon d’action du nuage de Tchernobyl et la demi-vie du plutonium -- dont
c’est la qualité principale – s’inscrivent dans cette escalade des incivilités.
Parce qu’ils sont muets et invisibles, ceux qui les portent ne le font pas
délibérément pour agresser (le parfum, c’est l’inconscient qui parle). Mais le
fait de les porter relève du même sentiment (j’ai le droit de m’exprimer, d’être
moi-même, tant pis pour les autres) que le manspreading
(dit « syndrome des couilles en cristal ») ou l’étalage de sa vie
perso sur son phone à 120 décibels.
Tout se passe
comme si nos sensibilités émoussées nous poussaient vers des marteaux-piqueurs
olfactifs enfonçant jusque dans nos bulbes le message le plus primaire possible
(Praline ! Lessive !). Comme s’il n’y avait plus que ça pour
atteindre les cerveaux.
Mais ces
champignons atomiques de parfum sont aussi des bulles dans lesquelles on peut
se retirer, à l’instar des écouteurs d’iPod (à cette différence près qu’on
inflige à son entourage entier sa musique nasale). Mécanisme de défense contre
l’invasion de son espace personnel par l’autre : on repousse par son
parfum ce « ça-ne-sent-pas-moi » qu’on ne peut pas sentir, stratégie
défensive en forme d'attaque.
Le
parfum reviendrait-il par là à son ancienne fonction apotropaïque – repousser les
miasmes propagateurs de peste par une odeur tout aussi puissante, mais salubre ?
Sauf qu’aujourd’hui, ce n’est plus de romarin ou d’Eau d’Ange qu’on s’arme,
mais de sirop, de lavande synthétique ou de bois qui piquent. Si les marques voulaient
donner des armes aux lobbies no-perfume
qui sévissent Outre-Atlantique, elles ne s’y prendraient pas autrement.
« syndrome des couilles en cristal » :)
RépondreSupprimerMerci Denyse, pour ce cri du cœur qui vient de l'intérieur (du métro !)
Pour être tout à fait honnête, j'ai piqué cette expression à quelqu'un, mais je ne sais plus qui... et n'ai donc pas pu attribuer. Si cette personne me lit, qu'elle se signale!
SupprimerAh ça, la course à la puissance... C'est un problème sociétal majeur aujourd'hui. Votre analyse est bonne ; j'y ajouterai un paramètre économique assez récent, ce que certains observateurs nomment "économie de l'attention" : La concurrence attentionnelle ayant explosé, à chacun de faire de telle sorte que les regards (et donc les nez) se portent sur lui ; chacun veut sortir du lot, chacun veut qu'on voit et qu'on sente qu'il existe. Look voyant, attitude remarquable et singulière, sillage puissant : vous existez enfin. Et tant pis pour ceux qui n'aiment pas. Et le marché de suivre, de proposer des fusées olfactives. On n'est qu'au début de l'horreur. Imaginez un bois ambré type MAX TURBO PLUS qui dure et mitraille à pleine puissance "72 heures". C'est déjà dans les labos. Bientôt sous les aisselles et dans (certains) flacons.
RépondreSupprimerTrès juste. Des chercheurs de Symrise annonçaient récemment dans Perfumer & Flavorist les résultats d'expériences sur les cyclodextrines, qui prolongent l'intensité des notes olfactives. Génial pour une cologne long-lasting... mais je crains le pire.
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