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lundi 3 mars 2014

Speed-Smelling 2013: IFF lâche ses nez (échantillons à gagner!)




Que font les nez lorsqu’on les laisse en liberté ?

Il n’y a pas des millions de façons de le découvrir. Les briefs des marques de niche vont de « Alors, tu veux travailler sur quoi ? » à « Chéri, tu me fais un oud ? » : pas moyen de savoir si leur pitch sur la liberté artistique se traduit dans les faits. Donc, à moins d’avoir affaire à un nez indé, deux options. Hyper-démocratique avec Fragrance Republic, qui fait passer directement du labo au consommateur des compositions réalisées en free-style (ce club d’amateurs de parfum opère pour l’instant uniquement aux USA). Hyper-exclusive avec les événements organisés par les grands labos, qui permettent à leurs parfumeurs de jouer avec leurs plus beaux matériaux pour mettre les uns et les autres en valeur. Certaines de ces séances sont axées sur un thème, comme chez Mane. D’autres donnent carte blanche.

C’est le cas du Speed-Smelling d’IFF, organisé en novembre 2013 à l’Ambassade américaine en France, seul événement du genre à donner un rendez-vous annuel à la presse spécialisée. Et le seul à offrir au public la possibilité de sentir, grâce à un coffret en édition limitée proposé chez Colette.

Donc : que font les parfumeurs d’IFF lorsqu’on les lâche sans brief dans leurs fioles ? En fin de compte, leurs sources d’inspiration recoupent à peu près ce que l’on trouve dans les marques de niche. Les compositions présentées pourraient parfaitement être lancées. Certaines d’entre elles le seront peut-être : peu de ces marques de niche peuvent s’offrir le luxe d’une composition entièrement développée pour elles, les faibles volumes ne justifiant pas un temps de travail qui pourrait être consacré à des développements plus rentables.

Carnets de voyage olfactifs


De son séjour au Sri Lanka, Sophie Labbé rapporte le souvenir de plantations de thé, de piment, de cardamome, de bière au gingembre, de lait de coco et de vapeur de riz – plus une goutte de civette pour figurer les éléphants… Jadis, ce type de voyage olfactif aurait pu figurer chez L’Artisan Parfumeur, qui a inauguré le concept. On espère qu’il intéressera une autre marque.


Domitille Bertier est partie en Turquie pour assister à la cueillette des roses d’Isparta. En guise de remerciement au propriétaire des champs, elle a composé un parfum pour sa fille. Un fond boisé-ambroxan met en valeur l’époustouflant Rose Water Essential, naturel captif LMR, qui restitue les molécules aromatiques de l’eau du rose, perdues lors de la distillation, à l’huile essentielle. Aucune extraction de rose ne correspond aussi précisément au parfum de la fleur vivante.

Anne Flipo ne dément pas son amour des fleurs blanches. Des rituels de beauté de l’Inde, elle a tiré un accord d’absolu de jasmin sambac et de santal qui évoque le parfum des attars et des huiles dont les Indiennes s’enduisent les cheveux. C’est délicat, charnel, aimable : une quintessence du style Flipo.


Jean-Christophe Hérault est parti moins loin. Sa « sonate d’automne » déploie les odeurs d’une maison en forêt : sur fond de gaïac, sa palette ambrée, fumée, baumée passe d’un feu de cheminée où grillent des marrons à l’humus des sous-bois où poussent les champignons.


Creuser des notes


Juliette Karagueuzoglou est allée se fourrer le nez dans une vieille base utilisée dans Équipage d’Hermès et Cacharel pour Homme, l’épicène gamma, mélange de piment, de girofle et de muscade qu’elle utilise pour réveiller un accord masculin frais bâti autour de la sauge sclarée. Là, pour le coup, on espère qu’une grande marque y trouvera de quoi s’arracher à la note « cadre moyen en costard Celio » qu’on nous inflige trop souvent dans le métro…


Après le lilas de l’an dernier, Aliénor Massenet s’est penchée sur une autre fleur négligée, le chèvrefeuille – pour elle moins animal et plus vert que le jasmin. Le twist, c’est la note inusitée dans laquelle elle a planté son buisson : le sésame, avec ses facettes grillées, cuirées, un peu grasses, alternative réellement originale aux fonds gourmands amandés…


