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lundi 26 janvier 2015

Onze expériences exquises: La Speed Smelling Collection 2014 d'IFF, 2ème partie



Voici la deuxième partie de mes impressions sur l’édition 2014 du Speed Smelling d’IFF. Pour lire la première, cliquez ici.

Le sorbet au géranium de Juliette Karagueuzoglou


À prendre au sens propre autant que figuré, car c’est en laissant fondre sur nos langues une cuillerée de ce dessert inusité que nous avons découvert la création de Juliette. Le géranium, peu glamour et mal aimé, lui a semblé digne de soutenir une cologne.  Ce sorbet menthé-givré s’arrose d’une généreuse rasade du Rose Essential™ d’IFF – procédé de triple extraction permettant de récupérer une quantité maximale de molécules aromatiques, d’une naturalité si frappante que rien qu’à y songer, j’ai une rose dans le nez. Une faux-de-cologne qui sourit pour de vrai. Réjouissant.

La forêt noire d’Alexis Dadier


Ex-Symrise nouvellement arrivé chez IFF, Alexis Dadier s’est choisi comme muse pour son premier Speed Smelling l’exquise Conchita Wurst, égérie idéale des parfums qui, sommés de choisir leur genre, ne renoncent ni à l’un, ni à l’autre. De là, l’Autriche natale de la diva a suggéré à la fois la pâtisserie et des montagnes aux flancs plantés de conifères. L’accord absolu de cacao et fir balsam, relié par un cocktail de baies pourpres, évoque doublement la Forêt Noire… Plongeant plus avant dans la carte postale gemütlich, Alexis Dadier ajouter une huile essentielle peu connue dont il compare l’odeur à celle de la gentiane : l’alpinia, qui contrairement à ce que son nom pourrait laisser croire, est un membre asiatique de la famille du gingembre baptisé ainsi en l’honneur d’un botaniste italien. Contrepoint féminin du viril épicéa, un accord iris-rose froufroute en cœur, la facette confiturée de la seconde reprenant l’accord fruits noirs, tandis que les effets chocolatés du premier se fondent dans l’absolue de cacao. Tout comme son inspiratrice barbue et mascarisée, la composition d’Alexis Dadier, aberrante sur le papier, s’avère délicieusement convaincante in fine.

Le boudoir écarlate de Nelly Hachem-Ruiz


L’autre petite nouvelle de l’équipe fine fragrance d’IFF, qu’elle a intégrée après avoir affûté son nez en tant que parfumeur analyste (poste où l’on décortique compositions et ingrédients), puis dans l’extension de lignes (où l’on transcrit des parfums pour des supports non-alcooliques). Pour son Speed Smelling inaugural, Nelly Hachem-Ruiz a traduit en odeurs les textures et les couleurs d’un boudoir mi-girly, mi-femme fatale.
La tête fruitée plutôt Fraise Tagada laisserait d’abord craindre des penchants Lolita. Mais en somme, comme une vamp qui tirerait la langue, cette fraise-là démontre que dans ce boudoir tendu d’un accord abricot-daim, on ne se la pète pas. Le cœur de l’accord en question est composé d’osmanthus, de foin et de carotte cœur LMR – une extraction de la graine de carotte aux notes irisées, boisées et abricotées déjà exploitée dans le somptueux Oriental Express de Thierry Mugler, également issu d’IFF. Un sillage musqué aux arômes de chocolat blanc adoucit le fond cuiré. C’est ravissant.

La potion d’herboriste de Loc Dong


Arrivé aux USA comme réfugié à l’âge de onze ans, Loc Dong est sans doute le seul parfumeur fine fragrance originaire du Vietnam. Jusqu’à présent, son travail commercial – réalisé pour l’essentiel outre-Atlantique pour des marques mainstream et des célébrités – ne lui a que peu donné l’occasion de déterrer ses racines. En revanche, ses trois créations Speed Smelling sont facilement les plus déjantées de chaque édition : encre de Chine sans compromis en 2012, accord contre-nature du yaourt et du Coca-Cola en 2013. Cette année, c’est un nouveau matériau IFF, Cinnamon Essential™ (extraction de cannelle hyper-réaliste), qui lui a filé un coup de madeleine. Catapulté dans l’officine de son grand-père herboriste à Saigon, il est revenu de son flashback proustien armé de la concoction que servait ce dernier à ses clients mal fichus : décoction d’écorce de cannelle, rhum et goyave servis dans un bol en bois. Le bois étant en l’occurrence, dans la version olfactive de ce philtre salubre à goûter autant qu’à humer, un accord ambroxan, cashmeran et iso E super – chacun étant, pour Loc Dong, un parfum en soi. Quant au cocktail, le parfumeur assure qu’on peut aisément le concocter chez soin en faisant bouillir de l’écorce de cannelle dans de l’eau jusqu’à obtenir un sirop, auquel on ajoutera une rasade de rhum et du nectar de goyave.


Le coffret de la Speed Smelling Collection sera mis en vente début février chez Jovoy à Paris.

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