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mercredi 4 mars 2009

Rose Rosse (Une Rose d'Édouard Fléchier, chez Frédéric Malle Éditions de Parfums)


Le "une" d'Une Rose pourrait représenter soit sa singularité -- elle est seule --, soit son caractère indéfini -- c'est une rose parmi d'autres...

Mais les roses sont légion. Bien que leur odeur soit pratiquement synonyme de « sent-bon » (d’où l’expression a contrario, « ça ne sent pas la rose ») et de la parfumerie même (pouvez-vous nommer un classique où elle ne figure pas ?), les roses peuvent déployer une variété étourdissante d’effluves. Comme le souligne Ingrid Astier dans son adorable anthologie Le Goût de la Rose, qui est l’un de mes livres de chevet, les roses peuvent sentir les agrumes, les aromates, les fruits, les épices, les boisés, les baumes… Certaines dégagent des senteurs de terre ou de vin, et ce sont ces facette que le grand Édouard Fléchier, homme qui n’a jamais lésiné sur les fleurs (il est l’auteur du floral le plus musclé de l’histoire, Poison), a choisi d’exalter pour Frédéric Malle.

Une Rose met en scène la reine des fleurs à une échelle grandiose, presque effarante, de la jupe de pétales aux racines encore chargées de terre, en passant par les aiguillons (car, je l’ai appris grâce à Ingrid, ce sont bien des aiguillons et non des épines qui poussent sur sa tige). Son parfum vineux, miellé – avec son célèbre accord lie de vin – se plante fermement dans les relents terreux du vétiver et du patchouli. Mais Dieu sait ce qu’on a enfoui dans cette terre : cette rose est assurément carnivore, avec son accord de truffe vaguement humain, fouetté par les accents cuirés du castoréum. La camomille bleue, avec son odeur un peu animale de pré surchauffé, intensifie la densité charnelle de la composition.

Le sol dans lequel Une Rose est plantée n’a rien de stable : il émit un bourdonnement sourd, à la limite du grondement sismique. Sa base – où Luca Turin, qui s’y connaît en principe, distingue le Karanal de Givaudan, « le boisé-ambré le plus anguleux qu’on connaisse » -- donne littéralement l’impression d’être hérissé d’épines qui crèvent la joliesse de la fleur pour révéler sa beauté cannibale.

Une Rose est donc à manier avec des gants. Je ne l’aimerais pas autrement.

Image: Christy Turlington par Patrick Demarchelier, 1992.

26 commentaires:

  1. C'est bien bien la démonstration du talent, du compositeur et de la direction artistique de la marque, qui nous prouvent qu'on peut s'attaquer à un exercice de style maintes fois rabâché en renouvelant totalement le genre. A priori, j'étais peu enclin à apprécier un parfum construit autour de cette fleur. Le matériau naturel est ici totalement transfiguré et correspond totalement à la communication de la marque : une rose arrachée avec les racines et la terre. Un parfum altier et racé qui a le bon goût d'éviter la prétention d'un intitulé du type LA Rose.

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  2. Thierry, selon Luca T., il s'agit d'une rose obtenue par distillation moléculaire, donc moins maltraitée que ses soeurs...
    J'avoue que moi non plus je ne suis pas une folle de parfums à la rose (quoi que: Nahéma, Rose de Nuit...) et je trouve avec Une Rose, Fléchier récrit d'une manière moderne et occidentale l'association traditionnelle rose-oudh (ce à quoi je n'avais pas songé en rédigeant le post). Une rose ancrée dans le sombre, en somme. Assez virile.

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  3. Oui, oui, tout à fait.
    On pourrait donc dire Une des 2 ou 3 Roses.
    Nahema, dans un style radicalement différent est aussi une grande réussite... à acquérir peut-être avant qu'il ne soit retiré ou nappé sous un coulis de frambinone. (Pardon de déterrer les "vieux" posts même si le temps de la polémique doit passer celui des interrogations reste d'actualité).
    Je ne me souviens pas bien de Rose de Nuit...

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  4. Thierry, j'ai un peu peur pour Nahema, surtout en extrait, c'est également une rose grandiose plutôt que tendre... sans rien pour corroborer ces craintes que la disparition graduelle des concentrations parfum dans les classiques. Je ne le porte pas souvent, mais je le trouve époustouflant: il forme, pour moi, une sorte de diptyque de a rose avec celle de Fléchier.

