Le nouveau parfum de Viktor & Rolf s’appelle Bonbon (prenez une seconde pour vous
demander si ça vous rappelle quelque chose. Une. Trouvé ?). Je ne l’ai pas encore senti. À la limite, le
nom annonçant le programme, on imagine que ça se vendra comme des Chupa-chups
aux petites soeurs des Flowerbombeuses.
Comme la Maison Martin Margiela, Viktor & Rolf
appartient, pour son volet mode, à Diesel (actionnaire dans le cas de V&R) ;
L’Oréal détient leurs licences parfum. À leurs débuts, les deux marques relevaient
à ce point du conceptuel qu’elles semblaient moins indiquées pour les podiums
que pour les galeries d’art que. D’ailleurs, c’est là qu’ont eues lieu les deux
premières présentations de V&R, en 1994 et 1995. Leur premier « parfum »,
en 1996, une édition limitée proposée en flacons impossibles à ouvrir, était
tout aussi conceptuel.
Mais alors qu’avec ses notes plutôt « niche » et
son nom, (Untitled) restait peu ou
prou dans le registre avant-gardiste de Margiela, Viktor & Rolf optait pour
le commercialisme avec Flowerbomb. « Le niche ne nous intéresse pas »,
déclarait alors Viktor Horsting. « La
mode ne s’adresse déjà qu’à un public restreint. Nous aimerions communiquer
avec le plus grand nombre. » (source : UK Times Online, 23/1/2005).
Ce qui ne contredit d’ailleurs pas forcément la posture arty des duettistes hollandais. Pas plus
que cela ne traduit simplement un bête appât du gain. Disons plutôt, pourquoi
pas, que ce commercialisme pourrait s’inscrire dans une stratégie équivoque
ancrée dans le monde de l’art depuis qu’Andy Warhol a proclamé « Good business is the best art » :
jouer à fond les codes du système pour mieux les mettre à jour (tout en
ramassant la mise).
Flowerbomb ?
Sillage surpuissant + fleurs pour les filles + fruitchouli = application littérale
des codes du marché. Si le flacon en forme de grenade peut avoir des relents
subversifs, le jus lui-même coche toutes les cases du blockbuster. De même, Eau Mega prenait les codes du fruité
floral aquatique au pied de la lettre. Spicebomb
s’écartait un peu plus des conventions (ce n’était pas une fougère). Mais si l’on
en croit la déclaration de Rolf Snoeren à Women’s
Wear Daily (17/11/2011), le brief était tout aussi premier degré : « On avait le sentiment que si les fleurs
étaient un parfum féminin très typique, les épices en étaient l’opposé
masculin. »
On ne peut s’empêcher de songer aux deux artistes chouchous
des mastodontes du luxe, Takashi Murakami et Jeff Koons. Surtout ce dernier, d’ailleurs,
s’il était cloné façon Gilbert & George en ménage à trois avec une poupée
Barbie : il ne renierait pas l’esthétique pop du flacon de Bonbon et son amour enfantin des trucs
roses qui brillent.
Au moment de son lancement, Candy m’avait semblé être une preuve réjouissante du mauvais esprit
de Miuccia Prada (qui n’ignore rien de l’art contemporain) : « l’équivalent pradesque de L’Eau Serge
Lutens : être là où on ne vous attend pas. Et, dans le cas de Miuccia,
exposer tout d’un coup la veine de mauvais goût – donc de goût tout de même –
qui court sous la maison. »
Bonbon rebondit
là-dessus de façon tellement ouverte – jusque dans son rose pétant – qu’on
jurerait une démonstration délibérée de la pratique la plus répandue de l’industrie
du parfum (chez L’Oréal, déjà : La
Vie est Belle, assez nettement démarqué de Flowerbomb). Ça se voit trop pour que ça ne soit pas fait exprès.
Pervers. Et plutôt drôle par son énormité.
Un dernier mot sur le visuel d’Inez Van Lamsveerde et Vinoodh
Matadin. Un flacon rose collé sur le bonbon dans la demoiselle en paquet cadeau…
Tom Ford, revu et corrigé par Hello Kitty ? (cliquez, ça vaut le coup d'oeil).
Photos: visuel de Bonbon et de la Balloon Venus de Jeff Koons, collaboration avec Dom Pérignon.
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