Tirage au sort Jean-Paul Gaultier Classique d'été et Le Mâle Cologne Tonique, et notes en vrac sur le couple corset marinière...

Éditions d'été de Classique et Le Mâle

Pour ses éditions de l'été 2012, Jean-Paul Gaultier Parfums dépouille Classique et Le Mâle de leurs attributs emblématiques, la marinière et le corset, pour transformer le matelot et la fille de joie en Adam et Ève psychédéliques.

On a beaucoup glosé sur l’inspiration du flacon de Classique, censé être directement issu de celui créé par l’artiste Leonor Fini pour le Shocking d’Elsa Schiaparelli, lui-même modelé d’après un mannequin de couture.

Soit. Mais quand Classique a été lancé en 1993 sous le nom « Jean-Paul Gaultier", le corset pêche était depuis 1984 un leitmotiv des collections du créateur, et devenu une icône pop grâce au costume de scène de Madonna, lookée JPG pour sa tournée « Blonde Ambition » en 1990. Autrement dit, JPG avait largement de quoi revendiquer la forme, d’une certaine manière fondatrice de sa vocation puisque le premier vêtement qu’il a réalisé, enfant, était un soutien-gorge pour son nounours, calqué sur celui de sa grand-mère.

Comme Vivienne Westwood, Jean-Paul Gaultier est le pur produit du virage postmoderne de la mode du milieu des 70s qui a donné lieu à ce que j’appellerais le « fétichic », détournement d’éléments de lingerie rejetés par les femmes dans les années 60. Chez Gaultier, le corset est doublement fétichisé car il sert d’emblème au créateur, au même titre que la marinière ayant inspiré le flacon du Mâle : ils sont présents l’un et l’autre dans presque toutes les collections du créateur qui a d’ailleurs, revêtu de son emblématique pull rayé, devancé de plusieurs années le Karl Lagerfeld post-régime dans l’invention de la figure du couturier-logo.

L’appropriation du corset et de la marinière relève également de l’esthétique postmoderne en ce que ces deux vêtements emblématiques de JPG sont déjà des emblèmes. Le corset, qui mime et remodèle le torse féminin, est un signe de féminité hyperbolique doté d’une forte charge érotique puisqu’il n’est plus utilisé que dans des contextes sexuels : boudoir, burlesque, voire mariage (puisqu’après tout, la cérémonie précède la nuit de noces). De même, la marinière renvoie à cet archétype de la virilité, le marin, fétichisé par une certaine imagerie homosexuelle. Le couple corset-marinière Classique-Le Mâle renvoie donc à celui de la pute et du matelot, sur lequel les publicités des parfums Jean-Paul Gaultier ont d’ailleurs explicitement joué.

Ainsi, lorsque Beauté Prestige International, filiale de Shiseido destinée aux licences de parfums de créateurs, a lancé les parfums Jean-Paul Gaultier, le corset a dû s’imposer par-delà les éventuelles références à Schiaparelli. Le choix était parfaitement cohérent avec l’univers de la marque, et cette cohérence est précisément la force de BPI. Après tout, la société a été dirigée entre 1990 et 2000 par Chantal Roos, responsable du lancement d’Opium, le premier blockbuster planétaire du parfum, notamment à cause de la synergie impeccable entre l’identité de la marque, l’histoire, le flacon, la communication et le jus. Dès 1992, Chantal Roos démontrait que cette synergie, et son adéquation à l’air du temps, n’était pas le fruit du hasard avec le succès mondial et durable de L’Eau d’Issey de Jacques Cavallier, premier parfum lancé par BPI.

