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jeudi 15 janvier 2009

Honoré des Prés par Olivia Giacobetti: le bio pousse à l'art


À dire vrai, le fait que mes parfums soient entièrement composés d’ingrédients naturels m’importe peu, pourvu qu’ils en comportent, pour la richesse et la complexité ; je me fiche complètement qu’ils soient bio.

Et je dois avouer que la première idée, perverse, qui me soit venue à l’esprit en sentant les cinq compositions labellisées Ecocert d’Olivia Giacobetti pour Honoré des Prés a été : comment s’est-elle débrouillée pour qu’on ait l’impression qu’elle a utilisé de bons matériaux synthétiques ?

Autrement dit : comment s’y est-elle prise pour faire des parfums bio qui soient de vrais parfums ? Certes, je n’en attendais pas moins d’une parfumeuse aussi doué et visionnaire que Giacobetti : je doute qu’elle puisse signer des compositions d’une exigence moindre que celles de sa propre marque, IUNX.

Les IUNX ne sont pas bio, mais ils ont au moins deux points en commun avec les Honoré des Prés : pas de notes florales, peu de ténacité. Dans le cas des Honoré des Prés, Octavian Coifan et Jeanne d’auparfum.com en ont expliqué les raisons : impossible, vu le cahier des charges, d’avoir recours aux muscs de synthèse généralement utilisés comme fixatifs. De plus, Giacobetti a délibérément écarté certains matériaux, résines, baumes, bois (par exemple, le benjoin ou le patchouli), qui auraient conféré plus de rémanence aux compositions, pour créer les effets désirés (hespéridé, vert, herbacé-aromatique, sucré, boisé-fumé-épicé), évoquant des ambiances naturelles.

Bien que l’idée de parfumerie bio, dans ce cas, pourrait relever de la stratégie marketing, et que l’évanescence des produits risque de les rendre plus populaires auprès de ceux qui, en fait, n’aiment pas le parfum, ces cinq compositions sont excellentes le temps qu’elles durent – avec un bémol : l’alcool arrache le nez. Attendez, de grâce, qu’il soit entièrement évaporé pour humer.

Honoré des Prés est l’équivalent olfactif d’un grand jus d’agrumes variés : un cocktail vitaminé virtuel d’oranges, mandarines et citrons, arrosés d’un trait de piment (efficacité contre la gueule de bois non testée, mais possible).

Bonté’s Bloom a des nuages de rose citronnée ; la camomille bleue et la sauge lui confèrent l’odeur herbacée, légèrement animal, au bord du malodorant, d’un pré de juin surchauffé. Un trait de muguet aurait ancré tout cela pour plus d’un quart d'heure, mais le temps du voyage, c’est littéralement bucolique – Giacobetti a le génie de créer l’atmosphère aux deux sens du terme, air et ambiance.

Nu Green s’ouvre sur une bouffée de menthe et de chlorophylle (Hollywood), avant de dégager une odeur d’alcool blanc qui pourrait bien provenir du « musc végétal Indien » listé : il peut s’agir d’ambrette, qui a birn cette facette gin/vodka/poire William. À moins que ce « musc végétal » ne soit tiré de la mauve musquée, dite aussi muscatelline ou malva moschata. Quoi qu’il en soit, Miss Musc nous passe si vite sous le nez qu’on n’a pas le temps de lui demander son prénom, encore moins de lui faire souffler dans l’alcootest.

Sexy Angelic reflète la nature plus gourmande de Giacobetti, celle qu’elle dévoile dans le Safran Troublant de l’Artisan Parfumeur ou dans ses bougies IUNX, comme Papyrus et Frangipane : de l’amande à teinte anis/angélique, un mélange de peau sucrée et de bonbon (en l’occurrence, les calissons d’Aix, mélange de sucre, de poudre d’amande, de melons et d’écorces d’orange confites). C’est délicieux à s’en lécher les doigts, mais pourquoi ne pas créer l’événement au festival d’opéra d’Aix cet été, en s’aspergeant de cette odeur de friandise provençale pour se faire lécher par des artistes affamés ? Qui dit que la charité doit se limiter aux plaisirs purement altruistes ?

Chaman’s Party est le Giacobetti le plus immédiatement reconnaissable, dans le style boisé-épicé impalpable : le côté fumé-terreux du vétiver est fusé à celui du « bois de vie du Venezuela », mieux connu sous le nom de bois de gaïac, lui-même délicieusement fumé sur une douceur presque vanillée. « Les fleurs séchées de girofle de Madagascar », autrement dit les clous de girofle, viennent assécher le mélange dans une bouffée assez camphrée pour chasser les mites – d’autant que c’est le seul qui dure sur la peau -- et assez inflammable pour faire redouter l’auto-combustion des fumeurs de la Chaman's Party en question.

