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lundi 12 avril 2010

Bertrand Duchaufour : "Tout ce qui est difficile, j'aime!" (suite et fin de l'entretien)



Voici le second volet de mon entretien avec Bertrand Duchaufour (pour lire la première partie, cliquez ici) à l’occasion du lancement de Nuit de Tubéreuse par L’Artisan Parfumeur, prévu le 24 mai, mais que vous pouvez déjà découvrir aux comptoirs de la marque en demandant le testeur…

Bertrand revient ici sur sa carrière, les compositions les plus marquantes de son évolution et son esthétique, avec une franchise assez peu caractéristique dans son métier… mais tout à fait typique chez lui : je ne l’ai jamais entendu parler autrement.




Denyse Beaulieu : Y-t-il a des choses que tu t’interdisais auparavant et que tu te permets maintenant – des choses dont tu te disais « non, ce n’est pas moi, ce n’est pas pour ça qu’on m’engage… On s’attend à quelque chose de particulier de moi… »

Bertrand Duchaufour : Non. J’ai toujours essayé de jouer pour moi plutôt que pour ma boîte. C’est pour ça que ça ne marchait pas toujours forcément. J’avais énormément de difficulté à accoucher d’un produit correct, et pour la boîte, et pour la marque. On me demandait des choses qui ne m’intéressaient pas, donc je ne travaillais pas forcément bien, en tous cas pas comme ils le voulaient. Là, comme je maîtrise beaucoup plus, je me libère davantage. Mais je ne me suis jamais interdit quoi que ce soit au niveau de quelque style que ce soit et de quelque façon que ce soit d’utiliser une matière première. Je ne pouvais m’interdire une chose que si je n’en avais pas les moyens financiers!

Tu as tout de même des notes fétiches, carotte CO2, céleri, davana, très récurrentes, presque des signatures, dont j’ai l’impression que tu es en train de t’éloigner un peu. Qu’est-ce qui fait apparaître ou disparaître des notes de ton répertoire ?

C’est vrai, il y a peut-être plus de notes florales. J’utilise toujours les résinoïdes, les bois, les notes boisées-ambrées, les patchoulis, les cistes, les résineux… mais pas forcément pour en faire des accords principaux. Ceci dit, je travaille encore ce genre de note. Tu verras sortir des produits qui sont à fond là-dedans !

Il y a des notes qui te tentent en ce moment, que tu n’as pas encore suffisamment explorées ?

Je travaille énormément le cuir sur toutes ses facettes.

Mais tu en as déjà fait.

Dans quoi ?

Bois d’Ombrie, par exemple.

Voilà, je n’en avais fait qu’un pour l’instant. J’avais travaillé de façon quand même assez sophistiquée ce cuir, mais là je reprends le cuir à travers des facettes plus féminines et irisées, plus riches…

Quel est le premier parfum dont tu te sois véritablement considéré l’auteur ? Où tu t’es dit « ça y est, c’est moi » ?

Ça doit être un produit de niche, forcément. Peut-être Méchant Loup. Ou mon premier Comme des Garçons, Calamus, qui était vraiment personnel. Le calamus, personne ne l’utilise parce que c’est vraiment imbitable. Comme la tubéreuse, c’est un produit fascinant. Ça a des côtés positifs absolument géniaux, ça sent le gâteau moelleux qui sort du four, puis en même temps la peau tannée que tu viens de sortir de l’eau, qui pue bien, qui sent presque la peau de poisson ! C’est la racine d’une plante qui pousse au bord de l’eau et ça a des effets de vase.

Donc toi, évidemment, tu t’es lancé parce que tu aimes bien ça…

Tout ce qui est difficile, j’aime !

C’est toi qui avais proposé l’idée à Christian Astuguevieille [le directeur artistique des parfums Comme des Garçons] ?

Absolument, c’est moi qui lui avais proposé.

Et il n’a pas eu peur ?

Ah non, c’est un homme qui ose… Et puis en fait, si je me suis lancé dans ces challenges, c’est grâce à lui ! C’était le seul qui osait, à l’époque. Chez L’Artisan Pamela [Roberts, la directrice artistique] osait des accords un peu forts, mais des matières premières comme ça, des trucs complètement insolites, jamais !

Tu penses que c’est Christian Astuguevieille qui t’a affranchi ?

Absolument. C’est un pionnier, j’en suis intimement persuadé.

Un directeur artistique dans le plein sens du terme.