Tous les parfums de BPI n’ont pas rencontré le même succès : Le Feu d’Issey s’est avéré un flop, et plus récemment, malgré leurs flacons époustouflants, ni A Scent d’Issey Miyaké, ni Essence de Narciso Rodriguez n’ont réussi autant que leurs prédécesseurs. Il n’en reste pas moins que sur chacune des licences exploitées par BPI – Issey Miyaké, Jean-Paul Gaultier, Narciso Rodriguez et Elie Saab –, l’univers des créateurs est impeccablement traduit. Réussite que l’industrie du parfum a récompensée à plusieurs reprises : parmi les 40 Fifis décernés en France au cours des 20 dernières années, BPI en a remporté six.
En 2012, la société raflait les six récompenses décernées en parfumeriesélective (parfum, flacon, pub) avec Kokorico de Jean-Paul Gaultier et ElieSaab Le Parfum, ainsi que le prix du meilleur féminin des 20 ans des Fifis France (choisi parmi les 20 lauréats depuis 1993) pour Narciso Rodriguez for Her de Christine Nagel et Francis Kurkdjian.

Classique et Le Mâle ont tous deux été couronnés par les Fifis France lors de leurs lancements. Le public a également voté avec sa peau, puisque tous deux se sont régulièrement hissés au palmarès des meilleures ventes en France, où Le Mâle se maintient d’ailleurs toujours. Et c’est cet engouement qui confère à Classique et Le Mâle le statut de classiques modernes : ils font d’autant plus partie de notre culture olfactive, voire de notre mémoire collective, qu’ils ont non seulement suscité des clones mais également glissé vers les codes de la parfumerie fonctionnelle.

Revêtus d’archétypes vestimentaires féminins/masculins, Classique et Le Mâle jouent également très délibérément sur des archétypes sexuels olfactifs issus de la cosmétique. Avec son odeur barbershop, Le Mâle de Francis Kurkdjian fait tout autant fonction de citation nostalgique/ironique que la marinière. Avec ses notes poudre de riz et dissolvant de vernis à ongle, Classique de Jacques Cavallier rend hommage, tout comme le corset, à la grand-mère de Jean-Paul Gaultier, donc à une féminité rétro (le rétro, c’est-à-dire le citationnel, étant la clé de voûte de l’esthétique postmoderne). Il s’agit sans doute d’ailleurs du premier parfum à revendiquer ouvertement l’inspiration cosmétique (le pionnier du genre, Trésor de Lancôme par Sophia Grojsman, ne la revendiquait pas) et donc, encore une fois, à déporter le parfum vers la citation ironique assumée.

Comme ses référents cosmétiques – et d’ailleurs le corset qui l’habille – Classique sent l’artifice à plein nez, exaspérant les signes olfactifs de la féminité jusqu’au niveau drag-queen. La note fleur d’oranger se relève d’un acidulé de tablette de vitamine C ; l’accord poudre de riz, soutenu par un fond vanillé puissant, prend la texture craquante d’une meringue ; l’effet poudré est relevé par une facette presque poussiéreuse de la note boisée. La nuance corset-pêche est apportée par les notes lactoniques fruitées de l’accord fleurs blanches.

Comme le corset de Gaultier, décliné au gré des collections, Classique a donné lieu à une série de flankers. L’édition « Urban Jungle » de l’été 2012 est habillée du motif palmier présenté dans la collection de PAP féminin printemps-été 2011 (où défilaient la chanteuse Beth Ditto et un gang d’hybrides Ziggy Stardust/ Siouxsie Sioux), qui a déjà inspiré la suite Elle Déco « jungle à domicile » réalisée par le créateur. 

Quant au jus, c’est le même que celui du Classique d’Été de l’an dernier, avec une note rosée plus accentuée et un effet aldéhydé laque Elnett substitué à la note dissolvant de vernis à ongles. C’est à peu près aussi naturel que les palmiers magenta de l’habillage, mais cela dit, ce parfum présenté dans une boîte en alu n’a jamais prétendu être autre chose qu’une relecture au second degré du genre floral-oriental. 

 Les Parfums Jean-Paul Gaultier m’ont gentiment proposé de faire tirer au sort un flacon du Classique d’Été 2012 et un flacon Le Mâle Cologne Tonique rhabillé « summer in the city » parmi mes lecteurs résidant en France.

Si vous souhaitez participer au tirage au sort, laissez un commentaire en précisant lequel vous intéresse. Les gagnants seront annoncés le 19 juillet.

Ajouté le 19 juillet: Le tirage au sort est terminé, désolée!