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mardi 30 septembre 2014

Séville à l'aube, futur antérieur


Lorsque mon éditrice m’a demandé si, une fois terminé, Séville à l’aube me ramènerait à la nuit qui l’avait inspiré, j’ai répondu que non. Ce parfum ne me ramènerait pas au passé. C’était le souvenir futur de ce que j’aurais vécu en accompagnant sa création avec Bertrand Duchaufour.

Je me trompais. Ce n’était pas là le destin de Séville à l’aube. Pas le souvenir qu’il devait entraîner dans son sillage.

Il y a quelques semaines, le bel Andalou avec lequel j’ai vécu la nuit qui a inspiré le parfum, celui que j’ai appelé Roman, m’a retrouvée après avoir disparu de ma vie pendant quinze ans. Il ne savait pas qu’il y avait un parfum ou un livre, car celui-ci n’a pas été traduit en espagnol. Je lui ai envoyé l’un et l’autre. Puis j’ai suivi le colis.

Bien entendu, j’ai porté Séville à l’aube pour lui. Il l’appelle « notre parfum ».

Désormais, Séville à l’aube est l’odeur d’une arrivée à l’aéroport à minuit, avec un retard de sept heures après une correspondance ratée, et la peur de nous retrouver étrangers l’un à l’autre. Il sent nos rires et nos bouches qui se sont presque aussitôt trouvées. Il sent Mozart et Bizet écoutés enlacés, persiennes closes. Il sent de longues heures de récits – histoire de rattraper toutes les années passées sans nous croiser, et celles que nous n’avions jamais eu l’occasion de nous raconter lorsque nous nous croisions. Il sent deux vies qui ne se lieront jamais, tout en étant liées à jamais, parce que cette nuit à Séville qui est le mythe fondateur de notre histoire, quelque fugace qu’elle ait été, a été la rencontre de deux étrangers qui se sont reconnus ; âmes sœurs.

Il sent le duende : ce moment où l’on s’abandonne à la beauté, en sachant que ce moment est toujours déjà perdu; que l’on tombera fatalement de la beauté.

Lorsque nous nous sommes embrassés à l’aéroport, il a enfoui son nez dans mon cou, et dit que de toutes ses amies, j’étais celle qui sentait le plus bon.

8 commentaires:

  1. Bonjour.

    Je commente trop peu, ici et ailleurs, car comme tu le sais, je manque cruellement de temps. Mais, je suis (de loin) à peu près ce qui se passe chez mes camarades et, si je ne commente pas, c'est car qui ne dit mot consent.

    Mais, pour une fois, exceptionnellement, je vais prendre un peu de temps car parfois le seul silence n'est pas suffisant. Je vais faire cela juste pour laisser une trace ici et te dire à quel point je trouve ce texte joli, dans sa retenue, dans ce qu'il raconte et ce qu'il tait...Et car, en le lisant, je me dis qu'au moins une boucle vient d'être bouclée.

    J'ai un peu l'impression de lire un nouveau chapitre de ton livre, une sorte d'ajout ultérieur, alors qu'on pouvait croire les choses achevées.
    Bref. Comme toujours, tu racontes cela avec des mots parfaitement ajustés, littéraires et émouvants.

    Merci.
    Vivement le prochain chapitre, qu’il soit à Séville, à l’aube, ou ailleurs et à un autre moment...
    Thomas (Opium)

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  2. Bonjour Denyse. Moi aussi, je manque de temps, ça devient phénoménal (il faudrait que les journées soient deux fois plus longues, puisque la vie en ligne – si on répond à toutes les injonctions – prend autant de temps, sinon plus, que la vie IRL).
    C'est une bien jolie histoire, ma foi, que vous nous donnez à lire ; et comme dit Opium (que je salue en passant), la boucle est bouclée, et de touchante manière. Il faudrait, peut-être, annexer ces lignes à la réédition – le cas échéant ! :)

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    1. Bonjour Nicolaï. Je ne vois pas le livre prendre le chemin d'une réédition, mais, oui, ce retour du parfum à l'envoyeur (qui était aussi son destinataire, sans que je l'aie réalisé à l'époque) est une belle façon de boucler l'histoire...

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  3. Quelle belle histoire que celle de ce parfum et de ces deux destins ! Merci de la partager avec nous

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  4. Denyse, j'ai vraiment apprécié ton livre, moins le parfum pour être honnête. Quel belle coda en effet. Ton expérience me semble unique et cela ajoute à sa beauté.
    Généralement, je délaisse les parfums que j'ai portés avec mes ex. Heureusement, il n'y pas eut beaucoup d'ex!
    Baisers parfumés (de Noir de Noir)
    Rebecca

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    1. Chère Rebecca, cette homme n'est pas à proprement parler un ex -- nous n'avons fait toute notre vie que nous croiser -- mais je n'ai pas encore reporté "notre" parfum... qui pour le coup est chargé de souvenirs!

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