Aujourd’hui, entre les épilations brésiliennes imposées
par le règlementaire et le « ça sent la vieille » du marketing (toute
note ratiboisée par les restrictions tendant à se démoder puisqu’on ne la sent
plus), on avait failli faire son deuil de cette fleur persécutée. Puis, BOUM !
Karl Bradl, copropriétaire d’Aedes de Venustas, en a planté l’idée dans les
fioles de Rodrigo Flores-Roux, parfumeur mexicain qui pète d’autant plus le feu
que les fleurs et le rouquin sont inscrits dans son nom. D’où ce que la marque
appelle une « fleur enflammée »
Oeillet
Bengale démontre à quel point les mots et les notes peuvent se polliniser
lorsqu’un parfum est développé comme un poème. Le concept initial naît d’une
estampe de Pierre-Joseph Redouté, le peintre botaniste à qui l’impératrice
Joséphine demanda d’immortaliser les roses de la Malmaison. Car comme son nom
ne l’indique pas, l’œillet de Bengale en est une : l’idée d’une fleur
prise dans une crise d’identité a plu à Karl Bradl… Dont acte.
Avec ses épices enflammées et ses pétales en pétard,
l’œillet sent l’explosion et ressemble à un feu d’artifices. Ni le directeur
artistique, ni le parfumeur n’ont songé au feu de Bengale en assemblant leur
engin infernal – le nom de leur muse leur suggérant néanmoins le tigre de
Bengale qui rôde dans le fond ambré. L’inconscient pyrotechnique du projet a
affleuré en après-coup (refoulé en retour de flamme). Il était là, dès le
début, dans cet encens qui brûle dans tous les parfums d’Aedes. C’est lui qui
met le feu aux poudres.
L’accord rose-ylang de cet œillet old-school tourney autour du methyl-diantilis,
molecule Givaudan qui, avec ses accents gaïac et vanilline légèrement brûlés,
sent l’iso-eugénol (mais qui n’est pas, contrairement à ce dernier, limité par
l’IFRA, au cas où vous vous demanderiez comme une mixture si giroflée a pu être
autorisée). Cet accord, relevé d’effet lys vert et fraise, est tenu comme par
un tuteur par une tête crépitante de bergamote et de poivre noir (le second
boostant les facettes poivrées du premier), plantée dans un fond ambré baumé où
le poivre blanc, plus animal, insinue un fumet de fauve.
Bien qu’il ressuscite la tradition glamour d’oeillets
classiques comme Bellodgia, Œillet Bengale affiche ses penchants
flambeurs en brossant ses pétales de notes noires : ça sent le roussi. À
son embrasement d’épices, succèdent les braises de résines grésillantes dont la
flamme se ranime à la moindre brise – Œillet
Bengale n’est pas une bombe à sillage mais un parfum dans le vent.
Avec ce troisième lancement (le quatrième si l’on
compte un premier partenariat avec L’Artisan Parfumeur), la marque démontre la
cohérence d’un style baroque et culotté qui reflète le goût de ses
propriétaires – les formules sont développées expressément pour eux et non
glanées dans les archives des maisons de composition, comme c’est souvent le
cas pour les marques de niche. Mecque des aficionados du parfum à New York,
Aedes de Venustas est désormais aussi l’une des nouvelles marques les plus
intéressantes du secteur.
Pour retrouver ses deux premiers parfums, Aedes de Venustas et Iris Nazarena, cliquez sur leurs noms.
Connaissez-vous Garofano de Lorenzo Villoresi ?
RépondreSupprimerUne splendeur d'oeillet, pas si éloignée de ce que vous décrivez. Un oeillet serti de géranium et d'héliotrope. Le genre de parfum viscontien, palermitain, guépardien... Vous voyez : Burt Lancaster sortant de sa baignoire et s'en aspergeant devant son directeur de conscience !
Bien à vous,
Niels
Hou là! Je crois que j'ai mes vapeurs... quelle vision! Certainement, comme odeur, ça vaut mieux que le même Burt Lancaster les pieds dans la bouse, dans Novecento. Mais, pour vous répondre, non, je ne pense pas l'avoir jamais senti, je connais assez mal le travail de Villoresi.
SupprimerÇa donne envie Denyse! Juste une crainte : a-t-il cet effet fraise Tagada de la Convoitée?
RépondreSupprimerVH
Non, non, c'est très discret, il faut vraiment tendre le nez!
SupprimerGrands soupirs de soulagement...
SupprimerMerci!
This was ggreat to read
RépondreSupprimer