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  5. Ah Carmen cette rose est définitivement ma préférée. Quel bel article! J'en parlais justement hier, de cette rose sombre, sale, aristocratique. Un parfum presque gothique, en fait.
    L'accord de truffe apporte vraiment un petit quelque chose qui me plaît toujours énormément.
    Thierry, Rose de Nuit est superbe, hélas il lui arrive de développer un aspect un peu acide sur certaines peaux (dont la mienne). C'est toutefois une rose "tapis volant", chyprée, légèrement poudrée, mais très dense. C'est l'un des jus un peu méconnus de la série des exclusifs Lutens.
    Nahéma sur moi est définitivement trop fruit, l'extrait est très beau mais me laisse une sensation bien trop sirupeuse, la pêche est trop confite, elle mange trop la rose à mon goût.

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  6. Il faut saluer la concentration de cette rose en tous cas (celle de Fléchier), absolument remarquable.
    Le "rapport qualité-prix" est à saluer, pour une concentration extrait...

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  7. Bénédicte, "sombre, sale, aristocratique, gothique"... Oh, n'en jetez plus, je suis déjà bien assez amoureuse d'elle!
    Rose de Nuit est très beau mais il est vrai que j'ai moins d'affinités pour la rose poudrée. Nahema est très fruité, en effet, mais son côté "confiture de rose éclairée de l'intérieur" est d'une beauté saisissante et d'une exécution virtuose.
    Un commentateur du côté anglais me disait justement qu'il était en ce moment obsédé par Une Rose... Décidément, elle vient à l'esprit ces temps-ci!

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  8. Bénédicte: c'est vrai, d'autant qu'une très petite quantité suffit à parfumer toute la journée.

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  9. Une Rose est à la rose en parfumerie ce que Velvet Gardenia est au gardenia ou Sarrasins au jasmin. Une sorte de sommet, excessif, presque des fleurs "animales" (carnivores bien sûr). Tout ce que j'aime!

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  10. Bénédicte: j'adore aussi Velvet Gardenia, qui traîne depuis un bon moment sur la liste des achats potentiels... Sarrasins, c'est plus difficile, mais à cause de ce rapport bizarre que j'entretiens avec le jasmin. J'ai A la Nuit mais impossible de le porter.

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  11. J'ai adoré porter beaucoup de soliflores jasmin (surtout A la nuit) et aujourd'hui je ne peux plus: une fâcherie temporaire? Difficile de dire... c'est peut être trop chargé de souvenirs pour moi (3615 Freud).
    Velvet Gardenia je viens de m'en offrir 50ml... enfin du vrai gardenia, comme le dit Turin d'ailleurs. C'est "Midnight in the garden of good and evil" ou un roman d'Anne Rice, en parfum.

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  12. Moi c'est la tubéreuse qui m'a posé problème pendant un long moment. J'avais succombé à sa ressortie en France pour Fracas, je n'avais pas pu terminer le flacon, blocage et aversion totale au bout de quelques semaines, alors qu'elle ne me posait aucun problème avant. On m'a offert Fracas l'hiver dernier, et il fait de nouveaux mes délices... Mystère...

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  13. Bénédicte, Lamarr... Les fleurs blanches ont un caractère qu'on ne saurait prendre à la légère. Je trouve qu'Une Rose a ce genre d'ampleur aussi.

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  14. Thierry votre propos quant à Nahema m'inquiète un peu : serait-il en voie de disparition/reformulation ? Je le possède en extrait et en suffisamment de quantité, mais je pense qu'un coulis de framboise lui serait fort préjudiciable. Avec Nahéma aussi cela n'a pas toujours été l'amour fou, vénération/rejet/re-apprivoisement/adoration. Je le porte cependant le plus loin possible du visage (une goutte sur chaque cheville et au creux du coude, c'est amplement suffisant), tellement son sillage est puissant. Porté plus près de mon nez, il m'incommoderait assez, je tends le dos avec sa note fruitée/pêche miellée.

