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jeudi 15 septembre 2011

L'Eau cHic par Patricia de Nicolaï : Limpide


Henri Matisse, Géranium (1906)

L’indépendance de Patricia de Nicolaï, propriétaire de sa société avec son époux Jean-Louis Michau, lui permet, luxe rare, de ne travailler que sur les thèmes qui l’intéressent – voire de les retravailler lorsqu’elle estime qu’ils peuvent être exploités autrement. Mais aussi de parler de ses parfums comme elle l’entend, sans gloubiboulga marketing. Du coup, sa communication lui ressemble : directe, posée, mesurée. Par exemple, au sujet de sa nouvelle Eau cHic, lancée discrètement cet été et désormais plus largement disponible, elle explique simplement qu’elle est « facile à porter, identifiable, d’une bonne tenue », et inspirée par « l'odeur des gros savons géranium qui trônaient dans la salle de bain de [ses] parents ».
Mais c'est en sentant au quotidien  son parfum maison Géranium  qu'elle a songé que l'accord géranium, menthe et lavande se prêterait volontiers, en version plus sophistiquée, à l’élaboration d’un parfum à porter...

Pari risqué? Il existe peu de parfums axés sur le géranium. Est-ce parce que son côté « fleur de concierge » ne se prête pas aux rêveries glamour et exotiques plus souvent associées au parfum ? Pour Patricia de Nicolaï, pas forcément : « La fleur de géranium, c'est les balcons fleuris des chalets de montagne en été et ça, ça me fait rêver...la Bavière, la Suisse, les Alpes... »
Elle estime plutôt que c’est parce que la fleur de géranium ne sent rien – et ne suscite donc aucun écho auprès du public. En effet, c’est la feuille froissée qui est odorante. Mais l’essence qu’on en tire, si elle est souvent utilisée dans les formules, est très rarement utilisée comme accord d’une création parce qu’elle comporte un « aspect quelque peu râpeux et piquant [qu’il] faut savoir dompter », comme elle l’explique sur le site de la marque.

Manque de pot, juste au moment où la parfumeuse peaufinait sa formule, Frédéric Malle lançait le Géranium pour Monsieur de Dominique Ropion, également structuré sur un accord menthe-géranium. Sans se laisser désarçonner, Mme de Nicolaï a décidé de proposer quand même sa propre version, et elle a bien fait. Alors que la réjouissante overdose de menthe de Dominique Ropion peut littéralement brûler les narines (ne jamais, jamais commencer par ce parfum dans une séance d’olfaction), celle de L’Eau cHic, mélange de menthe crépue et de menthe poivrée, agit juste assez pour relever la facette menthée du géranium, exalter la lavande et rafraîchir le fond boisé. Du coup, on est moins dans le dentifrice que dans le désaltérant : limpidité d’une boisson froide dans un verre embué, fraîcheur crissante de feuilles qu’on froisse, savon joufflu glissant entre les doigts. L’Eau cHic dit « cool water » sans notes aquatiques, et « propre » sans noyer ses accords d’une vague de muscs lessiviels, bien que les muscs blancs soient utilisés pour booster ses notes et prolonger sa ténacité. Si elle était vendue en bouteilles d’un litre, on aurait envie de s’en éclabousser pour se redonner de la tenue en période de canicule avec un parfum aussi net et élégant qu’une chemise blanche en coton égyptien fraîchement repassé…

On ne le répétera jamais assez : à une époque où les parfums dits de niche sont souvent des versions plus chères des parfums mainstream et où les classiques sont ratiboisés pour des raisons budgétaires ou réglementaires, les amoureux du parfum sauront gré à Patricia de Nicolaï de leur offrir des compositions toujours excellentes, fondées sur le langage de la parfumerie classique, à des prix qui n’exigent pas de contracter un crédit revolving… Et d’en parler sans esbroufe.

6 commentaires:

  1. J'ai beaucoup apprécié l'échantillon que l'on m'a offert.

    Je te rejoins un peu en ce qui concerne les parfums de niche. Il me semble même que le choix d'un terme marketeux voire très péjoratif en français traduit bien une préoccupation de la vente presque plus du produit.

    Dire parfumerie de niche et non parfumerie de qualité/artistique/esthétique, les épithètes ne manquent pas, c'est déjà orienter les attentes vers le mirage de l'exclusivité et du luxe plutôt que vers celui du beau.

