vendredi 30 septembre 2011

Singing in the Night for Serge Lutens, Saturday October 1st on France Inter


Remember last November, when I attended the wedding of Nuit de Tubéreuse and Fantastic Man, the young couple I contributed in my own, serendipitous way to match up? Well, because this is Perfumeland and the wonders never stop, an adorable, talented, funny and handsome young man I met at that wedding has just emailed me about a new radio show on the French station France Inter.

Each week, Gurwann Tran Van Gie invents the musical character of the “artist you’re better off not knowing” for “Chantons sous la Nuit” (“Singing under the Night”), the show hosted by Arthur Dreyfus, his creative partner in the PCPA (“Petit chéri, petit amour”) tandem.

This time, Gurwann will be the singer-songwriter Vert Solitaire (a pun on “ver solitaire”, tapeworm meaning “the solitary green), who will waft a vetiver-inspired tune for none other than Serge Lutens.

During the show, Mr. Lutens will share his favourite musical memories, which should make for a fascinating selection as he’s never really spoken about them…

"Chantons Sous la Nuit", on France Inter, Saturday October 1st from 10 to 11 P.M. Paris time.
You will be able to download the podcast by following this link.

Chantons sous la Nuit... pour Serge Lutens, samedi 1er octobre sur France Inter



Vous rappelez-vous, en novembre dernier, le mariage de Nuit de Tubéreuse et de Fantastic Man, ce jeune couple que j’ai à ma modeste façon contribué à unir ? Eh bien parce qu’au Pays des Parfums il n’y a que des merveilles, un garçon rencontré à ce mariage, adorable, doué, drôle et beau comme un astre, vient de m’apprendre qu’il est chroniqueur dans une émission de France Inter animée par Arthur Dreyfus, son binôme créatif du duo PCPA (« Petit chéri, petit amour »).

Chaque semaine, Gurwann Tran Van Gie invente le personnage chantant de « l'artiste qui gagne à ne pas être connu ». Samedi, ce sera le Vert Solitaire, chanteur à textes sur fond d’effluves de vétiver, qui fera la sérénade à Serge Lutens.
M. Lutens évoquera ses meilleurs souvenirs musicaux. Une sélection sans doute assez révélatrice, car à ma connaissance, il ne s’est jamais tellement exprimé dans ce domaine…

"Chantons sous la nuit", animé par Arthur Dreyfus, sur France Inter le samedi 1er octobre de 22h à 23h.

Vous pourrez télécharger le podcast en cliquant sur ce lien.



jeudi 29 septembre 2011

Yves Saint Laurent Saharienne: How not to mine a brand's DNA



(Pour la version française, cliquez ici.)
 
Ever since Karl Lagerfeld resurrected the zombie house of Chanel in 1983 by systematically exploiting the emblems of Chanelitude, fashion houses have been scrambling to apply the lesson to their own brands: luxury as post-modern combination of sampling and semiotics.
Arguably, the process had already been going on at Yves Saint Laurent for quite some time before the ailing couturier’s retirement, as his team heroically maintained his standards by drawing on the language he had invented (there is a fine line between reworking one’s own ideas and recycling them; between self-awareness and self-parody).
In a way, you could say that Yves Saint Laurent had already, symbolically turned his back on his years as fashion’s enfant terrible when he launched a fragrance called Paris, based on the romantic-nostalgic rose, whose face was Lucy de la Falaise (a second-generation Saint Laurent muse) posing with a straw boater in front of the most iconic of Parisian monuments. It was as though Saint Laurent has ratified his own status as a historical monument; erected his own cenotaph. Nevertheless, Paris and Champagne/Yvresse were fragrances with as strong a character as Rive Gauche and Opium, and however fragile the couturier was, his line of perfumes expressed a robust vision. Someone, at Sanofi (then owner of the licence) clearly knew how to smell (but then, 1993, when Champagne/Yvresse was launched, is practically prehistory in the perfume industry).

Today, while Stefano Pilati “revisits the codes” for YSL Rive Gauche, YSL Beauté, owned by L’Oréal since 2008, is applying the cosmetics behemoth’s steamrolling marketing strategies to a brand whose turnover it aims to double in the next five years, namely by re-launching its skincare line (something L’Oréal has peerless expertise in) with a strong focus on Asian markets.
Clearly, but not unsurprisingly, L’Oréal’s major push has been on advertising rather than on the juices. Of the last three feminine launches, Parisienne (which did well) and Belle d’Opium (which apparently didn’t) both capitalized on the brand’s two strongest “franchises” with lavish campaigns. Pity all the life has been sucked out of the juices.
Now, with last summer’s Saharienne, YSL Parfums tries to pull a Lagerfeld by naming a scent after one of the mainstays of the Saint Laurent canon, the safari jacket he introduced in 1968, making it the first “legacy exploitation” fragrance of the house with no olfactory point of reference.
The ad’s model sports the wild mane and sooty eyes of Veruschka von Lehndorff in Franco Rubartelli’s iconic Vogue photograph, though thankfully not the actual jacket, which would have been overkill. But that’s as far as any relationship between the fragrance and the name goes.
Who, at L’Oréal, imagined that this soapy-clean, hairspray-on-citrus accord could have anything to do with the Sahara, or a desert of any description, or, for that matter, with any Yves Saint Laurent perfume? It might as well have been composed for Armani (Renaud de Lesquen, the president of YSL Beauté transferred over from there). Perhaps it was: at L’Oréal, scent submissions are put in a basket from which any brand can retrieve them. And perhaps it did start out in the lab as a genuinely interesting, “burning” variation on cologne: as it is, the juice is so fleeting it couldn’t raise a blister, or even a blush.
Who, in the corporate offices, still knows how to smell, and trusts his/her judgment enough, to deliver drama in scent rather that relying exclusively on gorgeous ads and exciting new faces to front the product? Mining a brand’s DNA can be a sterile exercise if there is no vision to make its genetic code evolve.



