Une petite fille très courageuse vient de perdre sa
mère. Un mari aimant, sa femme. Ceux d’entre nous qui avons eu le privilège
insensé d’être ses amis partageons leur douleur. Le parfum a perdu l’une de ses
grandes artistes.
Si j’ai écrit ces mots aussi vite, sous le choc
de cette nouvelle, c’est parce qu’écrire, penser à elle, c’est une façon d’être
encore là avec elle. J'espère de tout cœur que ceux qui l'aiment n'y verrons pas d'indiscrétion, mais un témoignage d'amour.
Sandrine Videault s’est éteinte sans souffrir à
Nouméa le 3 juillet. Elle n’aurait pas voulu que j’écrive que c’était après un
long combat contre la maladie. Elle refusait ce mot de combat. Au cours des
longs mois de son séjour à Paris pour être soignée, nous en avons souvent
discuté. Pour elle, il s’agissait – j’espère que je ne trahis pas ses mots – d’un
voyage de découverte, d’une écoute de son corps et de son esprit.
La dernière fois que je l’ai vue à une station de
taxi à Saint-Germain des Prés la veille de son
retour à Nouméa, je savais que sans doute je ne la reverrais pas. C’est loin, Nouméa. Comment dire adieu à une amie quand
il y a encore une chance que ce ne soit pas un adieu ? Lors de ce dîner
dans un restaurant de Saint-Germain, quartier où elle a longtemps vécu, on a
donc fait comme toujours : discuté, ri, parlé de l’art du parfum, de
nos projets… On s’est dit qu’on
se parlerait par Skype. On n’y est pas arrivées. Notre conversation longue de quatre ou cinq ans, par mail,
Skype ou en personne, a été coupée court.
Sandrine Videault était un parfumeur unique en son
genre, incapable de compromis. Dans un documentaire sur la création de
Manoumalia, elle disait qu’au moment de sa mort, elle se rappellerait cette
création comme l’une des choses dont elle était la plus fière. Elle avait tant
de raisons de l’être.
Mais ce n’est pas le moment de parler de son œuvre, d’envisager
ce qui aura été sa dernière composition, Magnolia
Grandiflora. Aujourd’hui, ceux qui l’ont connue ne peuvent que pleurer
cette femme belle et passionnée, avec son grand rire éraillé, son intelligence
éclatante, sa passion, sa générosité. Ce que sera une vie sans Sandrine, sa présence, sa
force indomptable, son amitié, la foi qu'elle avait en ceux qu'elle aimait, je ne peux pas l'imaginer.
Sur mon bureau, depuis qu’elle me l’a offert, est
posé un minuscule godet de concrète de Manoumalia. Son odeur est toujours aussi
suave.