    J'ai été très impressionnée par Kiss me tender, Sacrebleu, New York. Des odeurs riches, belles, inhabituelles et tellement attirantes. Pas de stridence, pas de caramel, rien d'inabouti. Je connais moins les autres parfums de cette maison. En revanche, le format des parfums (30ml, 100ml ainsi que 250ml) et les prix modérés la rendent très abordable.

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  2. Anonyme-que-je-connais-sûrement, le "niche" n'est qu'un business model et un mode de distribution, au fond. C'est pourquoi, en effet, le terme n'est plus propre à désigner la belle parfumerie. Je l'appellerais de la parfumerie d'auteur -- même si, dans certains cas hélas trop rares, la personnalité d'un directeur de création, comme Christian Astuguevieille pour Comme des Garçons, contribue très largement à celle de la collection.

    Quant aux parfums de Nicolaï, je les trouve tous dignes d'intérêt, même ceux que je ne porterais pas personnellement. Le Temps d'une Fête compte parmi mes préférés, et j'ai une grande tendresse pour Maharanih que j'ai offert à ma mère. Kiss me Tender est adorable et fait des ravages chez mes jeunes étudiantes (comme quoi, il suffit de leur montrer un truc bien pour qu'elles lâchent les sucrailleries Sephora).
    Quant à la vente des petits formats 30 ml, c'est tout simplement génial pour ceux d'entre nous qui ont plusieurs parfums. Je n'arrête pas de tarauder les marques pour qu'elles suivent l'exemple, mais bon, ça tarde!

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  3. Belle idée ce classique rafraichissant... Géranium pour Monsieur, c'est une autre histoire, c'est un ready-made à bas de dentifrice, un happening à bas de géranium et comme l'art contemporain c'est inaccessible et passionnant... Belle idée donc... mais en tant que créatif, j'ai toujours un peu de mal avec ces flacons qui ne rendent pas hommage à la qualité des parfums. Bravo pour l'indépendance mais une dose de rêve serait un plus appréciable... Un peu de charme ne gâche jamais un véritable talent.

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  4. Madiel, j'aime beaucoup votre description de Géranium pour Monsieur. Je me rappelle, lorsqu'il a été évalué par le jury du prix des spécialistes de 2010, plusieurs ont éclaté d'un rire ravi, un peu incrédule; certaines évaluatrices ont évoqué le baiser à leur jules le matin quand il vient de se brosser les dents... En tous cas, ça a provoqué de la bonne humeur.

    Pour ce qui est des flacons des Parfums de Nicolaï, peut-être aussi que cette modestie est ce qui permet aux prix de rester accessibles, je ne sais pas. Je sais que c'est une remarque qu'on fait souvent. D'une certaine manière je trouve que ça fait partie de leur identité.

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  5. Bonjour,

    Je suis l'anonyme du premier commentaire qui vient de se rendre compte qu'elle n'a pas signé son premier poste.

    Je ne pense pas que nous nous connaissions, bien que j'ai laissé un commentaire sous ton article sur Sharif.

    Ce que j'apprécie particulièrement chez les parfums de Nicolaï c'est une sensation d'aboutissement. On a parfois l'impression, à sentir certains parfums contemporains comme à voir certaines oeuvres d'art contemporain, qu'ils sont construits autour d'une seule idée. Une idée unique ne suffit pas à faire une oeuvre. Dans l'art réussi ( et j'y inclus la parfumerie), il y a une multitude d'idées, petites ou grandes, des inventions, des trouvailles, des assemblages originaux qui font l'oeuvre. Je pense à la grande baigneuse de Picasso, au Voyage au bout de la nuit, à Artaud, Reverdi, à certains films de Lars Von trier (pas le dernier) à certains parfums Guerlain.On n'a pas, avec les parfums Nicolaï, d'impression de déséquilibre brouillon.

    Lalla,

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  6. Lalla, c'est dans ce sens que les parfums de Patricia de Nicolaï relèvent de codes classiques dans leur construction. Cela dit, je suis moins sévère que toi sur des oeuvres moins "finies" -- je trouve intéressantes certaines démarches, que ce soit en parfumerie ou dans d'autres domaines de création, qui relèvent d'un geste, d'une idée, et qui pour mieux l'exhiber ne l'enrobent pas. Enfin, ça se discute au coup par coup, artiste par artiste...

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