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jeudi 26 juin 2008

Chanel N°18, l'ambrette enivrée


Quand, pour une raison quelconque, je ne me sens pas le cœur de porter du parfum mais que je me sentirais nue en n’en portant pas, je tends la main vers mon lourd flacon de Chanel N°18, composé par Jacques Polge assisté de Christopher Sheldrake pour la ligne des Exclusifs. Sans avoir le juteux hespéridé des eaux de Cologne, il est tout aussi rafraîchissant, presque décapant : une sorte de remise à zéro des compteurs olfactifs.


J’attribue ce phénomène aux qualités déconcertantes de l’ambrette, sa note principale : l’essence tirée de cette petite graine d’hibiscus, utilisée comme substitut végétal au musc, développe des facettes à la fois musquées, florales et fruitées tout en conservant une limpidité d’alcool à 90°. C’est d’ailleurs à l’alcool de poire que Chanel N°18 me fait d’abord penser ; j’ai parlé de remise à zéro des compteurs et je pourrais tout aussi bien évoquer le trou normand, bien que cette comparaison soit assez peu noble.


Chanel N°18 me fait l’effet de ces eaux de vie présentées dans des verres très glacés, qu’on utilise pour se dégager le palais lors d’un repas trop riche.
Puis, juste au moment où l’on se rafraîchit à cette poire qui désaltère en brûlant la langue, le parfum pivote sur son axe et présente une autre facette, tout aussi limpide mais un peu métallique, avec de légers relents de carotte auxquels on ne peut se tromper : c’est l’iris, et l’on se demande comment on n’a pas compris tout d’un coup que N°18 était un parfum à l’iris… Jusqu’à ce qu’on sente la rose, mais une rose déshabillée de toute son opulence et de son romantisme, une rose translucide et laconique…


Le N°18 réussit cette prouesse d’être à la fois complexe et d’une simplicité déroutante comme une évidence. Et à la vérité, on en boirait.


Image: Chan Marshall, alias Cat Power, nouveau visage de Chanel Joaillerie, courtesy nogoodforme. Chanel N°18 tire son nom de l'adresse de la boutique Chanel Joaillerie, place Vendôme à Paris.

6 commentaires:

  1. Chez Bergdorf & Goodman c 'est le parfum qu 'on m 'a prie de tester d 'emblees, parce que c 'est mon "style". Je me souviens plus de mes ressentis sauf que c 'est un parfum de peau, discret, un brin faussement bon chic bon genre, altier, jeune femme elegante
    un peu insouciante mais denuee de fun.
    Pour le reste c 'est le genre de parfum que je prefere qu 'on m 'offre plutot que de me l 'offrir a moi-meme.
    Je serais pas surprise si c 'etait le best-seller des Exclusifs.

    emmanuella

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  2. En fait il y a trop longtemps que je suis passée chez Chanel pour me renseigner sur le best-seller des nouveaux Exclusifs, je serais curieuse de le savoir... Personnellement, je le trouve assez alcoolisé pour être déroutant, donc drôle. Mais il demande un petit moment avant de révéler toutes ses facettes!

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  3. Vous me donnez envie de redecouvrir ce parfum, en fait il m 'a ete presente comme chic, jeune et tres discret. Ils insistent davantage sur les qualites de fraicheur, de feminite et de douceur plutot que de le decrire comme alcoolise LOL

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  4. Évidemment! N°18 est aussi tout ça (jeune, frais, discret), mais pas que!

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  5. J'aime beaucoup cette idée de "réinitialisation" du système olfatif. Il me semble que l'eau de cologne Mugler pouvait jouer ce rôle pour les jours "sans parfum".

    En ce qui concerne le N°18 cette odeur d'alcool de poire n'est-elle pas à mettre en relation avec la rose de mai qui elle-même en essence (ou en concrète ?) rappelle ce breuvage ?

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  6. Thierry, je n'ai qu'un échantillon de l'eau de cologne de Mügler mais je suis absolument d'accord, c'est un effet similaire.
    Pour l'odeur de l'alcool de poire, en effet, elle est présente dans l'ambrette mais aussi dans l'extrait de rose de Mai: comme souvent, on joue ici sur des facettes qu'on raccorde pour les exalter. Merci de l'avoir souligné, je n'y avais pas songé!

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