Oui, parce qu’il est artiste lui-même. C’est une autre carrure. Ce n’est pas la petite minette de 25 ans qui sort de son école de commerce et qui rentre chez l’Oréal.

Dont on obtient ce que j’appelle les iFrags.

Mais même en jouant avec l’IFRA, tu peux faire des trucs complètement fous et merveilleux. L’IFRA, c’est un prétexte, parfois. Tu peux te bouger le cul, quand même ! Mais non, ils ont peur ! Ils ne sortent pas des sentiers battus ! Tu as une ligne qui est proposée par les 20 ou 30 dernières années de l’histoire du parfum, et il est impensable que le futur soit en dehors de cette ligne projetée, tu comprends ce que je veux dire ? T’iras pas ici, t’iras pas là, tu suis l’exponentiel, basta. Tu suis exactement la force d’inertie donnée par la direction où le marché a été projeté, où le projectile a été lancé !

Du coup, on se retrouve avec des parfums qui sentent la lessive ou le gel-douche, des petits jus pisseux qui ont peur de leur ombre.

Alors que je suis intimement persuadé que tu peux encore faire des trucs superbes.

La preuve ! Je me demande si ta tubéreuse, ce n’est pas ce que tu as fait de mieux à ce jour dans ton nouveau style…

En tous cas, je crois que c’est contrôlé, maîtrisé, presque trop… ceci dit, le curseur était difficile à placer. J’aurais voulu le faire plus puissant, je n’aurais pas eu 36 solutions. J’aurais dû jouer soit sur la vanille, soit sur les lactones, et ce n’était pas le but. On a joué tout en vibration. Donc il est vibrant tête-cœur-fond ; il est, l’air de rien, très rémanent, très diffusif. Il est dans une vibration intime, confidentielle, mais il vibre bien, il est présent. Mais ce n’est pas tapageur – c’est tellement facile de faire lactones-oranger-indoles !

Tu m’as parlé du Calamus et de Méchant Loup… quels sont les autres parfums-jalons de ta carrière ?

Euh… je réfléchis… Timbuktu de L’Artisan. On dit souvent que c’est un parfum important, et qui devrait être important pour moi, parce que chez L’Artisan Parfumeur, c’est l’un de ceux qui marchent le mieux. Pourtant, Dieu sait qu’il est particulier. Ce n’est pas Mûre et Musc ou Fou d’Absinthe, qui même s’il est bien fait est un parfum sage. Timbuktu est un parfum censé être plus difficile, un chypre assez sombre, austère. Il a des facettes assez lumineuses en tête, mais quand même… Timbuktu en tant que reconnaissance de la part du public et des gens avec qui je l’ai fait. Après… Sienne l’hiver, un parfum jusqu’au-boutiste, complètement fou, avec des odeurs réellement dérangeantes. Je voulais presque revenir en arrière, eux [Marina Sersale et Sebastian Alvarez Murena, les propriétaires d’Eau d’Italie] n’ont jamais voulu. Ils voulaient l’histoire à fond, jusqu’au bout. Des histoires de jambon fumé, de sang, de truffe, des trucs un peu dégueulasses mélangés à de la terre… ce qui fait de Sienne l’hiver un parfum fascinant mais en même temps très particulier.

À la limite de l’importable ?

À la limite de l’importable. Et pourtant, il s’inscrit encore dans une famille chyprée. Les parfums que je fais à l’heure actuelle, ce n’est plus rien de tout ça. Fini. Je ne pense plus chypre, oriental, ceci, cela… Je ne pense plus féminin ou masculin, plus du tout, mais plus du tout ! En aucun cas, je ne travaille à travers ce genre de notion. Ça aussi, c’est une étape. Mais c’est aussi assez récent, tu sais.

Ça date aussi de ton départ de chez Symrise ?

Oui, on peut dire ça.

Comme si tu avais pu enfin penser tout seul et non par rapport à l’environnement où tu étais, avec des clients, des confrères… ? C’est ça qui t’a fait sortir de ces catégories ?

Non. C’est que les produits niche me permettent de le faire, c’est tout. Cette voie était la voie que je cherchais, la voie logique d’une création artistique, d’une création de parfumerie. De penser féminin/masculin, chypre/oriental, en fin de compte, il n’y a rien de plus séquestrant.