Pour la troisième année d’affilée, Dominique Ropion a trifouillé dans les tréfonds de l’oud, ingrédient qu’il se consacre à décoller du fond moyen-oriental où on le cantonne encore : selon lui, plus encore que le vétiver ou le patchouli, mais à l’instar de la rose ou du jasmin, c’est « une construction complète ». Dans « Ceci n’est pas un oud », il extirpe de l’analyse de l’huile essentielle une molécule plutôt inattendue, la nootkatone, que l’on retrouve dans le vétiver mais aussi le pamplemousse – l’huile d’oud en contient 1%. Largement assez pour inventer ce qui est sans doute le premier oud hespéridé (appelez-moi Atelier Cologne !).
  
Synesthésie


Le péridot, ça sentirait quoi ? Deux joailliers s’inspirent déjà des gemmes pour leurs lignes de parfum, Olivier Durbano et plus récemment Ann Gérard. Marie-Hélène de Taillac y songerait-elle à son tour ? C’est elle qui a fourni à Véronique Nyberg un bijou à traduire en odeur, verte forcément, comme la poire, la tubéreuse (traitée sans note coco) et le jasmin. Une composition délicate, lumineuse et facettée.


Nicolas Beaulieu n’est pas mon parent. En revanche, il porte le nom d’une célèbre marque de caméras. C’est peut-être là pourquoi, pour son portrait de la fleur de frangipanier, il a tenté de traduire en odeurs une technique photographique, le tilt-shift. Grâce à celle-ci, on peut faire le point sur une partie de l’image tandis que l’autre reste floue. En l’occurrence, c’est sur le cœur jaune de la fleur qu’il s’est concentré. Si je devais imaginer l’odeur du pollen d’ylang, ça serait à peu près ça…


Comment faire encore plus dézingué que l’accord oud pamplemousse de Dominique Ropion ? Loc Dong a trouvé : le yaourt au Coca-cola (il paraît que ça existe). Ma filleule de douze ans, mini-blogueuse beauté, n’a pas eu l’air très convaincue par l’évocation du Coca. Mais ses accents citron vert, gingembre et sucre malté, relevés d’un pétillement métallique aldéhydé, s’accordent étonnamment bien avec l’effet yaourt acidulé.

Le coffret Speed-Smelling 2013 est, en principe, encore disponible chez Colette. À défaut, je serais ravie de partager avec vous mes échantillons. Laissez-moi un commentaire pour me préciser les trois compositions qui vous intéressent le plus, et le gagnant du tirage au sort les recevra en vapos 2 ml. Vous avez jusqu’au 9 mars pour participer. 
 

Photos courtesy IFF/ Douzal & Sauvage, tous droits réservés.

 


23 commentaires:

  1. Denyse,

    Les compositions qui ont réveillé -à vous lire- mon imagination sont celles de: Jean-Christophe Hérault, Dominique Ropion, puis Juliette Karagueuzoglou.
    Ce serait un plaisir de confronter mon nez à vos mots.

    Bonne soirée.

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  2. Lecteur très assidu de vos articles mais commentateur paresseux, je me permets d'intervenir, attiré par ces merveilles... Je suis très intéressé par la démarche de Dominique Ropion, le "pollen d'Ylang ylang" de Nicolas Beaulieu (j'ai été séduit par les mots) et la créativité de Loc Dong... Merci de nous faire partager ces instants de recherche et de créativité...

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  3. Les trois échantillons qui retiennent mon attention:
    Nicolas Beaulieu qui a tenté de traduire en odeurs une technique photo. Quelle bonne idée! De quoi plaire, sinon à mon nez de photographe, du moins synesthésiquement à ma tête chercheuse en art.
    J'aimerais mettre mon nez dans le carnet de voyage de Sophie Labbé pour pour partager les vapeurs de thé et de riz.
    Véronique Nyberg, pour sa tentative de traduction intersémiotique entre parfum et bijou.

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    1. Etes-vous la personne avec laquelle j'ai correspondu hier? Il me semble que oui d'après vos centres d'intérêt, merci de confirmer!