Pour l’instant, les Honoré des Prés ne sont distribués qu’en France : une boutique en ligne devrait s’ouvrir sous peu. En attendant, la boutique lyonnaise La Mûre Favorite prend les commandes sur son site.

Étant donné les prix assez élevé (de 128 à 148 euros) on aurait pu espérer un taux sillage/pschitt plus élevé. Mais les Honoré des Prés sont étonnamment complexes et subtils vu le cahier des charges : assez, d’ailleurs, pour être jugés sur leurs propres mérites, ceux de la parfumerie fine. Ils ne dégagent pas l’ombre du soupçon de vertu guindée des amateurs du tout- bio ; à aucun moment, grâce au ciel et à Olivia, on ne croit s’être effondré par mégarde dans l’antre d’un aromathérapeute.

Les parfums sont furieusement dans la tendance bobo bio chic : sur le site de la marque, Honoré des Prés – la contraction des noms de deux quartiers parisiens archi-bourgeois, le Faubourg Saint-Honoré et Saint-Germain-des-Prés – a été transformé en personnage de riche aristocrate épris de nature mais néanmoins nightclubber (on subodore un cousin de Frédéric Beigbeider), dans une sorte de parodie préventive assez amusante (je ne sais pas ce que ces types ont pris pour rédiger les textes, mais bio ou pas, j’en veux).

En un mot, pour moi, ce qui compte, ce n’est pas qu’il s’agisse de parfums naturels : ce sont qu’ils évoquent des moments de nature par ce qui reste, malgré tout, l’artifice d’une artiste.


Image: Green Grass Woman, Sue et Peter Hill, courtesy blog Femme, Femme, Femme

Honoré des Prés by Olivia Giacobetti : organic grows artistic


Frankly, I couldn’t care less about my fragrances being natural (as long as there’s a fair amount of natural ingredients to give them richness and heft), and even less about the ingredients being organic. And I must admit that the first, perverse thought that came into my mind when I first tried the Honoré des Prés line composed by Olivia Giacobetti, which is both natural and organic, was: How did she manage to make it feel like there were some good synthetics in this? In other words: How did she manage to make fragrances that actually smell pretty much like fine perfumery, given her constraints? Mind you, I expected no less from someone with Giacobetti’s talent and vision. I doubt she’d put her name to something that wasn’t up to the standards she set out for herself in her own line, IUNX.

The IUNX aren’t organic, but they do share two points with the five Honoré des Prés: no floral notes and little lasting power. In the case of the Honoré des Prés, as both Octavian Coifan and Jeanne of auparfum.com explain, this is due to the lack of synthetic musks, which usually act as fixatives, but also to the fact that most of the heavier balsams, resins and woody notes (say, benzoin or patchouli), which could’ve made the fragrances longer lasting, were set aside. Possibly, their opulence didn’t mesh with the particular natural-smelling vibes (citrus, green, herbaceous-aromatic, sweet, woody-smoky-spicy) that Giacobetti was seeking out.

Though organic perfumery, in this case, seems more of a marketing ploy, and the fleetingness of the fragrances might make them more popular with people who don’t actually like perfume much, the five compositions are excellent while they last – with one proviso: the alcohol is of a nose-searing variety, and waiting for its evaporation is highly recommended.

Honoré's Trip is the olfactory equivalent of a tall, mouth-watering glass of mixed citrus juice: a virtual vitamin-fest with orange, mandarin and assorted lemons, with a dash of pimento. As quickly consumed as the morning smoothie (Use against hangovers untested, but likely).

Bonté’s Bloom has a rosy/lemony tinge; the blue chamomile and sage give it the herbaceous, animalic, just-bordering-on-the-edge-of-stinky smell of a heated June meadow. Just a tinge of muguet and we’d have been in business for more than 15 minutes… But as it is, a great, bucolic moment: this literally feels of nature.

Nu Green opens up with a burst of mint and chlorophyll; it gives off a vodka smell which could be the listed “vegetal musk”, if the “vegetal musk” used in this is ambrette. But “vegetal musk” might also be the essential oil of musk mallow, i.e. malva moschata; confusingly, the term “musk mallow” also seems to designate the hibiscus, i.e. abelmoschus moschatus, i.e…. ambrette. Anyway, Miss Musk passes in such a hurry that it hardly seems the bother to learn her real name (the best we could do, if we caught her, would be to smell her breath: boozy? Ah, Ambrette, we meet at last…)

Sexy Angelic reflects Giacobetti’s more gourmand side, the one you get in IUNX candles like Papyrus or Frangipane: almond with an anisic tinge, a mixture of sweet skin-smell and confectionery (the delicacy from Aix-en-Provence called “calissons”, made with sugar, powdered almonds, candied melon and candied orange peels). Arm-lickingly delicious, and a tad longer-lasting. As an alternative, I suggest getting ourselves rubbed with calissons this summer as performance art during the Aix-en-Provence Opera Festival. Plenty enough starving artists around to get the licking done. A good deed, and fun.

