More to Read - Encore des lectures

samedi 29 novembre 2014

"L'empire des essences": Mon article dans Elle, en kiosque actuellement


On le porte pour séduire ou pour se faire plaisir, marquer son territoire ou s’entourer d’une bulle protectrice, s’entendre dire « ça sent toi » par son amoureux ou son enfant…  Logo olfactif qui trahit notre passage et rappelle notre présence, le parfum est une parure paradoxale. La plus intime, puisqu’il nous pénètre à chaque fois qu’on respire. Mais aussi la plus publique, puisque notre entourage ne peut s’empêcher de le sentir aussi (sauf à opter pour l’apnée). Bref, on se parfume pour les autres, tout autant que pour soi.

Dans le Elle en kiosque depuis hier, vous pourrez lire mon article intitulé « L’Empire des essences » en page 154. J’y interroge notamment Dominique Ropion sur le secret des sillages puissants – propos illustrés à mon insu par un encart « La Vie est Belle »… Les propos du parfumeur à ce sujet me semblent assez inédits : pour lui, « ce qu’on appelle puissance, c’est l’identité ». Mais pour savoir le reste, il faudra acheter le magazine !

jeudi 27 novembre 2014

Moon Dance by Juliette has a Gun: Of Kitsch, Nostalgia and the 80s Revival

Juliette Has a Gun’s new Moon Dance should set fans of vintage fragrances aflutter. A zaftig, 80s-style animalic floral chypre in the lineage of Montana’s Parfum de Peau, it revolves around the mid-20th-century base Animalis. A fur-and-honey blend of civet, castoreum, sandalwood and musk, Animalis prowled in Piguet’s 1945 Visa; it dirtied up YSL Kouros and the aforementioned Parfum de Peau in the 80s; it was last spotted in État Libre d’Orange Vierges et Toréros (and might well have inspired Francis Kurkdjian’s Absolue pour le Soir).

So far, so feral. The unnamed perfumer who composed Moon Dance feeds Animalis bra-strap-popping doses of tuberose and rose absolutes along with patchouli “coeur”, a fractioned distillation version which is its sole concession to modernity. While the richness of the blend is initially as satisfying as a banquet after a diet, it quickly starts feeling cloying and unfocused.

Like any other creative field, perfumery moves forward by sifting through its own past to pick ancient forms to revive; to seek out aesthetic filiations out of forgotten or neglected paths. After two decades of gourmands with ever-increasing doses of glucose competing with skinny, market-tested iFrags, there seems to be a trend towards re-exploring the pre-Angel, pre-L’Eau d’Issey 80s. This trend is driven by two factors. First, quite a few perfumers fell in love with perfumery during that decade, either as children/teenagers or as fledgling professionals. The other is the ever-more-frantic catering to Middle-Eastern markets, whose clients crave hefty sillage.

There are two ways of going about re-exploring the past. One is truly contemporary: when Olivier Polge and Jean-Christophe Hérault, Frank Voelkl or Sidonie Lancesseur take on the rose-vetiver 70s/80s chypre genre in, respectively, Rosabotanica (Balenciaga), Ylang 49 (Le Labo) and Rose Infernale (By Terry), they deconstruct it to offer in a novel form. When Antoine Lie composed his “Poison meets Shalimar in Goa” Daphne for Comme des Garçons, he gave it a contemporary bent by juxtaposing broad, bold blocks of notes in a style that quoted the past without aping it.

Moon Dance represents the second option: a nostalgic, “this could be vintage” style piling up signs of “perfume richness”, more typical of London-based brands like Amouage, Roja Dove or Grossmith. But though these very brands lay claim to the “artistic” label, what they offer is often the olfactory equivalent of kitsch – an imitation of “serious” art that fosters a self-congratulatory sentiment in consumers; which reassures them as to their “taste” though it doesn’t enrich their associations with the depicted theme.

Nostalgia for the Golden Age of perfumery is actually embedded in the basic mission statement of niche perfumery – “we’ll make perfumes the way they used to be made”. The best niche perfumes are, of course, those that use this statement as a springboard to offer novel readings of the olfactory world; of the history of perfumery. Fragrances such as Moon Dance do not play on humor and irony in their neo-academic renderings of “Golden Age” perfumery – in other words, bereft of quote marks, they don’t even come under “camp”. This satisfies a certain number of customers, and why not? Perfume is foremost a commodity designed to please.