Saharienne : on retourne la veste d'Yves Saint Laurent (pas forcément du bon côté)


(For the English version, click here.)

Depuis que Karl Lagerfeld a ressuscité la maison Chanel en 1983 en exploitant systématiquement les emblèmes de la Chanelitude, les marques de mode font des pieds au mur pour appliquer la recette, dans une vision postmoderne du luxe tenant à la fois de la sémiologie et du sampling.
D’une certaine manière, ce processus était déjà bien entamé chez Yves Saint Laurent avant même que le couturier ne parte à la retraite (entre un travail fondé sur son propre corpus et le recyclage, la frontière est parfois ténue).
On pourrait même penser qu’Yves Saint Laurent avait déjà symboliquement tourné le dos à ses années d’enfant terrible de la mode en lançant un parfum appelé Paris, axé sur l’odeur romantique-nostalgique de la rose, incarné par Lucy de la Falaise (muse de seconde génération), posant en canotier (allô Coco) devant le monument le plus emblématique de Paris. Comme si Yves Saint Laurent, identifié à Paris, à la tour Eiffel et indirectement, via le canotier, à Mademoiselle, s’était lui-même érigé en monument historique ; comme s’il s’était élevé un cénotaphe de son vivant. N’empêche : Paris et Champagne/Yvresse avaient autant de caractère que Rive Gauche ou Opium. La santé d’Yves Saint Laurent était fragile, mais ses parfums exprimaient une vision robuste. Manifestement, quelqu’un, chez Sanofi à qui appartenait alors la licence, savait sentir (mais Champagne remonte à 1993, autant dire la préhistoire dans l’industrie du parfum).

Aujourd’hui, tandis que Stefano Pilati « revisite les codes » de la maison, comme on dit, YSL Beauté, passé dans l’escarcelle de L’Oréal depuis 2008, applique les méthodes marketing du géant de la cosmétique à la marque. Le but : doubler le chiffre d’affaires d’ici cinq ans, notamment en développant les soins (domaine où L’Oréal dispose d’une indéniable expertise), particulièrement en direction de l’Asie.
Côté parfums, la mise conséquente destinée à rehausser le prestige de la marque s’est portée essentiellement sur la pub plutôt que sur les jus. Des trois derniers lancements féminins, Parisienne (un succès) et Belle d’Opium (dont on murmure en coulisse que c’est un flop), tiraient parti des deux « franchises » les plus connues de la marque. Tout dans l’image. Pas grand-chose dans le flacon.
Cet été, avec le lancement de Saharienne, YSL Parfums a tenté d’appliquer la cure du Dr. Karl en donnant à son produit le nom de l’une des icônes du vestiaire Saint Laurent, la mythique saharienne introduite en 1968, ce qui en a fait le premier parfum de la marque exploitant le patrimoine-maison sans référence olfactive.
Certes, « l’égérie » de Saharienne affiche la crinière fauve et l’œil charbonneux de Veruschka von Lehndorff dans la célèbre photo de Franco Rubartelli pour Vogue – heureusement, on n’est pas allé jusqu’à l’affubler d’une saharienne. Mais c’est à cela que se limite le rapport entre le parfum et son nom.
Qui, chez L’Oréal, s’est figuré que ces accords de savonnette et de spray Elnett sur agrumes pouvaient évoquer le désert en général ou le Sahara en particulier ? Ou qu’ils se rattachaient d’une quelconque manière aux parfums Yves Saint Laurent ? Le jus aurait pu tout aussi bien être composé pour Armani. C’est peut-être le cas, qui sait ? Après tout, c’est de là que vient Renaud de Lesquen, le président d’YSL Parfum, et il est coutumier chez L’Oréal de mettre des propositions de parfums dans un « panier » où vont piocher toutes les marques. Il n’est pas interdit de penser que la composition, au départ, était bien une variation intéressante sur l’eau de Cologne, version « brûlante » -- comme avec Belle d’Opium, on sent un petit frémissement d’idée dans le fond, vite étouffé entre le labo et les bureaux. En l’état, « la plus brûlante des eaux fraîches » ne nécessitera pas l’application de Biafine. Entre le nom et le jus, la contradiction est tellement évidente qu’elle flingue le parfum dès le premier pschitt.
Piocher dans l’ADN d’une marque peut s’avérer stérile lorsqu’on ne sait pas faire évoluer son code génétique. Qui, parmi les décideurs, sait encore sentir, a assez confiance en son nez, pour miser sur la force d’un jus plutôt que celle d’une campagne de pub ?


Portrait d'Yves Saint Laurent par Jean-Loup Sieff, 1969


dimanche 25 septembre 2011

Jean-Claude Ellena: “The day I manage to create a perfume with two ingredients, I’ll stop.”

Jean-Claude Ellena has just presented his Journal d’un parfumeur (whose English translation will come out next year) to the members of the Société Française des Parfumeurs (22/09/11), describing the genesis of the book and reading out some excerpts.
His quip about doing a two-line formula is just that, a quip, yet Ellena seems aware that the terseness of his style and the deliberate limitation of his palette are at risk of hemming him in. At least, he writes as much in his book, and this is actually one of the excerpts he’s picked. And somehow, it is this sense of self-awareness and self-restriction that come through during the talk.

