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dimanche 13 février 2011

Lupercales, ou l'odeur de la louve de Rome comme antidote à la St-Valentin...




 La Saint-Valentin? Depuis quand l’amour a-t-il besoin d’une croix sur le calendrier pour s’exprimer ? D’accord, la tradition précède de plusieurs siècles ce qui n’est plus qu’une opération commerciale destinée à faire vendre des fleurs, des chocolats et des flacons de parfum. Elle est même plus ancienne que le calendrier chrétien : comme toujours, l’église n’a fait que greffer une fête sur un rituel païen. La période du 13 au 15 février marquait la célébration des Lupercales (de lupus, « loup » en latin) pour honorer Faunus Lupercus, le protecteur des troupeaux : un bouc, symbole de fécondité, était sacrifié par deux jeunes gens nus dans la grotte même où la louve était censée avoir allaité les fondateurs légendaires de Rome, les jumeaux Remus et Romulus. Au cours des célébrations, les jeunes hommes tiraient d’une urne le nom d’une jeune fille qui devenait leur compagne pour la durée des Lupercales, d’où le glissement de ces rites de fertilité et de purification vers une fête des amoureux dont Valentin était le saint patron.

Plutôt que la fête commerciale et sentimentale des fleurs et des chocolats, c’est le bouc et la louve que je préfère honorer aujourd’hui avec la photo de l’héroïne du Rome Ville Ouverte de Rossellini, la grandiose Mamma Roma de Pasolini, la paysanne patricienne Anna Magnani, et une note sur l’odeur de louve qui m’est arrivée d’Italie, offerte par Abdes Salaam Attar, aussi connu sous le nom de Dominique Dubrana de Profumo Italia.

Je n’ai jamais rencontré Salaam et ne lui ai jamais parlé, mais nous échangeons parfois des emails. Il m’avait promis de m’envoyer quelques échantillons et lorsque l’enveloppe est arrivée, dès que je l’ai ouverte la chatte s’est littéralement téléportée dans le salon pour tenter de m’arracher une mystérieuse petite pierre d’entre les doigts en ronronnant comme une moto.
J’ai dû l’enfermer avant de sentir l’objet, qui m’a livré des informations fascinantes : une odeur à la fois animale, végétale et minérale, avec des facettes sang/pièce jeune, acide acétique, pomme, silex, patchouli, vétiver, poivre, bouse de vache et crottin de cheval, herbes aromatiques (basilic ?), mûre, bourgeon cassis, encre, cuir, olive… Crésols… Phénols… Castoréum.

J’ai aussitôt écrit à Salaam pour lui demander ce que c’était : il m’a répondu qu’il avait fait exprès de ne pas l’identifier pour que je lui pose la question. Mais avant de recevoir sa réponse, j’avais deviné : la petite pierre qui reposait désormais dans une boîte anti-féline était de l’hyraceum, également connu sous le nom de pierre d’Afrique, l’urine fossilisée d’une petite bête sud-africaine qu’on appelle le daman. Les colonies de daman urinent au même endroit, souvent pendant des siècles, et leur urine est gélifiée plutôt que liquide. Avec le temps, elle se fossilise et peut se débiter comme une pierre. On l’utilise dans la médecine traditionnelle depuis des siècles et l’industrie de la parfumerie envisage son usage en remplacement d’autres matières premières d’origine animale puisqu’elle peut se recueillir sans nuire aux animaux. Après tout, ça n’est que du pipi recyclé.
Pouah ? Pensez-vous. Je ne me lasse pas de cette odeur chaude, un peu féminine et lorsque je l’ai écrit à Salaam j’imagine qu’il a dit rire en douce dans sa barbe en rédigeant sa réponse : « Alors vous devez appartenir au club des pervers olfactifs… »

La pierre d’Afrique n’a rien à voir avec la St-Valentin, mais pour moi c’est l’odeur du jour de la louve. Je peux roucouler tout ce qu’on veut, mais parfois j’ai plutôt envie de hurler à la lune.

Vous pouvez vous procurer un kit de teinture d’hyraceum de Profumo Italia en cliquant ici.



