S’il fallait lui donner une couleur ? Cuisse de nymphe émue. Ou alors « bout de jeune sein », cette piquante métaphore troussée par Colette pour décrire le bouton de tubéreuse… Rafraîchi d’un glacis d’aldéhydes, saupoudrée de cannelle comme une joue tavelée par le soleil, ce parfum à l’arrondi de pêche couchée sur fond de mousse se nommait Chloé lorsqu’il fut lancé en 1974 par les Parfums Lagerfeld. Rebaptisé Tuberosa 1974 lors de sa réédition dans L’Atelier des fleurs de Chloé, le parfum offre un rare aperçu de son inspiratrice -- plutôt tendre ici que criminelle, enjouée que charnelle. Une interprétation de la tubéreuse qu’écraseront bientôt les divas à épaulettes des années bling, de Giorgio à Amarige en passant par Poison… Est-ce à cet oubli qu’elle doit aujourd’hui son allure de jeunesse ?
Créé en 1974 par Betty Busse, le parfum a été réorchestré en 2021 par Dominique Ropion. Si quelqu'un a pu comparer les deux versions je serais enchantée d'avoir son avis. J'ai porté le premier Chloé à l'époque où T-Rex arpentait encore les scènes, mais cette version nouvelle, que j'adore, ne réveille pas de souvenirs d'adolescence....
(Le texte ci-dessus, sauf le dernier paragraphe, est paru à l'origine dans le cahier critique de Nez N°11 en 2021).
Illustration: Détail des Baigneuses de Jean-Honoré Fragonard, parce que personne n'a mieux su peindre les cuisses de nymphe que le maître grassois.