Le brief: un jardin en Sicile. La forme classique revisitée : Eau d’Orange Verte avec ses agrumes pétillants relevés de menthe, cassis et feuille de buchu.
Mais le Jardin du Poète de Bertrand Duchaufour pour Eau d’Italie dévie assez rapidement du modèle « cologne hespéridée verte », relevée ici de basilic et d’épices froides (cardamome et baie rose), pour s’irriguer de sève de feuille de figuier et de lait de figue.
Les facettes soufrées fruitées du cassis, du pamplemousse et de la feuille de buchu – qui a aussi des accents menthés – tirent le cœur floral muguet/cyclamen/rose vers des latitudes plus tropicales où s’esquisse la chair de mangue. Ou est-ce celle du melon ? C’est, en tous cas, un effet moite, aqueux, presque laiteux, plus perceptible d’ailleurs sur mouillette que sur peau, qui rappelle en passant des effets similaires dans Fleur de Liane de L’Artisan, mais joue ici le rôle des zones vertes et humides du jardin à l’ombre du figuier…
Par contraste avec cette humidité florale, les herbes sauvages du jardin, chauffées par le soleil, sont évoquées par des notes de mousse, de foin et d’immortelle. Le cyprès enracine l’accord hespéridé des notes de tête jusque dans le fond ; ses facettes camphrées et aromatiques ont des relents combustibles de garrigue.
Avec ses effets chaud/froid et sec/humide, Le Jardin du Poète marque une rupture très nette avec les premières collaborations austères et insolites de Bertrand Duchaufour avec Eau d’Italie, notamment Sienne l’hiver, Bois d’Ombrie et Baume du Doge. Manifestement, depuis Magnolia Romana en 2008, suivi d’Au Lac en 2010 (signé celui-là par Alberto Morillas), les propriétaires de l’hôtel Le Sirenuse souhaitent se recaler vers des produits plus souriants, délicats et faciles à vivre. Le Jardin du Poète démontre en tous cas que Duchaufour peut s’exprimer aussi dans un registre plus tranquillement lyrique. Il suffit de lui demander gentiment.
Illustration: Fresque de style pompéien de la Villa Livia à Rome
Je viens de le découvrir, j'en ai envie, j'aime son basilic et sa menthe (y'en a-t-il ?), sa fraîcheur et son originalité.
RépondreSupprimerMais quand en plus je le retrouve dans votre blog, j'en ai encore plus envie. Curieux comme les mots suscitent le désir autant que les effluves. Curieux, ou normal ?
Veneziana, je ne crois pas qu'il y ait de la menthe mais le buchu présente cette facette.
RépondreSupprimerJe pense qu'il est normal, quand on est sensible aux mots, d'en enrichir un parfum. C'est pour ça que j'écris, en tous cas: pour les découvrir mieux et les apprécier plus pleinement en les mettant en paroles.