Ellena knows he is addressing an audience entirely composed of perfume industry professionals. He seems aware of the fine line between acknowledging the level of freedom he is granted and the risk of seeming to boast about it.
The fact is that many of his colleagues are frustrated and disheartened. As an evaluator in a major oil house confided to me, “they don’t choose who they work with. They work with people they don’t understand, and who don’t understand them.” A development they’ve worked on for months can be altered until every original molecule is blasted out of its body; it can be flat-out rejected by a client up to the very last minute, a brutal, disrespectful practice, but one that has been going on for decades.

Therefore, Ellena’s position, as he describes it, is fairly unique. He is left entirely free to develop his fragrances. At most, he is given a name (“Terre”, “Voyage”) or Hermès’ yearly theme (India, artisans…). He relies exclusively on his own judgment: he “hears” the comments made by the evaluators or the marketing team, he explains, but doesn’t necessarily follow up on them. When asked by a young perfumer in the audience whether he’s got someone who acts as his “mirror”, he shakes his head. Ultimately, he claims, he engages in a very narcissistic activity: before the perfume comes out, he himself is the mirror, “and if I look at myself in the mirror and like what I see, I feel better”, he jokes. After the perfume comes out, the public becomes the mirror.
He and the Hermès Parfums chairperson are the ones who decide on what ultimately comes out. But he emphasizes the amount of personal responsibility he takes on, and the nerve-wracking level of exposure that springs from it, which he never experienced when he was working for Symrise. “You are the creator”, he says. “Why would you saddle another person with the responsibility of choosing?”

But despite a choice of excerpts that hinge on his resistance to the tyranny of marketing and trends, or to the gendering of fragrances, Jean-Claude Ellena is not about to lead a Perfumer's Liberation Front. (He spoke a bit more forcefully when collecting an award at the 2010 Fragrance Foundation gala, when he asked the industry to “trust the perfumers”.)
A young perfumer picks up on the word “resistance”: “We are all apprentice-resistance fighters”, she says, “and we would like to follow you.” Ellena has no advice to give her.  Then the chairman of the SFP, Patrick Saint-Yves, underlines the fact than in a craft so strongly predicated on know-how, this know-how must be passed on to younger generations: what is Jean-Claude Ellena – who never takes on apprentices – doing about this? There is a pause. Then: “I write.”  When Saint-Yves insists, saying that Ellena himself had Edmond Roudnitska as a teacher, Ellena explains that he never received lessons from the master. He primarily learned from his writings, though he came to disagree with some of Roudnitska’s stances. This was in fact why, when he was approached by the Presses Universitaires de France to update the Que sais-je?, he answered he could only write an entirely new book as he could endorse neither the ideas nor the style.

Patricia de Nicolaï also speaks up. In his Journal d’un parfumeur, Ellena says he keeps certain perfumes as benchmarks. She’d like to know which ones. Ellena answers that the references are not olfactory, but technical: diffusion, long-lastingness, sillage. He quotes Diorissimo, Eau Sauvage, Habit Rouge and Bois des Iles.Patricia de Nicolaï prods him: “And among more recent ones?” Pause. Smile. “I’m a bit old”, he jokes, adding that he very seldom smells what’s on the market, except when going through duty-free shops.

What stands out in this discussion is, ultimately, Ellena’s particular brand of solipsism – he himself uses the word “narcissistic” several times. As though Jean-Claude Ellena, who has landed every perfumer’s dream job, could only be a point of reference for Jean-Claude Ellena.
Might it be partly because of his unique position, of the freedom and trust he is granted by Hermès, that his language has become increasingly self-referential? However free he is, he also bears the responsibility of maintaining the olfactory identity he has forged for the brand. And in resorting more than once to the metaphor of the mirror, Ellena may be hinting in a roundabout way that he is aware of the limitations he has imposed upon himself.

Somehow, I’d like to think that underneath his self-control, his limpid austerity, Jean-Claude is damming up a torrent of sensuality; that the mirror may actually be the dam that is holding him back. He often brings up a childhood memory in interviews: the smell of jasmine blending with the sweat of jasmine pickers, which aroused a strong sensual emotion in him as a young boy. As for his first erotic emotion, he has said he owes it to the jasmine and cumin accord of Diorella, the scent worn by the woman who was to become his wife. A drop of that sweat is of course to be found in the masterful Déclaration. But clearly, this underlying sensuality has been reined in, watered down, as though it were too facile… or perhaps too revealing? He’s not saying, and of course it’s not the kind of question one asks during a public discussion…

But I can’t help wondering what would happen if Ellena let loose and betrayed his own aesthetics. Steaming up that mirror could be fun. Or breaking it.

Jean-Claude Ellena: « Le jour où j’arrive à créer un parfum avec deux composants, je m’arrête. »



Jean-Claude Ellena vient de présenter son Journal d’un Parfumeur aux membres de la Société Française des Parfumeurs (conférence du 22/09/11). Il a raconté la genèse de l’ouvrage et en a lu quelques extraits.
Sa plaisanterie au sujet d’une formule à deux lignes n’est que cela, une plaisanterie. Mais comme toutes les plaisanteries elle est révélatrice : Jean-Claude Ellena semble tout à fait conscient que la concision de son style, la limitation délibérée de sa palette, risquent de l’enfermer. Ce souci « d’excès de fidélité envers [soi-même] », il en fait d’ailleurs état dans son livre, et ce passage est l’un de ceux qu’il a choisis de lire. D’une certaine manière, la conférence et la discussion qui la suit accentuent cette impression de réticence ; d’un discours qui balise ses limites.

