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dimanche 11 mars 2012

Fils de Dieu, du Riz et des Agrumes de Ralph Schwieger pour État Libre d'Orange



« C’est l’œil d’or qui reflète la beauté et le conflit, l’extase et la douleur… »
Le texte de présentation (anglais) du Fils de Dieu, du Riz et des Agrumes sur le site d’ÉtatLibre d’Orange fait une allusion voilée à l’ancien nom de la fragrance, via une référence au Reflets dans un œil d’or de John Huston, tiré du roman éponyme de Carson McCullers. L’œil d’or en question est celui d’un paon peint par Anacleto, le majordome, compagnon et soignant philippin du personnage de Julie Harris dans le film.

Mais si l’on peut tirer un fil narratif de Manille au flacon, ce serait plutôt par la cuisine qu’il passerait. Gingembre, feuilles de coriandre, limette, shiso, bergamote, noix de coco, riz, cardamome, jasmin, cannelle : en apparence, la moitié des notes du Fils de Dieu, du Riz et des Agrumes auraient plutôt leur place dans un bol que sur une coiffeuse. Heureusement, ce n’est pas le cas. 

Si Ralph Schwieger, qui a signé l’Eau des Merveilles d’Hermès et Lipstick Rose chez Frédéric Malle, est amateur de cuisine asiatique, il y a assez mis le nez pour traduire ses ingrédients dans le vocabulaire de la parfumerie. D’ailleurs, chacune de ces notes (même le riz, qui figure notamment dans Kenzo Amour et Champaca d’Ormonde Jayne) appartient bel et bien à la palette du parfumeur. Le trait d’esprit de Ralph Schwieger, certainement encouragé par l’irrévérence d’État Libre d’Orange, est de les rassembler pour en faire non seulement une odeur qui se marie à la peau, mais une évocation de la peau : celle d’une personne qui aurait manié herbes aromatiques et agrumes dans une cuisine ensoleillée, avant de sortir cueillir une brassée de fleurs (Mathilde Bijaoui avait réalisé un tour de passe-passe olfactif du même type avec l’accord mandarine, carotte, gingembre et potiron de Like This).

Le tour de passe-passe en question consiste à déceler les affinités secrètes des aliments et des fleurs ; à faire surgir un jasmin d’une noix de coco via leurs lactones, ou une rose d’un bol de riz via l’alcool phényle éthylique (si l’on en croit Jean-Claude Ellena dans Journal d’un parfumeur). De sorte qu’après des notes de tête fusantes, c’est la rose qui domine un cœur lacté-poudré, ancré par un fond musqué et un accord cuiré plutôt daim.

Quel que soit son nom, Fils de Dieu, du Riz et des Agrumes est un parfum d’une grande originalité, subtilement enjoué, qui augure bien de la collaboration de Ralph Schwieger avec État Libre d’Orange : ces gens-là ont le feu sacré.


Illustration: Dieu du riz Ifugao, Philippines



2 commentaires:

  1. J'ai pu le sentir en février, à la boutique. le travail sur le riz et les agrumes est assez impressionant: impression synesthetique de sentir la texture rêche et crissante du riz par l'usage du riz évidemment mais aussi de l'odeur elle-même crissante du citron vert. il faudra que je le ressente pour mieux percevoir les notes florales. A premiere "vue", je n'ai saisi que cet aspect et le fond délicieusement cuiré-animal.

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  2. Dali, en fait c'est en cessant de faire attention au parfum que l'image de la rose m'est arrivée: je ne me rappelais même pas qu'elle figurait dans les notes, que j'ai dû consulter. Le jasmin m'a semblé moins prononcé parce qu'il s'intègre à l'effet riz. En tous cas c'est un très beau travail et je vous encourage à retourner le sentir.

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