Chaman’s Party is the most recognizably Giacobetti in her woody-spicy, ethereal mode: the smoky earthiness vetiver is layered on the smoky, vanilla-like sweetness of the “wood of life” (as listed), better know as gaiac wood. The “dried clove tree flowers”, better known as cloves – the note list is nothing if not poetic – dry out the blend just when it was getting relaxed and hippie with their cold-hot camphoraceous blast. This one actually lasts a fairly long time on the skin. It feels somehow dry enough to tan mummies: anyway, it could be a strategy to drive the flies and bees away from the calisson girls. Crack a match, let’em combust in a huge, resin-borne whoosh.

For the time being, the Honoré des Prés line is exclusively available in France: the brand will soon open an online shop, but in the meantime, La Mûre Favorite in Lyon (no affiliation her) can take online orders.

Given the price point (between 128 and 148 euros) the Honoré des Prés definitely could give a little more throw for the money, but they’re really quite complex and subtle given the constraints of organic perfumery – good enough, in fact, to stand as fragrances on their own merits.

This is organic perfumery all grown up and ready to go play with the big guys on its own, revised terms: thank God, there isn’t a whiff of health-store self-righteousness in them; at no time, thankfully, does aromatherapy spring to mind.

These are spot-on trendy boho chic – in the brand’s website, Honoré des Prés, a contraction of the names two very bourgeois Parisian quarters, the Faubourg Saint-Honoré and Saint-Germain-des-Prés, has been turned into the character of a rich, nature-loving yet night-clubbing aristocrat, in a preemptive, trendily ironic spoof (whatever those guys were having while they were writing, organic or not, I want some).

In a word, the point isn’t, to me, that they are natural: it’s that they conjure the smell of nature, through the artist’s artifice.


Image: Sue and Peter Hill at the Chelsea Flower Show 2008, courtesy Quinquabelle.

lundi 12 janvier 2009

Two Jasmines (Green and Black): Parfumerie Générale Drama Nuuï and Bulgari Jasmin Noir


I’ve said it before: I love jasmine, but jasmine soliflores scare me, partly because of the gasoline-like, migraine-inducing fumes the absolute gives out, and partly because I have such vivid memories of jasmine-scented Sevillan nights. Still, I’m always game to try a new variation on the flower.

While we wait for Serge Lutens’ new Nuit de Cellophane which features jasmine prominently according to Elisabeth de Feydeau’s blog (along with mandarin rind, jasmine, osmanthus, myrrh, sandalwood, castoreum and civet, the scent could be a variation on Sarrasins – or not), I decided to dig up my samples of Pierre Guillaume’s Drama Nuuï (Parfumerie Générale’s latest launch along with Felanilla) and Bulgari Jasmin Noir.

As soon as I spritzed it on, Drama Nuuï made me feel somewhat like Patrick McGoohan’s character Number Six in the 60s cult series The Prisoner, forever pursued by that huge bouncing ball on some Welsh beach: I could smell nothing but what I’ve come to call the Big White Green Bubble, the muguet motif that seems to be placed inside so many contemporary fragrances to open up a space between the notes.

The BGWB is so central it seems to be forcing out the star player, until it just barely hangs on at the edge of the frame: a very delicate, green jasmine, shorn of any animalic note, with a hint of bitterness at the outset (absinthe is listed) and a pinch of spice. This is jasmine as virgin: lovely, fresh and shy.

Bulgari Jasmin Noir, by IFF veteran Carlos Benaïm along with Sophie Labbé, is equally subdued, as though the volume of this fragrance had been turned so love as to be almost imperceptible, at least to my nose. Apparently, I’m not the only one to be stricken by this peculiar anosmia. Robin of Now Smell This had the same experience: “It smells good, but it doesn't smell much", she writes. Like her, I find Jasmin Noir wears “incredibly close to the skin”; but what can be smelled is absolutely exquisite. As in Drama Nuuï, the headiness of the jasmine is cut with green (in this case a “green sap” note); but interestingly, instead of going for something like vanilla to bolster the woody-ambery base, Benaïm and Labbé selected a similarly burnt-sweet note, licorice, which gives the fragrance an almost leathery feel at times. Its cool anise-like accents are an ideal match for jasmine. The licorice and woods probably account for the “noir” in the name; although I can’t help thinking that it may have something to do with a black hole sucking out most of the sillage. As Octavian Coifan remarked in his 1000fragrances review, Jasmin Noir is so utterly poised and refined that it could pass for a Chanel. This is jasmine as introvert: chic, brooding and secretive.

Image: Magenta, Black, Green on Orange by Mark Rothko (1947), Museum of Modern Art, courtesy Wikipedia.