lundi 29 juin 2009

Amoureuse by Michel Roudnitska for Parfums DelRae: Honey Trap



Amoureuse keeps changing her story.

First she says she’s from San Francisco. As she swans around the room telling you – maybe a little too loudly? – about box trees and their tiny waxy blossom in that thrilling voice of hers you notice she’s left a drawer open in her dressing table.

An old photograph of Le Parfum de Thérèse is peeping out, and you can tell from her fizzy citrus head, her lush jasmine heart and her deep oakmoss soul that she takes after her grand-mother -- though less so than her kid sister Émotionnelle... But under that slightly brash American vigor, she is a child of Grasse, isn’t she?

While you’re peering at the picture, Amoureuse is all giddy mandarin aldehydes; you notice she’s doused herself in cool green tuberose, but there’s a hint of bitterness in her breath – cardamom.

Then she starts telling you about her father Michel’s ten years in Tahiti… She says that one day, while he was hiking on dry hillsides, a powerful and spicy fragrance drew his attention. He walked downhill towards it until he reached a hollow choked with dense, tropical vegetation. Still, he couldn’t locate the source of the smell… Until he finally pushed back some leaves and uncovered the tiny flowers… It’s then you realize where Amoureuse got her sultry looks and that lazy, moist, tropical demeanor: her mother is a ginger lily.

Now she stops talking, and lets her deep, narcotic sandalwood hum seep into the floral choir, while she absentmindedly kneads mandarin rind between her fingers. She’s dipped them in honey, and everything she’s been telling you from the start seems to have wrapped itself in this golden drizzle – the box tree blossoms, the tuberose, the jasmine, the ginger lily and her trail of spices.

Amoureuse means “in love” – a feminine adjective. But it’s you she’s caught – it’s you she’s become. In the damp, sticky days of summer, she’s wedded herself to your skin. And you’re suddenly, terribly hot.


Image: Still from Tabu (1931) by F.W. Murnau

Amoureuse, de Michel Roudnitska pour les Parfums DelRae: Piège de Miel


Amoureuse n’arrête pas de raconter des histoires ; et chaque histoire qu’elle raconte en dévoile une nouvelle, enchâssée dans la première… On s’y perd. Délicieusement.

D’abord, elle vous dit qu’elle vient de San Francisco. Pendant qu’elle vous parle – d’une voix peut-être un peu trop assurée – des buis qui poussent en Californie et de leurs petites fleurs odorantes, vous remarquez qu’elle a laissé entrouvert un tiroir de sa coiffeuse.

Vous y distinguez une vieille photo du Parfum de Thérèse, et vous remarquez qu’Amoureuse tient de sa grand-mère sa tête hespéridée, son cœur de jasmin et son âme de mousse de chêne -- moins que sa petite soeur Émotionnelle, mais tout de même... Sous sa vigueur américaine, c’est bien une Grassoise, non ?

Pendant que vous détaillez la photo, le rire des aldéhydes mandarine fuse, entraînant dans son effervescence une tubéreuse verte, mais de cette verdeur sourd une touche d’amertume – la cardamome.

Puis Amoureuse vous confie que son père, Michel, a vécu dix ans à Tahiti… Elle vous raconte qu’un jour, alors qu’il se promenait sur la crête de collines desséchées, une odeur florale puissante et épicée a attiré son attention. Elle émanait d’une petite vallée à la végétation luxuriante, mais il n’arrivait pas à en retrouver la source, jusqu’à ce qu’il repousse enfin des feuillages pour découvrir de minuscules fleurs orangées… C’est alors que vous comprenez d’où Amoureuse tient sa beauté sensuelle et ses allures moites, paresseuses et tropicales : sa mère est une fleur de gingembre sauvage.

Maintenant, elle ne parle plus, et le fredonnement hypnotique du santal s’infiltre dans le chœur des fleurs tandis qu’elle pétrit distraitement une écorce de mandarine. Ses doigts sont poisseux de miel, et tout ce qu’elle vous a raconté depuis le début semble avoir été piégé par ce nectar ruisselant – les fleurs de buis, la tubéreuse, le jasmin, la fleur de gingembre et son sillage épicé…

Amoureuse ? C’est vous qui êtes prise au piège. Dans la touffeur estivale, elle vous colle à la peau. Et tout d’un coup, vous avez très, très chaud…


Image: Tabou de F.W. Murnau (1931)

mercredi 24 juin 2009

Mûre et Musc: Low-tech Blackberry




Still revisiting the classics… This is a scent I never wore. But its enduring popularity, at least in France where it is still L’Artisan Parfumeur’s best-seller, made me feel as though I had to take a sniff… What came up my nose what a chunk of perfume history.

