La Collection Extraordinaire de Van Cleef & Arpels, à commencer par Gardénia Pétale

J’ignore qui a assuré la direction artistique de la nouvelle Collection Extraordinaire de Van Cleef & Arpels, mais je le (ou la) félicite pour la justesse du concept et de sa réalisation. La grâce désinvolte de ces cinq soliflores (plus une eau de Cologne) correspond parfaitement à la fantaisie des jardins de pierreries du joaillier parisien. Et bien que la déclinaison de « soli-notes » représente désormais un passage obligé des lignes de parfums exclusives dans les maisons de prestige, la Collection Extraordinaire n’a, à ce jour, recueilli que des éloges dans les grands blogs de langue anglaise *, dont les auteurs ont pourtant de quoi être blasés.

Rien de révolutionnaire pourtant (les babioles précieuses de VC &A ne sont pas, non plus, particulièrement d’avant-garde), mais une qualité impeccable dans l’interprétation de thèmes classiques, assez rafraîchis pour ne jamais susciter de sensation de « déjà-senti ». La démonstratrice des Galeries Lafayette, qui les découvrait le jour où je suis passée au stand, m’a aussitôt fait remarquer que le fait de donner aux parfums des noms de fleurs était une décision judicieuse : « Les gens aiment bien reconnaître ce qu’ils sentent. »

Et c’est peut-être cette absence de prétention, d’ostentation, de prouesses de parfumeurs, qui confère cette impression de fraîcheur à la Collection Extraordinaire, et qui la rend aussi attachante : il s’agit, manifestement, d’un parti-pris esthétique. Donc d’une véritable direction artistique (les six parfumeurs-auteurs viennent de deux laboratoires différents, Givaudan et Symrise : c’est donc bien de VC & A que relève cette orientation). Je me demande aussi si le choix des thèmes – mis à part l’iris et l’eau de Cologne --, s’est porté délibérément sur des fleurs dont on ne peut extraire l’essence. Le lys, le muguet, l’orchidée, le gardénia sont forcément des interprétations de parfumeurs – des matériaux habilement sertis. De nouveau, cela reflète une véritable cohérence avec le monde de la joaillerie.

Je porte le Gardénia Pétale de Nathalie Feisthauer depuis une dizaine de jours maintenant et en toute occasion – au travail, lors d’un mariage ou pour boire une flûte de champagne au bar du Plaza avec Monsieur – et j’avoue qu’aucun de mes parfums n’a recueilli plus de compliments spontanés. Peut-être, comme disait la jeune démonstratrice de VC & A, parce qu’il s’agit d’une odeur assez aisément lisible : ça sent bon la fleur. Mais surtout, sans doute, à cause du volume de l’odeur.

Bien qu’il ne pèse pas plus sur la peau qu’une écharpe en soie, à tel point que je l’oublie parfois, ce parfum déploie un sillage à la fois gigantesque et très doux. Il est beaucoup plus facile à porter que mon autre gardénia, la mangeuse d’homme siliconée de Tom Ford ; aucune femme fatale n’est tapie derrière le buisson.

Mais bien qu’il s’agisse d’une interprétation très botaniquement correcte du gardénia, de la fraîcheur verte du bouton de fleur au léger relent de champignon de la corolle au moment où elle commence à se flétrir, Gardénia Pétale est aussi un hybride, une espèce d’OGM. La part la plus légère de l’odeur du lys – verte, légèrement épicée – a été greffée sur les pétales crémeux ; le lys aimante, par ses facettes solaires (c’est-à-dire salicylées), ses sœurs tropicales, la fleur de frangipanier, l’ylang-ylang et la vanille. Dans sa lecture du parfum, Octavian Coifan de 1000fragrances évoque « la richesse de Songes (Goutal) cachée derrière Un Matin d’Orage (Goutal) ». Mais le parfum ne présente ni l’ouverture ozonique crépitante du second, ni l’abandon érotique du premier. Avec son sillage discrètement affirmé, Gardénia Pétale affiche la sensualité tranquille d’une femme qui n’a jamais besoin de hausser le ton pour se faire entendre. Et qui vous attire dans son sillage, sans avoir l’air d’y toucher.

Je reviendrai à nouveau sur la Collection Extraordinaire la semaine prochaine.

* Cliquez ici pour 1000fragrances, ici pour Now Smell This et ici pour The Perfume Posse.

Image: Photo de Francesca Woodman.