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    2. Je confirme. Diane de Montréal.

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  4. Bonjour,
    Choisir les trois compositions qui m'intéressent le plus,eh bien voilà.
    1.Le oud hespéridé de Dominique Ropion.J'argumente.Le oud est très exploité ces derniers temps.Celui du Laos sent,selon les mots de Luca Turin,un vieux bouc puant.A mon avis,c'est bien le cas des notes de tête de Oud les Nombres d'or de Mona di Orio.Ropion est réputé pour son travail méticuleux et ses connaissances profondes des matières premières.Je voudrais avoir son oud à lui.
    2.Nicolas Beaulieu avec sa fleur de frangipanier et surtout sa manière de traduire cette fleur en parfum.
    3.Jean-Christophe Hérault pour avoir recréé l'automne,une saison extrêmement riche en odeurs.

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    1. Bonjour! Ropion a en effet étudié le oud de très près -- mais si je me réfère à mes notes, cette composition n'en contient aucun, c'est une reconstitution, comme c'est le cas dans la plupart des parfums qui revendiquent la note...

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  5. Bonsoir Denyse,
    c'est toujours émoustillant, des parfums créés par de grands créateurs en free style.
    Je me sens particulièrement tentée par la sonate d'automne de Jean-Christophe Hérault et ses notes de sous bois humides et de fumée sèche, la fleur de frangipanier de Nicolas Beaulieu et ses effets ylang et l'oud hespéridé de Dominique Ropion. Ouf ! Ce n'était pas facile de choisir. Je croise les doigts...
    Merci pour ce partage.
    Hélène

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  6. Je découvre votre blog et je suis subjuguée…
    Obsédée par les odeurs depuis toujours, je me plonge dans vos descriptions et réalise que les mots peuvent si bien traduire et évoquer les parfums… Et quand vous proposez de partager vos découvertes, c'est trop tentant pour résister ! Comme d'autres commentateurs au-dessus de moi, je suis attirée par la sonate d’automne de Jean-Christophe Hérault,
    le voyage au Sri Lanka de Sophie Labbé, ou encore
    « Ceci n’est pas un oud » de Dominique Ropion… Mais finalement, je crois que la surprise de la découverte a aussi une place dans l'émerveillement, et je serais ravie de découvrir n'importe laquelle de ces créations… Encore merci pour vos textes ! Amandine

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    1. Bienvenue sur Grain de Musc, Amandine! C'est toujours un plaisir de faire découvrir ce qui nous passionne...

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  7. Ah, que de créativité ! Je croise les doigts pour les trois univers olfactifs qui me correspondent le plus : va pour le Sri Lanka, la sonate d automne et le chèvrefeuille. Et vive Grain de Musc !

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  8. Ah! quelles merveilles vous nous décrivez là! J'aimerais bien sentir la rose de Domitille Bertier, le jasmin/santal d'Anne Filpo ainsi que le péridot de Marie-Hélène Taillac!
    Merci de partager ainsi vos découvertes!

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  9. Je rêve maintenant de toutes ces senteurs et il est difficile d'y faire un choix ! Comment résister à vos descriptions des brassées florales composées par Domitille Bertier et Anne Flipo... et puis aussi ah que cette extraordinaire réinvention de l'oud par Dominique Ropion me tente ! Merci d'avance (avec espoir) et merci déjà pour ce très bel article.
    alizarine

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    1. Alizarine! Ça fait un bail, non? Ravie de vous retrouver ici!

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    2. Oui cela faisait longtemps... Je n'étais plus beaucoup sur le net ces derniers mois, l'hiver a été rude (maladie, deuil...) et voilà qu'avec ce soleil pré-printanier j'émerge un peu ! Je compte bien redevenir plus assidue ici ;)
      alizarine

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    3. Je suis désolée... mais ravie de vous voir de retour.

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  10. Wouw, quelle curiosité de voyager vers le Sri Lanka, sentir ce chèvrefeuille et bien évidement notre incontestable MASTER perfumer, Monsieur Ropion!

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    1. Avec un pseudo comme Vol de Nuit, on ne peut que rêver de voyages au long cours, c'est certain!

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