Jean-Claude Ellena s’adresse à un public entièrement composé de professionnels de l’industrie, et il est sans doute conscient qu’en mettant en avant la liberté qu’on lui accorde, il doit prendre soin de ne pas donner l’impression de s’en vanter. Il sait à quel point ses confrères et consœurs sont souvent frustrés, découragés. Comme une évaluatrice d’une grande société de composition me le confiait récemment, « ils ne choisissent pas avec qui ils travaillent. Ils travaillent avec des gens qu’ils ne comprennent pas et qui ne les comprennent pas. » Un développement sur lequel ils œuvrent pendant des mois ou des années est susceptible d’être modifié jusqu’à ce qu’il n’y subsiste plus la moindre idée originale. Un produit peut être carrément refusé par le client jusqu’à la dernière minute, pratique brutale et cynique consacrée par plusieurs décennies de tradition.

La liberté et la confiance dont jouit Jean-Claude Ellena chez Hermès sont donc assez uniques dans la profession. Il peut développer les parfums exactement comme il l’entend. Tout au plus, explique-t-il, on lui fournit un nom (« Terre », « Voyage ») ou le thème annuel de la maison (l’Inde, l’artisanat…). S’il « entend » les commentaires de l’équipe, il ne les suit « pas forcément ». Lorsqu’une jeune parfumeuse lui demande s’il a un interlocuteur, un « miroir », il secoue la tête. Le métier artistique est un « métier narcissique », explique-t-il. Pendant qu’il crée, le miroir, c’est lui, « et si je me regarde dans le miroir et que je m’aime, ça va mieux », plaisante-t-il. Une fois le parfum lancé, « le miroir, c’est le public ».
Il explique qu’il est seul à décider, avec la présidente des parfums Hermès, du produit qui va être lancé. Mais il souligne le coût énorme de cette responsabilité : « Le succès repose sur mes épaules. Je sais ce que c’est de prendre des risques quand je mets un parfum sur le marché. » Ce poids, il ne le portait pas lorsqu’il travaillait chez Symrise. Mais il insiste sur le fait que la décision finale doit revenir au parfumeur. « Vous êtes le créateur. Pourquoi donner la responsabilité du choix à une autre personne ? »

Pourtant, malgré une sélection d’extraits qui portent en grande partie sur sa résistance à la tyrannie du marketing et des tendances -- donc bien ciblés pour son public -- Jean-Claude Ellena n’a aucune intention de prendre la tête du Front de Libération des Parfumeurs. (Il avait été un peu plus affirmé en acceptant un prix au gala de la Fragrance Foundation en 2010, lorsqu’il avait incité les décideurs à « faire confiance aux parfumeurs ».)
La même jeune parfumeuse relève ce mot de « résistance » et pousse ce cri du cœur : « On est tous des apprentis-résistants, on a envie de vous suivre. ». Mais il n’a pas de conseils particuliers à lui donner. Plus tard, le président de la SFP Patrick Saint-Yves souligne l’importance de la transmission du savoir-faire dans un métier d’art comme le parfum, et demande à Jean-Claude Ellena ce qu’il fait dans ce sens (en sachant très bien que ce dernier ne prend ni apprentis, ni stagiaires). Silence. Puis : « J’écris. » Patrick Saint-Yves le relance : n’a-t-il pas lui-même bénéficié du savoir-faire d’un maître, Edmond Roudnitska ? Jean-Claude Ellena précise que M. Roudnitska ne lui a jamais donné de leçons, que c’est essentiellement par ses écrits qu’il lui a appris des choses, même si, par la suite, il s’est trouvé en désaccord avec certaines idées de son aîné.  C’est d’ailleurs pour cette raison, comme il l’expliquait plus tôt, qu’il n’a pas souhaité travailler sur une remise à jour du Que sais-je ? : « Je ne partageais ni ses idées, ni son style. » D’où la rédaction d’un ouvrage entièrement différent.

Patricia de Nicolaï intervient pour demander à Jean-Claude Ellena quels sont les parfums dont il dit dans son livre qu’il les garde auprès de lui comme repères. Il répond qu’il ne s’agit pas de repères olfactifs, mais techniques (diffusion, tenue, sillage) et cite Diorissimo, Eau Sauvage, Habit Rouge et Bois des Iles. Rien de plus récent ? insiste Mme de Nicolaï. Silence. Sourire. « Je suis un peu vieux », plaisante-t-il, en ajoutant qu’il sent rarement ce qui est sur le marché, sauf lorsqu’il passe par des boutiques hors-taxes.

D’une certaine manière, ce qui ressort de cette discussion est le solipsisme du parfumeur, qui revient d’ailleurs lui-même à plus d’une reprise sur l’aspect narcissique de son activité. Tout se passe comme si Jean-Claude Ellena, qui a décroché le poste dont rêve tout parfumeur, ne pouvait servir de point de référence qu’à Jean-Claude Ellena. On pourrait d’ailleurs se demander si ce n’est pas précisément à cause de la liberté, de la confiance que lui accordent Hermès, que son langage semble devenir de plus en plus autoréférentiel. Quelque libre qu’il soit, il porte aussi la responsabilité de maintenir l’identité olfactive qu’il a créée pour la maison. En ayant recours à la métaphore du miroir, peut-être laisse-t-il percer une allusion à la butée que ce miroir lui impose ; qu’il s’est imposée à lui-même.