Je ne vois d’ailleurs pas pourquoi on s’obstine à appeler « chypres » des parfums comme Narciso Rodriguez for Her, alors que ça ne veut rien dire pour la consommatrice, ou même pour la vendeuse, à moitié pas pour la plupart des journalistes…

C’est nous-mêmes qui, en incompétents notoires, simplement parce qu’on a appris la parfumerie comme ça, débitons ça aux journalistes. Comme des cons.

Pour moi le chypre est un état d’esprit. Il a une tonalité sombre, que l’on perçoit aujourd’hui comme triste, peut-être par nostalgie d’un type de parfumerie qu’on a perdu.

Tu peux dire sombre, mais pas triste. Il y a un jugement dans « triste ». Sombre, effectivement, parce que le patchouli, la mousse sont sombres, quasiment au bord du noir. Tu es d’accord ? Ce qui est bien, c’est que ça te donne aussi différent aspects du noir. La mousse a des effets laqués, brillants, que le patchouli n’a pas. Deux teintes de noir différentes. On pourrait même jouer là-dessus et faire un Soulages magnifique, j’en suis persuadé.

Avec du castoréum ?

Avec du castoréum. Ceci dit, ça a déjà été vu. Qui dit castoréum dit encre, qui dit encre dit noir… Mais on peut jouer différemment. Je m’amuserai un jour à faire ça.

Pour revenir sur ton départ de Symrise il y a trois ans… C’est toi qui voulais prendre ton indépendance ?

Eux voulaient me voir prendre mon indépendance et moi je voulais prendre mon indépendance. Donc, d’un commun accord, on a décidé que. J’ai eu la chance de partir dans les meilleures conditions, juste avant la crise, alors que d’autres ont été virés après, de façon beaucoup plus… difficile.

Parce que tu étais un trublion, que tu ne voulais pas travailler pour le genre de client qu’on t’imposait ?

Ils le savaient. Tout le monde me respectait, mais en même temps…

On ne te proposait pas beaucoup de choses…

On ne me proposait plus rien.

Parce que tu étais difficile ?

Parce que je les envoyais chier.

Autrement dit, tu étais un emmerdeur.

J’étais un emmerdeur, ça, je te le garantis !

Chez L’Artisan, tu travaillais avec Pamela Roberts, qui n’y est plus. Est-ce toi qui assures la direction artistique de ce que tu fais, maintenant ?

Je dirais oui. J’en suis presque à imposer le sujet. Le thème vient au fur et à mesure que je crée une note. Et puis parfois, je suis péremptoire.

Quelle part occupent les désidératas de tes clients dans ta démarche ?

J’essaie de respecter à la lettre ce qui m’est demandé, quand le client sait ce qu’il veut. Mais en même temps, je m’amuse. Ce sont des drôles de challenges.

Il a un moment où tu mets le haut-là ?

Oui. Quoi que… Quand le client est réellement persuadé de ce qu’il veut, qu’il est un réel passionné, je fais jusqu’à ce qu’il y trouve son compte, même si je considère que ça va être une plantade.

Tu vas quand même mettre ton nom dessus.

Ouais… je le ferais peut-être moins facilement maintenant qu’avant. Quand même, maintenant, derrière, il y a mon image.

Justement, que penses-tu de la notoriété croissante qu’acquièrent certains parfumeurs auprès d’une part du public ?

Je joue complètement à l’aveugle sur ce sujet. Je rentre en contact avec ce qui est écrit sur moi via des blogs comme le tien, de ce que tu as pu écrire, mais pas beaucoup. Je ne vais pas chercher. C’est un choix délibéré de ma part de ne pas chercher à savoir ce qu’on pense de moi. C’est une protection.

Mais tes clients pourraient se dire « voilà quelqu’un qui a un nom » et te laisser plus de liberté…

C’est ce qu’ils font. Les clients viennent me voir simplement parce qu’ils veulent ma signature. Et ça, c’est génial.

Tu es un grand collectionneur d’art primitif. Ça a un rapport avec ton travail ou c’est ton évasion ?

C’est une évasion. Aucun rapport avec mon travail. Si, si… le seul rapport avec mon travail, et avec le reste d’ailleurs, avec toute ma vie – parce que moi, je marche par grosses facettes, comme ça -- entre le tai chi, que j’ai pratiqué pendant dix-huit ans, l’art primitif, la peinture, la parfumerie, c’est l’amour des belles choses. Même les femmes. L’amour des belles choses. Savoir exploiter… non, pas exploiter, apprécier les choses quand elles sont belles, dans toutes leurs nuances. L’art primitif, c’est ça. Même le tai chi peut être d’une grâce exceptionnelle. J’ai essayé de pratiquer le tai chi d’une façon presque esthétique, autant que physique.

