Inutile de
dire que Séville à l’aube a été le parfum de l’année pour moi. Et puisqu’il
figure au palmarès 2012 de nombreux blogs, je suppose que ce parfum né d’une
double aventure – celle qui l’a inspirée et celle de sa création avec Bertrand
Duchaufour – a su parler à d’autres. Ce développement est le fil narratif de
mon livre The Perfume Lover, qui
paraîtra en français aux Presses de la Cité fin mai ou début juin 2013 (le
titre français n’est pas encore trouvé : si vous avez des suggestions, je
suis preneuse !).
La plupart
des lancements 2012 qui m’ont émue partagent avec Séville à l’aube un
enivrement printanier. Serait-ce parce que les parfumeurs, décideurs et
consommateurs ont eu envie à l’unisson d’un vent de renouveau ? Plusieurs
floraux tendres se sont épanouis ; une interprétation différente de la
fraîcheur, ni citrus, ni aquatique, s’exprime à travers de notes de chair de
fleur moite et de sève (Inflorescence de Byredo, Narciso Rodriguez for Her L’Eau
et See By
Chloé poursuivront la tendance en 2013).
Jour d’Hermès, disponible
en boutique Hermès et lancé mondialement en février, est l’expression la plus
achevée de cette approche. Conçu pour évoquer la fleur-en-soi plutôt qu’une
fleur en particulier, le pendant féminin au Terre d’Hermès de Jean-Claude
Ellena est à la fois serein et enivrant. Côté mainstream, c’est de loin mon
lancement préféré.
Baiser Volé eau de toilette de
Mathilde Laurent pour Cartier est, tout comme la version extrait, plus fidèle à
l’inspiration d’origine – une peau frottée de lys – puisque les notes
cosmétiques de l’eau de parfum y sont moins présentes, avec une ouverture
aldéhydée qui booste les notes vertes.
L’Eau de Chloé de Michel
Almairac (Robertet) est la plus intéressante de la série signature de Chloé.
Coup de génie et prouesse technique : enrober la structure chyprée
verte-citrus d’eau de rose, substituée à l’eau qu’on ajoute au concentré et à l’alcool.
C’est cette eau de rose qui, seule, crée une note rosée très naturelle qui joue
de la tête au fond.
Mito de Vero Profumo, par l’irremplaceable
Vero Kern, est une interprétation ultra-niche et sans compromis du floral
printanier, citronnelle mordant à pleine dents un cœur de fleurs dominé par le
magnolia. Un volume époustouflant qui suscite les compliments spontanés.
Boutonnière N°7 de Rodrigo Flores Roux (Givaudan) pour Arquiste m’est
parvenu trop tard pour que je rédige un billet cet année. Mais ce gardénia tout
en fraîcheur verte greffé sur une cologne masculine – l’antithèse de la fleur
blette de Tom Ford ou de celle, baumée confiturée, de Serge Lutens – le confirme :
Arquiste est une maison qui compte.
Perle de Mousse de Bertrand Duchaufour pour Ann Gérard, autre jeune
maison sur laquelle je compte revenir dare-dare, est l’interprétation la plus
originale du genre chypre vert cette année. Son overdose de lentisque, qui joue
dans la structure le rôle d’une mousse de chêne presque certainement destinée à
l’interdiction sous peu, teinte son cœur muguet de nuances de violette et d’iode.
Lumière Blanche de Sidonie Lancesseur (Robertet) pour
Olfactive Studio – encore une jeune maison qui se distingue par sa cohérence et
sa qualité – tire le thème verdoyant qui court dans tous mes lancements 2012
préférés vers une autre zone de la carte olfactive. Un jeu sur l’incandescence
qui éclaire d’un chaud-froid d’épice la blancheur d’un accord lait d’amande-iris-santal.
Blanc de Courrèges de Julie
Massé (Mane) est, comme son nom l’indique, un hommage à la couleur emblématique
de cette maison mythique. À en juger par le nombre de visites au billet que je
lui ai consacré, cette délicieuse dragée iris-patchouli a su créer le buzz. Un
lancement joliment encadré des classiques Empreinte et Eau de Courrèges,
restaurés par Vincent Schaller (Firmenich).
Infusion d’Iris Absolue de Prada tire la blancheur aveuglante de l’original
vers un registre plus sensuel. Tout se passe comme si Daniela Andrier avait
plongé Candy dans son Infusion d’Iris pour l’imprégner de douceur baumée. En
complément : le gommage Candy, beaucoup plus dosé en iris et en musc qu’en
caramel, et fortement rémanent.
Musc Tonkin de Parfum d’Empire vient bousculer ce florilège. Extrait en
édition limitée, l’hommage de Marc-Antoine Corticchiato à la note animale la
plus mythique de la palette dompte n’est pas tout à fait assez fauve pour qu’on
le boucle dans une cage… mais de justesse.
Mentions
plus qu’honorables – j’aurais tout aussi bien pu faire un Top 15 – à Santal Majuscule de Serge Lutens, Aedes de Venustas, Speakeasy de Frapin sur lequel je reviendrai, Corps et Ames Eau de Parfum de Parfumerie Générale et Fils de Dieu, du riz et des agrumes d’ État Libre d’Orange.
Et puis un
clin d’œil à la campagne de Noël de La Petite Robe Noire de Guerlain, parce qu’elle me fait danser…
Depuis un Montréal polaire - moins 20°C, 45 cm de neige -- je vous souhaite à tous et à toutes un réveillon enivrant !
Illustrations: The Roses on Park Avenue de Will Ryman.