On pourrait aussi se demander si l’austérité limpide du style de Jean-Claude Ellena – limpidité de miroir – n’agit pas précisément comme un barrage retenant un torrent de sensualité. Ce qui le ferait soupçonner? Ces souvenirs, souvent évoqués dans ses interviews :

Vers l'âge de 9/10 ans, ma grand-mère allait souvent ramasser des fleurs de jasmin pour gagner un peu d'argent et j'aimais bien l'accompagner. (...)
A la fin de la cueillette, elles m'offraient un peu de jasmin et leur odeur de sueur humaine mêlée au parfum de cette fleur provoquait en moi une grande émotion sensuelle. Cela m'a beaucoup marqué. Il y a un produit en parfumerie qui sent un peu la sueur, c'est le cumin. Le premier parfum qui ait eu un effet érotique sur moi se nomme
Diorella de Dior et contient un accord jasmin/cumin. Celle qui le portait est devenue ma femme!
Une goutte de la sueur des cueilleuses de jasmin est d’ailleurs tombée dans son magnifique Déclaration pour Cartier. Mais on a l’impression que depuis, cette sensualité s’est de plus en plus bridée, diluée… peut-être parce qu’elle est perçue comme trop racoleuse ? Trop impudique ? Ce n’est évidemment pas le genre de question qu’on pose en public après une conférence… Je ne l’ai donc pas posée.

N’empêche. Que se passerait-il si Jean-Claude Ellena se débridait ? S’il trahissait son propre style ? Après tout, on peut écrire des tas d’histoires sur un miroir embué… Ou on peut le casser.


jeudi 22 septembre 2011

Candy: Prada sticks us with caramel



“It’s for women in their 40s who are freaking out”, quipped global fragrance expert Marian Bendeth to the Toronto Globe and Mail when asked for input about Candy.

Ok, now I’d like to give me one good reason, just one, I’m not greedy, for not freaking out given the current context, whether you were born in 1950 or in 1990. Just one. I’ll buy it. Now. On the stop. Give up? Very well. This, for instance: Candy.
That misses Prada and Andrier, who up to now had offered us marvellously presentable juices, the kind of juices the most tweeded-up, stuck-up Milanese bourgeoise couldn't impeach, have stuck us with a caramel delights me no end. Granted, the caramel was bought in a chic candy shop on the Corso Como. Still, it’s the polar opposite of an infusion. Infusion is a perfectly honourable perfumery term, but in French is also means herbal tea and as such, it reeks of ladies afraid of insomnia, indigestion or kilos. If you’re going to freak out, you might as well go all out and shoot up on candy. And that’s where you can recognize La Prada: it’s the perverse side of her stance, which always seemed to me to shine out through her designs. They’re obviously meant for women intelligent enough to understand their slightly surly, slightly unattractive aspect. The thing about them that’s not quite willing to please men, a bit like Léa Seydoux’s hiked-over-the-belly-button pink knickers in Jean-Paul Goude’s advert…

Candy, in a way, can also live without men… Candies are self-erotic. You can suck on them alone. But what makes Candy so perverse is that it frustrates the expectations of the Prada-perfume public. Can you imagine something more common than caramel? More of a mall-rat cliché? No, Miuccia, not that, not you! Well, yes. And what’s more, dressed up in a shocking pink box that references that other Italian-artist-who-makes-dresses, the great Elsa and her frankly ripe 40s juice, but also C’est la Vie, Christian Lacroix’s 80s megaflop. And to top it off, it’s got the kind of illustration – by the great François Berthoud, but still – you’d find on a chick-lit book cover (the Devil Wears Prada, for instance).

Candy might well be a bid to draw in tweens or freaked out women in their forties who are as depressed as the markets. But it may also be the Prada-esque equivalent of L’Eau Serge Lutens: a way of being where you’re least expected, of breaking the routine. And, in Miuccia’s case, of displaying the undercurrent of bad taste – which is still taste – that runs through her work.
But smell Candy carefully and you’ll notice it’s crafted much in the same style as, say, the revered Infusion d’Iris. And that caramel is nothing, deep down, if not benzoin’s secret longing, its way of slumming it up. Daniel Andrier blows it up until it’s a micron-thin bubble. Then she whips benzoin with cloudy musk, molecular-gastronomy style, until it foams. If you’re going to go sweet, you might as well go for real sugar rather than artificial sweetener, and just work in smaller, more efficient doses – this Candy won’t go straight to the hips. Offered on a base that picks up the wood in vanilla – another facet of benzoin -- it is actually a delectable, impeccable composition.

Vintage perfume lovers will have noticed that Goude’s advert turns around the scenario in Tabu’s old print ads: this time, it’s not the bearded violinist ravaging the lady pianist, but the pupil savaging her teacher. Back in “the forbidden perfume’s” days, the forbidden was sex. Today, it’s sweets. Duly noted.
Prada is smart enough to have noticed her customers needed comfort. Not necessarily because they want to go the mutton-dressed-as-lamb route by spraying themselves with sugar. But because a few grams of sweetness in a brutal world are nothing to sniff at. In French, the boudoir is a place to bouder, to sulk. It’s also the ideal setting to nibble on bonbons.

Candy : Prada nous colle un caramel



« Un truc pour quadras en plein flip. »
 C’est le verdict un brin peau de vache de l’experte ès parfums canadienne Marianne Bendeth, interrogée par le Toronto Globe and Mail sur Candy de Prada.