Illustration by Pierre & Gilles.

Moon Dance de Juliette has a Gun: du kitsch, de la nostalgie et du revival 80s


Le nouveau Moon Dance de Juliette has a Gun devrait donner des palpitations aux fans de parfums vintage. Chypre floral animal néo-80s aux courbes généreuses et descendant direct du Parfum de Peau de Montana, il se fonde sur la senteur de fourrure et de miel (civette, castoréum, santal, musc…) de la base Animalis, créée au milieu du XXème siècle. Jadis répandue, cette bête de sexe se laissait encore observer dans les années 80, insinuant un fumet de mâle en rut sous la fraîcheur aromatique du Kouros d’Yves Saint Laurent, ou une exhalaison de chair macérée sous la rose en cuir du sus-mentionné Parfum de Peau. Animalis ne rôde plus désormais que dans les réserves des marques de niche (revendiqué dans Vierges et Torero d’État Libre d’Orange ; éventuellement source d'inspiration d'Absolue pour le Soir de Francis Kurkdjian).

Le parfumeur anonyme qui a composé Moon Dance nourrit cet Animalis de doses massives d’absolues de rose et de tubéreuse ; sa seule concession à la modernité est son recours à un patchouli cœur, issu de la distillation fractionnée. Mais si cette accumulation de notes saturées fait d’abord autant saliver qu’un banquet après un régime détox, elle tombe assez rapidement sur le foie. (Mes amis d’Auparfum.com appellent ce type de composition un « jyfoutout ».)

Comme tous les champs de création, la parfumerie avance en passant au crible son passé pour y trouver d’anciennes formes à réinterpréter ; pour s’inventer des filiations esthétiques inédites issues de voies oubliées, négligées ou déconsidérées. Ainsi, après deux décennies de gourmands dont l’indice glycémique ne cesse d’augmenter ou d’iFrags testés jusqu’à en extraire la moindre molécule d’originalité, on sent désormais frémir un revival de la parfumerie pré-Angel  et pré-Eau d’Issey.

Deux raisons à cela, outre le pendule de la mode. D’abord, plusieurs parfumeurs actifs aujourd’hui ont d’abord découvert la parfumerie dans les 80s, soit enfants ou ados, soit aux débuts de leur carrière. Ensuite, dans un contexte assez déprimé, toutes les marques courtisent les marchés moyen-orientaux férus de senteurs qui ramonent, ce qui permet justement aux parfumeurs de revenir à des compositions plus charnues.

On peut réinterpréter les styles d’antan de deux façons. Lorsqu’Oliver Polge et Jean-Christophe Hérault, Frank Voelkl ou Sidonie Lancesseur s’attaquent aux chypres rose-vétiver des 70s/80s – respectivement dans Rosabotanica (Balenciaga), Ylang 49 (Le Labo) et Rose Infernale (By Terry) --, c’est pour les déconstruire afin d’en proposer des relectures contemporaines. Quand Antoine Lie compose son Daphne pour Comme des Garçons dans le style « Poison part à Goa avec Shalimar », c’est en juxtaposant des blocs de notes assez massifs, qui citent le passé sans le mimer.

Moon Dance semble relever d’une seconde approche : un style nostalgique, “comme dans le vintage”, qui se contente d’empiler les signes ostentatoires de richesse, plutôt typique de marques pilotées à Londres comme Amouage, Roja Dove ou Grossmith. Lesquelles marques revendiquant un statut artistique, alors que ce qu’elles offrent n’est souvent que l’équivalent olfactif du kitsch – une imitation du « grand art » destinée à flatter le consommateur « de goût », sans enrichir le thème abordé.

D’entrée de jeu, la nostalgie de l’âge d’or de la parfumerie a été inscrite à même la déclaration d’intention de la parfumerie de niche – « on va faire des parfums comme avant ». Les meilleurs parfums de niche sont ceux qui s’appuient sur cette intention pour proposer des lectures inédites du monde olfactif ; de l’histoire du parfum. Des produits comme Moon Dance, proposés sans recul ironique ni guillemets, relèveraient plutôt du néo-académisme (Bouguereau pour les naseaux). Cela satisfera sûrement une part des consommateurs, et pourquoi pas ? Le parfum est, avant tout, une marchandise destinée à plaire.

Vous aurez reconnu Sylvie Vartan dans cette photo de Pierre & Gilles.