Illustration: Anna Magnani et Marcello Mastroianni dans Correva l'Anno di grazia 1870, téléfilm italien d'Alfredo Giannetti (1971). 


14 commentaires:

  1. Vos superbes photos de la volcanique Magnani me donnent envie de découvrir ce parfum illico.
    Merci de nous écarter de la mièvrerie qui nous dégouline dessus depuis quelques semaines déjà.
    Où puis-je sentir à Paris ce parfum qui m'intrigue ?
    VH

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  2. VH, ce n'est pas un parfum mais une matière première de parfumerie, que l'on peut commander à Abdes Salaam Attar (Profumo Italia) en cliquant sur le lien indiqué en bas de page pour réaliser sa propre teinture.

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  3. Je suis distraite parfois. Personne ne l'a utilisé dans un parfum ? Si c'est autorisé par nos amis de l'IFRA...

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  4. Et si oui, dans quels parfums ??
    Merci!

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  5. Oui, c'est moi, la québécoise qui n'a pas donné suite à l'achat de parfums il y a de cela un an déjà.
    J'espère que vous accepterez toutes mes excuses.
    Un beau merci de nous référer à la source d'achat de cette odeur qui m'intrigue infiniment. Je ferai une teinture en faisant tremper des miettes dans du vinaigre ou de l'alcool ? néophyte Violaine

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  6. je viens tout juste de voir sur le site la procédure pour la teinture...^_^

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  7. VH, je ne crois pas qu'il s'agisse d'un matériau revendiqué dans beaucoup de produits, sauf du côté des parfumeurs artisanaux américains, en particulier ceux qui n'utilisent que des matériaux naturels. Il n'est pas encore très connu dans l'industrie, même s'il s'agit pour autant que je sache d'un matériau autorisé par l'IFRA. Sans doute est-il aussi assez coûteux, et trop peu produit encore pour être envisagé dans des produits à large échelle. Mais je crois qu'il fera son apparition ici et là d'ici quelques temps.

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  8. Violaine, voilà, j'allais le dire, c'est indiqué sur le site de Profumo Italia.

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  9. Ca me rappelle que ces allumés de Black Phoenix Alchemy Lab, BPAL pour les intimes, sortent chaque année à cette occasion une collection d'éditions limitées baptisée Lupercalia, avec, petit florilège, "Smut", "Luperci", "Kajuraho", "Womb Furie" et autres "Olisbos"... ;)

    Ah, et j'ai finalement senti l'hyracérum. Waw, effectivement.

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  10. Sixtine, franchement je n'en étais pas là! Il est vrai que je n'ai jamais réussi à entrer dans BPAL, l'offre est vraiment trop abondante (ce qui n'est d'ailleurs jamais bon signe)...

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  11. Je me souviens bien avoir senti ce matériau avec toi.
    Ayant vu la réaction de la petite Jicky quand tu testais les parfums "naturels" US autour du musc, j'imagine la scène...

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  12. La première photo est extraordinaire. Je ne connaissais pas la Magnani ainsi, je ne l'avais même pas reconnue. On dirait une photo de pub moderne, je pensais à quelqu'un comme Asia Argento ! Merci.
    Votre étrange pierre m'intrigue et me tente (MERCI bis)mais... ah ma "Macha" est déjà une chatte qui vit à périmètre très(trop) rapproché de moi, que serait-ce si je portais un tel parfum !!
    Je ne connaissais pas cette histoire de loups, j'adore comme avec de l'Histoire ancienne, vous donnez un coup de frais à cette très ennuyeuse et banalisée Saint-Valentin : MERCI (ter ;-)
    Tiens, en cet honneur, je ressors mon LOUVE de Serge Lutens illico et m'en parfume... et voilà !
    Alizarine

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  13. Thierry, en effet, ça la dope! Reste à savoir si ça a de l'effet sur les humains, mais pour établir un protocole d'expérimentation... hum.

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  14. Alizarine, ben oui, c'est la Magnani bébé... et en Italie, on ne mégotait pas sur la sensualité, pas de code Hayes!
    Pour ce qui est de la Rome antique, en grande lectrice de Robert Graves, j'aime toujours creuser l'origine des célébrations chrétiennes, inévitablement liées à des cultes bien plus anciens.

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