Allez, je veux bien qu’on me donne une seule bonne raison, rien qu’une, je ne suis pas exigeante, pour ne pas flipper vu les temps qui courent, qu’on soit né en 1950 ou en 1990. Une seule. J’achète. Là. Tout de suite. Vous séchez ? Bon, disons celle-ci : Candy.
 Que mesdames Prada et Andrier, qui nous ont jusqu’ici proposé des jus merveilleusement propres sur eux, des jus que la bourgeoise milanaise la plus coincée dans son tweed ne renierait pas, nous collent un caramel, ça me réjouit. Acheté dans une confiserie du Corso Como, soit. Mais quand même : l’antithèse absolue de l’infusion. Ça a beau être un vrai terme de parfumerie, l’infusion, ça vous a quand même un petit côté mamie qui redoute les insomnies, les kilos ou les indigestions. Tant qu’à flipper, autant se shooter aux bonbons. Et c’est justement là qu’on la reconnait, la Prada : c’est son côté mauvais esprit, qui m’a toujours paru évident dans ses vêtements, manifestement destinés aux femmes assez intelligentes pour comprendre leur aspect un brin revêche, un peu ingrat en fin de compte. Leur truc pas foncièrement fait pour plaire aux hommes, un peu comme la culotte rose remontée jusqu’au nombril de Léa Seydoux dans le spot de Jean-Paul Goude…

Candy aussi, d’une certaine manière, ça sait se passer d’hommes… Le bonbon, c’est une sorte d’auto-érotisme. Ça se suce en solo. Mais Candy donne un tour de plus dans l’ingratitude  en ce qu’il déjoue les attentes du public parfums-Prada. Du caramel, peut-on imaginer plus commun ? Plus clicheton pour draguer la minette ? Non, Miuccia, pas vous, pas ça ! Eh bien si. Et qui plus est, habillé d’un étui rose shocking qui a beau renvoyer à l’autre Italienne, là, la grande Elsa et son jus carrément obscène des années 40, rappelle quand même aussi furieusement C’est la vie, le méga-flop 80s de Christian Lacroix. Et pour enfoncer le clou, orné d’une illustration – par le grand François Berthoud, soit, mais digne d’un couve de bouquin chick-lit.
Candy est peut-être tout bêtement destiné, en effet, à racoler la minette ou la quadra flippée, aussi déprimées que le marché. Mais c’est peut-être aussi l’équivalent pradesque de L’Eau Serge Lutens : être là où on ne vous attend pas. Et, dans le cas de Miuccia, exposer tout d’un coup la veine de mauvais goût – donc de goût tout de même – qui court sous la maison.

Mais qu’on le sente attentivement, ce Candy, et on se rend compte qu’il est d’une facture très proche, par exemple, d’un Infusion d’Iris. Et que le caramel n’est guère au fond que l’aspiration secrète du benjoin, sa façon de s’encanailler. Ce caramel, Daniela Andrier le gonfle jusqu’à en faire une espèce de bulle d’un micron d’épaisseur. Par là-dessus, elle fouette le benjoin façon cuisine moléculaire jusqu’à ce qu’il écume, poussé par un musc vaporeux. Tant qu’à faire sucré, autant aller carrément dans le vrai sucre plutôt que l’aspartame, mais en allégeant la texture. Ce Candy-là ne porte pas sur les hanches ou le foie. Présenté sur une base qui relève l’aspect boisé de la vanille – autre facette du benjoin -- c'est en fait une composition impeccable et délicieuse à porter.

Les amateurs de parfum vintage remarqueront d’ailleurs que le spot de Goude renverse le scénario d’une vieille pub pour Tabu de Dana, où le violoniste étreint passionnément la pianiste : cette fois, c’est l’élève qui viole(nte) le prof. Dans le temps, « le parfum défendu » parlait de sexe. Aujourd’hui, le tabou, c’est le sucre. Dont acte.
Prada, maligne, a bien compris que ses clientes avaient besoin de réconfort. Pas forcément parce qu’elles veulent, par une senteur sucrée, se donner des faux airs de gamine. Mais parce que quelques grammes de douceur dans un monde de brutes, ça ne se boude pas. Ça se grignote dans le boudoir.

dimanche 18 septembre 2011

Mon Parfum Chéri par Camille (Annick Goutal): Purple Chypre


An earth-mama chypre who’s not afraid to get dirt under her manicured nails and rip her 1930s maroon velvet dress as she wanders into the forest at dusk, mouldy autumn leaves speared by her heels, trailing uprooted clumps of violets in her hem…

Like Songes, Mon Parfum Chéri is Camille Goutal’s baby – Isabelle Doyen gave her input, but Camille wrote the formula. And though it is entirely different from Songes, both compositions have a fleshed-out, carnal heft to them that conjures classic perfumery in a way very few contemporary perfumes achieve.
Being a chypre, of course, it is darker and more mysterious than the solar Songes, and Camille did nothing to rein in this dark bent, one that is inscribed in the genre’s DNA: in fact, if anything, she’s surrendered to it heart and soul.

One could say Mon Parfum Chéri is a heels-over-head chypre, except it’s got no head, no classic citrus top notes (though the pink pepper does give off faint citrusy facets), starting dark and thick with a camphoraceous blast of un-sanitized patchouli before yielding violets, plums and the unmistakable fatty, rooty, faintly metallic notes of orris butter, softening into a predominantly plum-violet drydown rounded out by the milkiness of peach lactone.