En recherchant la justesse du geste.

La justesse du geste, voilà. C’est quelque chose de considérable. La justesse du geste, c’est très bien dit, c’est exactement ça. D’ailleurs, j’ai toujours agi comme ça : en essayant de trouver le juste. Le juste amène forcément le beau. Mais le juste n’est pas forcément le bien. Dans le bien, il y a une valeur morale qui est assez subjective, que je veux omettre, ou en tous cas ne pas utiliser, ni dans ce que je conçois, ni dans ce que je projette. Je préfère parler de juste, justement. La beauté d’une femme, elle est dans le juste, dans sa façon de se comporter par rapport à sa propre personne, à sa propre image, à sa silhouette. Une pièce d’art primitif, c’est un équilibre particulier, une présence bien particulière, à travers la façon dont elle a été sculptée. Elle peut être très brute, elle peut être très sophistiquée, qu’importe. Il y a quelque chose qui doit être juste. Pour le parfum, c’est pareil.




Illustration: H.P. Horst, Ancient Persian Oculus



Tous droits réservés. Il est interdit de reproduire tout ou partie de cet entretien sans l’autorisation expresse de son auteur.


15 commentaires:

  1. Quel entretient passionnant, merci! La justesse de geste, c'est exactement ça, Denyse, la question de toute une vie pour un artisan, artiste, sportif bien-sûr (c'est l'escrime qui me vient spontanément à l'esprit, mais les arts martiaux sont un très bel exemple effectivement), écrivain aussi, c'est le mot juste; tout ce qui fait que même pour les gestes quotidiens, on les reconnaît à cet équilibre, cette manière d'être centrés. Il paraît qu'à une époque, dans une école italienne de chant, les élèves passaient des années à travailler sur le souffle avant d'être jugés prêts à donner de la voix.
    On ne peut que se réjouir que Bertrand Duchaufour ait la chance d'avoir cette liberté de création, bonne route!

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  2. Clochette, je suis particulièrement heureuse d'avoir trouvé le mot juste avec cette expression que Bertrand a aussitôt reprise à son compte. C'est ce qui fait que cet entretien était plus une conversation qu'une interview au sens strictement journalistique.

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  3. C'est passionnant !
    Je remarque la justesse du propos et l'humilité qui conduit BD à saluer le talent de Christian Astugevielle dont j'ai découvert le travail autour d'objets en corde tressée il y a de nombreuses années. Des directeurs artistiques avec une vraie personnalité : c'était déjà la préconisation d'Edmond Roudnitska .
    Hum, un travail sur le cuir : j'attends le résultat avec impatience.

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  4. Thierry, j'apprécie aussi cet hommage rendu au visionnaire qu'est Christian Astuguevieille.
    Quant aux cuirs... patience!

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  5. Enfin, une bouffée d'air frais ! Un parfumeur qui parle juste, sans langue de bois, dans un entretien mené avec maitrise. Merci et ouf !

    Et à propos de Méchant Loup, j'en remets une couche, c'est bel et bien cette maitrise du geste, du trait et de la matière que j'admire particulièrement dans ce parfum, et le fait qu'il n'est jamais "trop", tout comme Aedes et bien d'autres.

    Grâce à toi Denyse, je comprends mieux ce que j'aime dans le style et les parfums de Bertrand D.

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  6. Méchant Loup, je t'avais bien dit qu'il parlerait de ton parfum éponyme...
    En effet, c'est un réel bonheur que de discuter avec un créateur au discours aussi direct. Cela s'appelle une conversation, et c'est rare.

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  7. Et à force de discutions, il semble bien que le monde du parfum manque de conversation de ce style, et pourtant, Bertrand D. n'est pas le seul à dire quelques vérités ?

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  8. Méchant Loup, il n'est pas le seul, mais il est l'un des rares à les dire publiquement -- cela dit, je suis peut-être l'une des rares à lui en avoir donné l'occasion puisqu'il n'y a que sur des blogs comme celui-ci que ce genre de conversation peut trouver place. Cela reste très confidentiel.

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  9. ...c'est remarquable. Vraiment remarquable.
    L'ouverture, la franchise, mais surtout... toute l'intégrité artistique qui s'exprime là. Au temps pour ceux qui s'obstineraient encore à croire que les compositeurs de parfums ne sont guère plus que des techniciens chimistes!