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  15. Lamarr,
    Non, je n'ai aucune information spécifique.... et il me semble que l'extrait disparaîtrait probablement avant l'EDP comme ce fût le cas pour Parure et Chant d'Arômes. Quant au coulis de frambinone, c'était juste une allusion -peu subtile j'en conviens- à la présentation d'Insolence par la marque comme une fille spirituelle d'Après l'Ondée du fait des notes violette et poudrées. Je trouve que ce discours dénote une incompréhension de ce qu'est le patrimoine d'une marque.
    Je comprends cette difficulté à porter Nahéma. Même moi qui n'envisagerait de le faire que lors d'une expérience olfactive en privé : il y a ce mélange de fascination et de rejet. Cela dit, je rejoins Denyse les mots que l'on peut employer à son sujet : gelée de roses duveteuses, fruité légèrement narcotique... ne peuvent exprimer le caractère virtuose, l'intelligence, et aussi je crois l'obstination de son créateur.

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  16. Nahéma est l'un des mes parfums préférés (si ce n'est le préféré) et pourtant... lors de sa sortie je ne l'avais pas aimé... Peu après, j'ai eu l'occasion de le découvrir à Tahiti et cela a été le coup de foudre. On dit souvent que c'est un parfum d'hiver: pour moi, il est associé à l'été et il m'évoquera toujours les fleurs et fruits des tropiques, bien avant la rose! De l'influence du psychisme et des souvenirs sur l'odorat...il y a sûrement bcp à dire.
    Je ne connais pas Une Rose mais après vous avoir lu, j'en ai déjà très envie!

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  17. Une rose... J'en ai de plus en plus envie moi aussi depuis un certain temps! Auparavant je lui préférais Voleur de roses, que je trouvais à la fois plus râpeux et humide, mais maintenant je suis plus sensible à l'aspect aristocratique du Malle dont parle Bénédicte.

    Un peu dans le même esprit il y a aussi Rose noir (sans e) chez Byredo: il m'a paru très intéressant sur touche, mais sur ma peau il s'est avéré complètement éteint, terne...

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  18. Senga, tout comme vous, j'apprécie Nahéma bien plus en été qu'en hiver. La chaleur et la moiteur de la peau lui donnent ce je ne sais quoi d'encore plus charnel et opulent, merveilleux !
    Pour moi aussi c'est un confit de pétales de roses, une rose à la Shérérazade, alanguie et soupirante sur sa méridienne, dans sa robe de vestale, les doigts plein de miel.
    Merci Thierry de nous rassurer quant au devenir de Nahéma.

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  19. j'aime les parfums à la rose en général, mais Une rose est la plus belle, sombre, veloutée, texturée, une épaisseur presque palpable, sensuelle, vibrente, à la limite de l'érotisme
    c'est une rose epanouie faite de velour pourpre , j'adore!!!!

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  20. mes excuses ! vibrante

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  21. Thierry: on est d'accord, Nahema est un chef d'oeuvre qui requiert une véritable attention lorsqu'il est porté. Donc, pas un parfum quotidien. Espérons que l'extrait restera disponible, c'est sa forme la plus achevée.

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  22. Senga, il faut essayer Une Rose... pour ma part, je tenterai l'expérience Nahéma quand la chaleur nous sera revenue!

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  23. Lamarr, quelle sensualité dans ces commentaires... hmmm...

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  24. Véro: moi qui ne suis pas très "rose", ce sont Une Rose et Nahéma que j'adore parce qu'ils transcendent le genre. Il est vrai que la rose n'est pas une odeur, mais tout un catalogue de senteurs et d'effets!

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  25. J'ai une amie bulgare qui aimerait trouver un parfum qui contienne de l'essence naturelle de rose damacena, la rose bulgare. Dans la rose de Malle, c'est de la turque; quelle est la différence, et peux-tu me dire quel parfum actuellement contient le plus de rose bulgare s'il-te-plaît!

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  26. Clochette, la rose turque et la rose bulgare proviennent toutes deux de la rose damascena. Je ne peux pas te dire à quel point les produits diffèrent d'un pays à l'autre ni quel produit en contient le plus, désolée, mais vu les restrictions IFRA... La Rose Absolue d'Annick Goutal contient les essences de six roses, dont la bulgare. C'est sans doute ce qu'il y a de plus proche de ce que ton amie recherche.

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