The fragrance is also an essay on the various hues of purple. From the wine-dreg darkness of patchouli to violet, plum, dark rose, and the soft mauves of iris and heliotropin, Mon Parfum Chéri explores the nuances of the colour Baudelaire associated with “love restrained, mysterious and veiled”.

Purple and violet are mystical colours, the former an imperial and ecclesiastic attribute but also the colour of wine and of dark blood, while the latter was once worn for half-mourning. It is therefore a palette suited to a fragrance conceived by Camille as a tribute to her late mother Annick Goutal and to the perfumes she wore when Camille was a child – perfumes whose passing we might also mourn… It is, along with the moving memory of the beautiful Annick, the soul of Femme that possesses Mon Parfum Chéri: like Edmond Roudnitska's masterpiece, the fragrance is built around Prunol, the mythical De Laire base (composed of, among other things, beta ionone, methyl-ionone, “peach” lactone, “coconut” lactone, musk ketone, cardamom, cumin and patchouli).

But though it is dark, Mon Parfum Chéri is neither nostalgic nor retro: Camille has given her own, modern reading of the mythical fruity chypre. It is as though she’d ripped out the lining of a vintage gown, chopped off the frills and turned it inside out, with all the irreverence and rawness the gesture implies. Despite its sentimental-sounding name, and the emotional memories it springs from – or perhaps because of them – Mon Parfum Chéri is as tough as it is chic, with a loose, bold, broad-stroked construction that upends the classic chypre structure.

In fact, this tribute to Femme could also be read as a contemporary reading of what it’s like to be a woman – rather than a smoothed-out, photoshopped image of one. Its rose-violet accord conjures the sophisticated cosmetics of the boudoir; its curvy lactonic plushness, female flesh; its earthy, rooty, woody notes, the mystery that links that flesh to nature – isn’t the artifice of blending the smells of flowers, woods and spices with our skins our way of embracing the continuum between our bodies and the world?
Mon Parfum Chéri shies away neither from its overt artifice nor from its earthy roots. It is an intensely moving, gloriously dusky olfactory portrait of a woman ready to be kissed…

The fragrance is available in eau de toilette and eau de parfum: the formulas are identical though they may develop slightly differently. The edp packs quite a punch – one spritz will gobble up whatever else you may be wearing – so may be better indicated for evening wear, but both have appreciable sillage and good tenacity.

Illustration by Anne Mealhie (1982)

Mon Parfum Chéri par Camille, chez Annick Goutal: Chypre empourpré


C’est un chypre qui n’a pas peur de saloper sa manucure en creusant la terre ou de déchirer sa robe 1930 en velours bordeaux dans les broussailles. Un chypre avec des feuilles mortes embrochées dans les talons et des touffes de violettes collées dans l’ourlet…

Comme Songes, Mon Parfum Chéri est le bébé de Camille Goutal – Isabelle Doyen y a bien sûr travaillé mais c’est Camille qui a formulé. Et bien qu’il soit radicalement différent de Songes, les deux compositions ont en commun une chair, un gras, qui évoque l’esprit des parfums classiques comme peu de produits contemporains savent le faire.
Étant un chypre, Mon Parfum Chéri est bien évidemment plus sombre et mystérieux que Songes le solaire, et Camille n’a rien fait pour brider cette inclination nocturne, inscrite dans l’ADN du genre : au contraire, elle s’y est abandonnée.

D’ailleurs, on pourrait dire que Mon Parfum Chéri est un chypre qui commence par le dénouement, un chypre cul-par-dessus-tête, sauf qu’il n’a pas de tête, pas de notes hespéridées en ouverture (bien que le poivre rose dégage de petites facettes citrus)… On y entre par une énorme bouffée camphrée terreuse de patchouli semé de prunes et de violettes, où percent rapidement les notes grasses, racinaires, légèrement métalliques du beurre d’iris avant de s’adoucir sur un accord prune, rose, violette légèrement musqué, auquel la lactone pêche ajoute de l’onctuosité.

On pourrait dire aussi que ce parfum est un travail sur le pourpre, le violet... Du lie-de-vin du patchouli à la violette et au cassis et de la rose sombre aux mauves doux de l’iris et de l’héliotropine, Mon Parfum Chéri explore les nuances de cette couleur que Baudelaire associait à « l’amour contenu, mystérieux, voilé ».

Le pourpre et le violet sont des couleurs mystiques : la première, impériale et ecclésiastique, évoque aussi bien le vin et le sang ; la seconde était jadis celle des tenues de demi-deuil. Ces résonances ne sont sans doute pas étrangères à l’inspiration du parfum, hommage de Camille à sa mère et aux parfums qu’elle portait lorsque Camille était petite – des parfums dont on pourrait aussi porter le demi-deuil… Avec le souvenir émouvant d’Annick Goutal, c’est l’esprit de Femme qui possède Mon Parfum Chéri avec son cœur de Prunol, base mythique de chez De Laire (composée entre autres d’ionone beta, de methyl ionone, de lactone « pêche », de lactone « coco », de musc cétone, de cardamome, de cumin et de patchouli)…

Mais malgré ces évocations du passé, Mon Parfum Chéri ne joue pas sur un registre rétro : Camille interprète le chypre fruité sur un mode moderne. Un peu comme si elle avait arraché la doublure et les froufrous d’une robe vintage et qu’elle l’avait retournée, dans un geste insolent et finalement assez violent. Le nom est fleur bleue, l’inspiration est émouvante, et pourtant, avec sa déconstruction audacieuse et presque désinvolte du chypre, Mon Parfum Chéri est aussi couillu que chic.