    Je pensais justement aujourd'hui à cette incroyable gifle que les séries de CdG avaient donnée au monde de la parfumerie. Les Odeur, les Synthetic... il fallait vraiment quelqu'un de la trempe de Christian Astuguevieille pour oser lancer des trucs pareils. Et ça ne m'étonne pas qu'il ait pu avoir une telle influence émancipatrice (note perso: aller sentir Calamus).

    Je trouve ça fascinant, aussi, de voir les associations synesthétiques de BD, ses associations de couleur, de luminosité, cette idée de peindre olfactivement des nuances de noir, même carrément un Soulages... je paierais très cher pour sentir ça! (enfin, pour moi, le Bois d'Encens d'Armani est déjà pratiquement un Soulages olfactif).
    Et finalement, est-ce que tu ne trouves pas une affinité entre le style de BD et l'art primitif même? Parce que je sens un lien net, malgré tout...

    Eclairage nouveau sur l'IFRA, aussi - on blâmait tous plus ou moins les restrictions, mais c'est donc plus de la frilosité qu'autre chose? Cette image de ligne inexorable sur laquelle s'est jetée la parfumerie est effrayante, frappante, et on ne peut plus vraie. Ca remet pas mal de choses en place. Hélas.

    Une chose est sûre en tout cas: après avoir lu ça, je vais attendre les prochaines créations de BD avec encore bien plus d'impatience.

    Merci à tous les deux!

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  10. Sixtine, tu soulèves tellement de points dans ton commentaires que je ne saurai pas tous les aborder, mais...
    L'intégrité artistique: sans doute ce qui ordonne toute la démarche de Bertrand, il y revient très souvent.

    Les synesthésies: Bertrand est également peintre (à tel point qu'il a envisagé d'en faire une carrière), mais je crois que ces associations ne sont pas rares chez les parfumeurs (Jean-Claude Ellena parle souvent de textures des odeurs dans son QSJ).
    Pour B, Nuit de Tubéreuse comme d'un saphir bleu vert, par exemple.

    Le rapport entre le style de B et l'art primitif... Ça ne me saute pas aux yeux, peut-être parce que la notion d'art primitif est trop générale? Comme le dit B dans son interview, certaines pièces peuvent être brutes, d'autres sophistiquées, et puis il y a tellement de cultures différentes... Elaborate, please?

    Enfin, l'IFRA comme excuse à la paresse ou au manque d'imagination... on peut imaginer effectivement certains, dans la profession, se plaindre qu'on ne peut plus rien faire sans rechercher des voies alternatives de création, d'effets, d'accords... Mais c'est plutôt ce discours unique du marketing, qu'il fustige, qui fait du tort à la profession dans son ensemble.

    En tous cas, merci pour cette lecture attentive qui pourrait et devrait soulever bien des discussions!

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  11. Merci beaucoup pour cet entretien vraiment passionnant. J'aime depuis longtemps les créations de BD.
    "Calamus" est le parfum auquel je reviens toujours depuis des années, un des rares que je rachète !

    Je suis également très sensible à l'expression "justesse de geste". Les cavaliers de dressage l'utilisent souvent, elle différencie le vrai travail de l'esbrouffe !

    Delphine

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  12. Merci à vous, Delphine. Je ne connais pas le milieu équestre mais cela ne m'étonne pas que cette expression y soit employée. Elle me semble désigner le dénominateur commun de plusieurs pratiques qui allient la maîtrise technique à la recherche de la beauté.

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  13. Bonjour !
    Je suis le voisin de bertrand Duchaufour (domicile)et je peux vous garantir qu'outre un être passionné et passionnant il est aussi un formidable conteur ! c'est un être sans concession, entier. Professeur d'arts martiaux, je ne connais absolument rien à la parfumerie mais bertrand sait toujours me faire voyager lorsqu'il raconte ses voyages, ses coups de coeur, ses coups de gueule. Ah que ca fait du bien en cette période bien pensante !!

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  14. Phil, qu'est-ce que c'est drôle, je n'ai jamais eu de commentaire de la part d'un voisin de parfumeur! Je pense que vous avez bien dû reconnaître le personnage dans cet entretien. Bertrand est en effet tout le contraire de la langue de bois, et nous avons des conversations, comme vous le dites, passionnées et passionnantes! Cela transparaît parfaitement dans ses parfums, d'ailleurs.

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