When Jean Laporte (or rather the perfumer working under his direction) decided to amp up the blackberry facet of a Musc T (ethylene brassylate) with more blackberry (“mûre”), not only did he create his brand’s best-seller to this day, but he also anticipated three major trends in perfumery: the taste for berries, the musk tsunami and what we could call, for want of a better term, the materials-driven school of composition. Take a material, study its facets, hook it up with another that has a similar facet, dress it up – in the present case, with a citrus cocktail, red berries and an oak moss base, though the formula apparently contains about one hundred materials – and you’ve got yourself a lovely, legible fragrance. Easy-peasy.

But back in the mid-70s, perfumers didn’t work that way – Jean-Claude Ellena, current master of the short formula, had launched his first major composition, the classic and complex First (Van Cleef and Arpels); Opium for Yves Saint Laurent was ushering in an era of super-concentrated, heavy hitters.

When Jean Laporte founded L’Artisan Parfumeur in 1976, his quirky, single-note fragrances (sandalwood, vanilla, patchouli…) drew a post-hippie crowd who wasn’t quite ready to switch from head-shop patchouli to Opium. With its healthy berry flavour and gauzy, fruity musk, Mûre et Musc smelled like nothing on the market; it still radiates an amiable, rustic, non-perfume-y charm.

In his Guide, Luca Turin states that the musk in the original formula has been replaced by another. L'Artisan Parfumeur denies the reformulation, especially since ethylene brassylate, which gives its distinctive flavor to Mûre et Musc, is not restricted by IFRA. Luca has since published a correction and the review has been amended in the 2009 edition of the guide. I have also had confirmation of this from Pamela Roberts, the creative director of L'Artisan.

A Mûre et Musc Extrême version, by Karine Dubreuil, was launched in 1993: the berry notes are stronger and underlined by green, raspy blackcurrant bud. For Mûre et Musc’s 30th anniversary, an extrait de parfum, with Turkish rose essential oil, added spices (pink and black pepper) and a stronger oak moss and patchouli base was composed by L’Artisan Parfumeur’s in-house perfumer, Bertrand Duchaufour. Unfortunately, the cute blackberry-shaped bottle is no longer available.


Image: Anjelica Huston for Walter Albini by Gian Paolo Barbieri (1973)

Mûre et Musc : Baie post-baba


Je continue à revisiter les classiques… Ce parfum, je ne l’ai jamais porté, mais sa popularité durable – trente ans après son lancement, il reste le best-seller de L’Artisan Parfumeur – m’a décidée à y mettre le nez. Et c’est un bout de l’histoire de la parfumerie contemporaine qui m’est monté à la tête.

Quand Jean Laporte (ou plutôt, le parfumeur travaillant sous sa direction) a décidé de booster les facettes « mûre » du Musc T (éthylène brassylate) en rajoutant encore de la mûre, non seulement a-t-il créé le best-seller de la marque, mais il a également anticipé trois tendances majeures de la parfumerie contemporaine : le goût des fruits rouges, le tsunami du musc et ce que nous pourrions appeler, faute de mieux, l’école « matérialiste » de composition. On prend un matériau, on étudie ses facettes, on l’atèle à un autre matériau présentant une facette similaire, on l’habille – dans le cas présent, d’un cocktail de citrus et de fruits rouges sur une base de mousse de chêne, bien que la formule compte en réalité une centaine de matériaux – et l’on obtient une fragrance aussi agréable que lisible. Fastoche.

Sauf qu’à l’époque, personne ne travaillait de la sorte – Jean-Claude Ellena, maître actuel de la formule courte, venait de lancer sa première grande composition, le très classique et complexe First (Van Cleef & Arpels) ; Opium d’Yves Saint Laurent inaugurait l’ère des senteurs saturées, entêtantes et super-concentrées qui allaient dominer les 80s.

Lorsque Jean Laporte a fondé L’Artisan Parfumeur en 1976, ses « soli-notes » désinvoltes (santal, vanille, patchouli…) ont séduit les ex-babas chics pas tout à fait prêtes à passer directement de l’huile de patchouli à Opium. Avec sa saveur saine comme un yaourt bio et son musc duveteux, Mûre et Musc ne ressemblait à rien sur le marché ; il rayonne toujours d’un charme affable et campagnard de non-parfum.

Luca Turin affirmait dans Perfumes: The Guide que le musc à odeur de mûre de la formule d'origine aurait été remplacé: L'Artisan Parfumeur le nie formellement et Luca a depuis publié un rectificatif, qui figurera à l'édition du guide. Pamela Roberts, directrice de la création de L'Artisan, me l'a également confirmé.

Un Mûre et Musc Extrême, revu par Karine Dubreuil, a été lancé en 1993 : les notes fruits rouges, plus prononcées, sont soulignées de bourgeon de cassis vert et râpeux. Pour le 30ème anniversaire de Mûre et Musc, un extrait de parfum enrichi d’essence de rose turque, d’épices (poivre rose et noire) et d’un fond patchouli-mousse de chêne plus sombre, a été composé par Bertrand Duchaufour. Hélas, l’adorable flacon en forme de mûre n’est plus disponible.


Image: Portrait d'Anjelica Huston