On pourrait même songer que cet hommage à Femme est, en réalité, une lecture contemporaine de ce que c’est qu’être une femme, plutôt qu’une image lissée de femme passée par Photoshop. Son accord rose-violette évoque les cosmétiques du boudoir ; ses courbes lactoniques, l’opulence de la chair qu’ils parent ; ses notes terreuses, racinaires, boisées, le mystère qui lie cette chair à la nature – l’artifice du parfum n’est-il pas notre façon de réaffirmer notre intimité avec le monde en mêlant nos odeurs à celles des fleurs, des épices et des bois ?

Mon Parfum Chéri ne recule ni devant l’artifice assumé, ni devant la face obscure de la nature. Tendez l’oreille à ce que murmure ce portrait de femme… Ce murmure, c’est « Embrassez-moi. »

Mon Parfum Chéri est disponible en eau de parfum et en eau de toilette. Les formules sont identiques mais la différence de concentration joue légèrement sur le développement. L’eau de parfum est sensiblement plus puissante, mais tous deux ont du sillage et de la ténacité.

Illustration de Marco Guerra et Yasmina Alaoui.

vendredi 16 septembre 2011

Juniper Sling: Penhaligon's mock-umentary revisits the Jazz Age


After the Monty Python-esque video promoting Bertrand Duchaufour's Sartorial, Penhaligon's take a page from Woody Allen's Zelig in their new mock-umentary for the gin-inspired Juniper Sling.

I haven't tested the juice yet -- it's by Olivier Cresp (Firmenich) but I, for one, am much more attracted by this kind of tongue-in-cheek promotional approach than by the nth superproduction featuring a half-naked writhing beauty reaching nirvana after one spritz, or a brooding bloke wafting a babe-trap sillage...

Juniper Sling: L'histoire des Années Folles, revue et corrigée par Penhaligon's



Dans la foulée de la vidéo d'inspiration très Monty Python pour la promotion de Sartorial de Bertrand Duchaufour, Penhaligon's propose un faux documentaire franchement hilarant sur leur nouveau Juniper Sling, fragrance inspirée par le gin, qui penche cette fois un peu du côté du Zelig de Woody Allen...

Je n'ai pas encore senti le parfum, signé Olivier Cresp (Firmenich), mais j'avoue nettement préférer cet approche décalée à la énième superproduction exhibant une beauté plus ou moins dénudée qu'un pschitt catapulte au nirvana ou un beau ténébreux au sillage attrape-minettes...

jeudi 15 septembre 2011

L'Eau cHic by Patricia de Nicolaï: Limpid


Henri Matisse, Geranium

Being her own boss in the company she runs with her husband Jean-Louis Michau, Patricia de Nicolaï is perfectly free to work on whatever accords strike her fancy – and even to rework ideas when she feels they can be expressed differently – as well as talk about her perfumes any way she sees fit. Her press releases are as no-nonsense as the lady herself. For instance, about her new L’Eau cHic, confidentially released this summer and now more widely available, she simply states that it is “easy-to-wear (…), identifiable and long-lasting” and that she wanted to conjure the smell of the big geranium-scented soaps that used to throne in her parents’ bathroom. 

In fact, she explained to me, she got the idea when she realised that the mint, geranium and lavender accord she’d composed for her Géranium home fragrance could be developed into a “skin” perfume: because she experiences her home fragrances in her own house, she has more time to study their full volume and nuances, so that they sometimes become the springboard for more sophisticated fine fragrances.  And being her own boss means she can implement her creative afterthoughts.

There are very few geranium-themed fragrances. For some people, the plant is associated with dusty flowerpots on windowsills and therefore distinctly unglamorous, though for Patricia de Nicolaï, it conjures happy memories of the flowered balconies of mountain chalets in summer in Bavaria, Switzerland or the French Alps. But more relevantly, geranium flowers have no fragrance, so that they're a bit of a harder sell to customers. The scent comes from the crumpled leaves. But, as Mme de Nicolaï points out, “though geranium essential oil is used in many formulas, it is seldom the central accord of a composition, namely because its sharpness and raspiness make it difficult to handle."

Yet, as luck would have it, just as she was honing her formula Frédéric Malle launched Géranium pour Monsieur, which Dominique Ropion had also worked around a geranium-mint accord. Nevertheless, Mme de Nicolaï forged ahead and launched her own take. Good call. The mint in Ropion’s Géranium is so powerfully overdosed it can be nose-searing (never, ever smell this first in a sampling session). L’Eau cHic, by contrast, achieves a Goldilocks moment by toning down the mint (actually a blend of spearmint and peppermint) so that it hooks up with the minty facet of geranium and lifts the lavender without overwhelming either.

The effect isn’t tastebud-scouring mouthwash but crisp, cool, sappy leaves crushed between your fingers, ice-cold water with a sprig of mint, smooth slippery soap. L’Eau cHic says “cool water” without a molecule of aquatic material, and “clean” without smothering you with laundry musk, though there are white musks to boost the notes. In fact, if it were sold in 1000 ml bottles, L’Eau cHic would be the kind of scent you’d shower with in summer: it’s got enough of a woody backbone to hold you up in a heat wave, and is elegant enough to feel as though you’ve donned a freshly ironed white Egyptian cotton shirt.

It’s been said before but it bears repeating: at a time when niche perfumes are often overpriced versions of mainstream products, and when classics are defaced by cost-cutting and regulations, perfume lovers can be grateful to Patricia de Nicolaï for offering consistently excellent compositions in a classic idiom at a price point that doesn’t require selling a kidney. And for telling us the straight story.